Le temps de travail des enseignants

par Aurélia Lemonnier
vendredi 2 mars 2007

Dans plusieurs commentaires, sur Agoravox et ailleurs, certains prétendent que les enseignants devraient effectuer 35 heures de cours. C’est mal comprendre les débats sur le temps de travail et le temps de présence des professeurs.

Dans une vidéo arrivée à point nommé, juste avant le vote interne des socialistes, Ségolène Royal propose que les enseignants soient présents 35 heures sur leur lieu de travail et s’occupent du soutien scolaire. Laissons de côté le procédé peu glorieux (mettre en ligne des séances privées), mais rappelons cependant que l’on s’exprime forcément différemment en réunion, avec des collègues maîtrisant le sujet.

Les différentes réactions à cette vidéo montrent que beaucoup parlent sans connaître le sujet :

« Les profs sont toujours en vacances ! »(Daisy Desressus)

« Ils travaillent un mi-temps, payé comme un temps plein. »(G. Desprejugés)

Le temps de travail

D’abord, un enseignant n’est payé que 10 mois (le salaire est ensuite annualisé). En effet, à l’époque où l’école est devenue obligatoire pour tous, la France était en majorité rurale et les enfants étaient des bras réquisitionnés aux champs. L’enseignant était donc en chômage forcé. L’année s’est, depuis, allongée pour commencer aujourd’hui le 1er septembre et se terminer vers le 5 juillet (un peu plus tard parfois, ça dépend des corrections d’examen).

Les enseignants peuvent donc travailler de façon déclarée s’ils parviennent à s’organiser (vous remarquerez cependant que ce sont le plus souvent les professeurs de mathématiques, de musique, de dessin ou d’EPS qui donnent des cours particuliers quand les professeurs de lettres sont souvent contraints, eux, de travailler à temps partiel pour s’en sortir).

Faut-il aussi rappeler qu’un cours se prépare ? Le professeur doit le créer en fonction des instructions officielles, de ses élèves (car chaque classe est unique) et du manuel (sachant que l’on ne doit pas abuser des document polycopiés). Posséder un savoir universitaire est loin d’être suffisant, car il faut ensuite trouver le moyen de le transmettre à des élèves pas forcément enthousiastes et dont les profils sont hétérogènes.

L’enseignant doit aussi élaborer des contrôles, puis les corriger avant d’entrer les notes dans l’ordinateur pour le bulletin et le livret sur lesquels il doit rédiger des appréciations.

Et corriger, ça prend du temps ! En particulier, mais ça, personne n’ose le dire dans certaines matières comme le français où l’on doit évaluer non seulement la pertinence des réponses, mais aussi l’ordre des idées, la syntaxe, l’orthographe, etc., sachant que, pour une rédaction, un commentaire ou une dissertation, toutes les productions sont très différentes et que c’est parfois un vrai casse-tête de les évaluer !

Corriger, c’est aussi, comme le nom l’indique, faire un sort à l’erreur pour que l’élève ne la reproduise pas. Le problème, c’est que tous les élèves n’ont pas fait les mêmes erreurs et qu’il faut expliquer à chacun ce qu’il doit faire pour progresser.

Finalement, même l’enseignant le plus fainéant ne peut guère s’en sortir à moins de 35 heures par semaine.

Quant aux plus consciencieux, il n’est pas rare qu’il travaillent plus de 50 heures (un sondage interne, il y a quelques temps, sur weblettres, avait montré que les professeurs de lettres travaillaient en moyenne 70 heures hebdomadaires).

L’organisation est faite de telle façon qu’il n’est pas rare de se coucher très tard ou se lever très tôt, de travailler le week-end entier et qu’il est impossible de ne rien faire durant les vacances.

Par ailleurs, 1 heure de cours est particulièrement épuisante.

Ce n’est évidemment pas le métier le plus pénible, d’autant qu’il apporte de nombreuses compensations à celui qui l’aime, mais celui qui croirait que faire cours c’est une sinécure, devrait essayer, je doute qu’il maintienne longtemps son avis

Le temps de présence

De fait, l’enseignant se trouve sur son lieu de travail plus longtemps que le temps qu’il doit passer devant les élèves : l’emploi du temps est en effet mité (vous pouvez n’avoir que 5 heures de cours dans une journée et être présent de 8 heures à 18 heures) et ce temps libre est souvent perdu.

Pourquoi ne pas effectuer tout le travail sur place ? Après tout, ça ferait économiser une pièce « bureau » à domicile.

En effet, dans certains pays -comme la Grande-Bretagne- les enseignants sont dans l’établissement plus longtemps qu’en France. On y voit des choses très intéressantes comme un tutorat d’élèves (un groupe composé d’élèves de différentes classes encadré par un professeur qui les accueille et les suit).

Cela dit, les situations ne sont pas comparables puisque les établissements anglo-saxons (du moins, ceux que je connais) sont beaucoup plus grands que ceux de France et organisés totalement différemment : des bâtiments entiers sont consacrés à une seule matière, avec une grande salle des professeurs où se trouvent de nombreux documents ainsi que tout le matériel dont ceux-ci ont besoin pour préparer leurs cour (y compris des cours déjà prêts).

Rien de tout ça en France où les enseignants, dans la majorité des cas, n’ont à leur disposition qu’une pièce (souvent moins grande qu’une salle de classe), où se trouvent généralement la machine à café, une table, des casiers, des panneaux d’affichage, etc. Dans cette salle polyvalente, il est difficilement envisageable de travailler.

Les études dirigées

Ségolène Royal, lorsqu’elle était ministre, a instauré en 6è et 5è, des études dirigées par un professeur, et ça se passe très bien.

Parfois, il s’agit de soutien méthodologique (comment s’organiser, comment apprendre une leçon, etc.), d’autres fois de soutien en français ou mathématiques.

Les établissements peuvent également faire une demande de CLAS (soutien individuel) pour les élèves les plus en difficulté.

Ne disons donc pas n’importe quoi : pour Ségolène Royal pas plus que pour n’importe qui ayant un peu réfléchi au sujet, il n’est pas question que les enseignants donnent 35 heures de cours -ce qui serait impossible- mais que leur temps de travail se passe en totalité dans l’établissement.

Ce ne serait pas si mal.

Ce n’est quand même pas l’idéal de perdre son temps entre deux cours, de passer des heures à travailler à domicile ni de consacrer une pièce entière à un bureau !


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