Le petit royaume de Sarko
par Henry Moreigne
mercredi 28 février 2007
Vous ne vous en êtes sans doute pas aperçus mais la France a rétréci. Oh pas de beaucoup juste quelques milliers de mètres ². Au même titre que la principauté d’Andorre ou le rocher de Monaco, Nicolas Sarkozy, en toute impunité s’est adjugé un royaume. Rue d’Enghien, dans le Xème arrondissement de Paris. Au plus grand dam des autochtones.
Dans le droit fil de son illustre ex-mentor, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy a fait le choix de prendre ses quartiers de campagne présidentielle dans un arrondissement populaire de la capitale, le Xème. Histoire de faire peuple sans doute. Mais à l’UMP, on ne mélange pas les serviettes et les torchons. Tout au plus les moyens de l’Etat avec les affaires et les ambitions personnelles. Début janvier, Nicolas Sarkozy établit son QG de campagne 18 rue d’Enghien. Dès le premier jour, la rue est mise sous haute surveillance policière. Les habitants des trois immeubles qui font face au QG reçoivent une lettre, datée du 15 janvier qui leur demande de répondre au plus vite à un recensement de sécurité et d’appeler un numéro de téléphone. Moyen simple et sans trace de poser de multiples questions et de mettre la pression en prodiguant "des conseils" sur les paparazzis, le risque terroriste...
Autant la présence de Jacques Chirac, alors Président de la république en exercice, dans les locaux du "Tapis Rouge" en 2002 s’était révélée discrète et modeste en terme de dispositif de sécurité, autant la présence policière développée autour des locaux du QG de l’UMP apparaissent démonstratifs et démesurés : nombreux camions et bus de police, ainsi qu’un détachement de CRS venu en renfort. Officiellement, le dispositif est là, pour encadrer et surveiller une manifestation de sans-papiers, officieusement pour la sécurité de Nicolas Sarkozy.
Selon le trottoir et le numéro d’habitation, il y aurait donc ceux qui ont tous les droits et ceux qui n’en n’ont aucun. Du côté des puissants, on pourrait donc requérir à volonté les forces de l’ordre et s’abriter impunément derrière, lever l’impôt à l’égard des manants en verbalisant les véhicules dépourvus de cocarde ou de gyrophare. Plus facile en tout cas que de sécuriser informatiquement les sites de campagne et de l’UMP victimes de failles importantes courant janvier.
Florence Aubenas, l’ex journaliste de Libération, passée depuis au Nouvel Observateur, qui a le malheur d’habiter le quartier le confesse volontiers : "C’est difficile de rentrer chez soi". A chaque fois il faut montrer patte blanche sinon on ne passe pas. Pas question d’avoir des invités. Les consignes sont au filtrage strict. Pas question non plus de vouloir regagner ses pénates avec un autocollant anti-sarko. La police de proximité du ministre-candidat veille et impose le retrait de tout signe considéré comme ostentatoire. Crime d’hérésie ou de lèse-majesté, c’est au choix.
Le Maire de l’arrondissement, Tony Dreyfus, dénonce la multiplication des contrôles d’identité au faciès, les interpellations et les recours abusifs à la fourrière. Les habitants eux, passés les premiers mouvements d’humeur, se murent par peur dans le silence. Pot de terre contre pot de fer. Ils ont déjà été fichés par les RG et puis, on ne sait jamais Quelques-uns pourtant n’entendent pas s’en laisser compter. Il se sont regroupés dans le comité "Rentre chez toi", tout un programme. Mais si eux sont certains dans moins de deux mois de perdre leur encombrant voisin, la France elle peut craindre à l’issue des présidentielles de devenir le nouveau petit royaume de M. Sakozy.