Les mauvais jeux de Meaux

par Voris : compte fermé
jeudi 28 décembre 2006

Jean-François Copé est maire de Meaux. L’irresponsabilité, elle, est mère de tous les maux. Calembour pour dénoncer ici les mauvais jeux de Meaux ! Un collégien a été battu à mort « par jeu ». Puis, des adultes, « par jeu » aussi - mais dans le sens de « calculs » d’intérêts ou politiciens- ont calibré tranquillement quelques petites phrases, de celles dont raffolent les médias. Et, comme si l’irresponsabilité était dans l’air du temps et de tous les camps, Catherine Vautrin parle de « poudre aux yeux » à propos de vies humaines en sursis ! Jusqu’où ira ce funeste spectacle ?

Le drame de Meaux en dit long sur ceux qui exploitent adroitement à des fins personnelles la mort d’un enfant. Jean-Marie Le Pen marche sur le petit cadavre pour fustiger "l’impéritie des gouvernants" et amalgamer, d’une certaine façon, l’acte commis à tous les dangers qui menacent le pays. Ségolène Royal rappelle sa proposition électoraliste qui est de renforcer la présence adulte, dans les collèges, collèges qui ont « fait l’objet d’une grande dégradation avec la suppression des emplois-jeunes » (phrase assassine pour la droite, au passage).

Jean-François Copé, concerné en tant que maire de Meaux, et qui a fait le serment de laisser tomber la langue de bois, dissimule mal derrière sa désormais « langue de papier » de porte-parole de gouvernement son embarras : "Je ne suis pas certain qu’il y ait un lien entre ce qui s’est passé hier et le problème plus général des moyens." En tout cas, son appel n’est pas entendu de la FCPE qui glisse au passage ses revendications catégorielles indécentes.

Réagissant plus tard, et prenant le temps de peser ses propos, François Bayrou dresse un constat humainement terrible : le jeune est mort sous l’empire de la peur autant que sous les coups. C’est dire la terreur qui règne dans certaines écoles. Sans polémiquer, il se prononce à nouveau en faveur d’une "présence adulte renforcée et sérieuse".

On le voit, les syndicats ou candidats politiques se montrent plus ou moins respectueux des familles en deuil selon les intérêts qu’ils représentent ou le populisme dont ils font preuve. Dans un tel contexte, il est bon de citer Copé qui dit un jour : « Y a un moment où chacun doit assumer, et moi je dis très clairement comme n’importe quel autre responsable que ce soit, quels que soient ses métiers, on assume sa responsabilité, on assume ce que l’on est, ce que l’on fait, c’est bien pour ça que l’on s’engage... » Mais assume-t-il la politique insuffisante de son camp politique dans le domaine de la politique de la ville (voir mon article « Pleurs sur la ville ») et sa différence avec le très libéral Sarkozy ?

Dans une autre affaire, celle des SDF et de leurs défenseurs du quai Saint-Martin, Catherine Vautrin parle de « poudre aux yeux » à propos de vies humaines en péril imminent. D’ailleurs, hélas, un SDF est mort depuis. Certains membres de l’association Don Quichotte avaient menacé de faire la grève de la faim, ce qui, dans le contexte de grand froid qu’ils subissaient sous la tente, allait les conduire à une mort certaine. Était-il responsable alors de parler avec légèreté ?

Mais, en définitive, la ministre de la cohésion sociale saura profiter avantageusement des projecteurs pour une fois braqués sur elle pour se féliciter (se féliciter est devenue une pratique répandue chez les politiciens) d’être "la première à faire évoluer l’hébergement d’urgence », et de brandir -c’est devenu classique, là aussi- des chiffres impressionnants, qui pris isolément ne veulent absolument rien dire : 1,150 milliard d’euros pour le problème de l’urgence. Face à toutes ces tentes qui envahissent Paris, Madame Vautrin ne comprend pas l’échec de la politique dont elle se fait complice ; elle préfère dire qu’elle va faire encore mieux ! Là encore, une recette éprouvée : la fameuse méthode Coué : tout va bien, tout va de mieux en mieux ! "Ce que demandent les Enfants de Don Quichotte, c’est d’aller encore plus vite, encore plus fort", dit-elle. Et même -n’ayons pas peur !- la délégation de l’association en serait à congratuler le gouvernement : "Je les ai écoutés, j’ai noté qu’ils soulignaient l’intérêt des mesures que nous avons mises en place." Conclusion attendue : sa porte est toujours grande ouverte pour discuter. Les SDF aussi lui tiennent ouverte la porte de leur tente...

Sarkozy, qui se targue aussi d’être un Don Quichotte, déclare le 27 décembre que, s’il est élu président de la République, personne ne dormira plus sous une tente dans deux ans. Le super ministre du gouvernement et fabuleux cumulard n’ayant étonnamment rien fait jusqu’ici en ce domaine malgré son immense pouvoir, viendrait par l’effet d’un phénomène spontané et tout à fait inédit de sa part, supprimer complètement la misère ! En bon élève de son maître, il sait que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Ou bien alors sent-il que la victoire lui échappe, et qu’il peut désormais tout s’autoriser en paroles ?

Bravo à tous les experts en communication qui entourent les leaders politiques et savent jongler avec les mots. Mais on sait que tout cela ne mènera pas plus loin que les prochaines échéances électorales, une fois encore. Pas plus loin que le printemps, quand les SDF se feront moins visibles.

L’un des plus mauvais jeux de mots, en politique, que fut la formule « responsable mais pas coupable », est aujourd’hui dépassé. Aujourd’hui, c’est : ni coupable ni responsable !


Lire l'article complet, et les commentaires