Lutte contre le réchauffement climatique : l’arnaque nucléaire
par Stéphane Lhomme
jeudi 2 novembre 2006
Cela fait des années que nous le disons, mais personne ne voulait l’entendre. Il aura donc fallu la conjonction de la venue en France d’Al Gore et de la remise au gouvernement du rapport du groupe « Facteur 4 » pour que la vérité éclate enfin : le nucléaire est une option totalement inefficace pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le rapport "Facteur 4" explique ainsi que "l’énergie nucléaire représente 6 % de l’énergie finale en Europe (17 % en France, 2 % dans le monde)", et que "au vu de ces pourcentages, il n’apparaît pas justifié, pour bâtir une stratégie climat, de centrer le débat sur l’énergie nucléaire" ; il pointe "l’apport finalement marginal du nucléaire" dans la lutte contre l’effet de serre (cf. Le Monde, Editorial, vendredi 13 octobre 2006).
Mieux : l’Agence internationale pour l’énergie (AIE), pourtant favorable au nucléaire, a récemment reconnu (World Energy Outlook) que sa part dans l’énergie mondiale allait décroître inexorablement. En effet, dans les vingt ans à venir, au moins 250 des 440 réacteurs actuellement en fonction sur Terre seront fermés, car arrivés en fin de vie.
Certes, des constructions de nouveaux réacteurs ont été annoncées ces derniers temps. Mais même si tous ces réacteurs sont réellement construits (ce qui reste à prouver), ils ne compenseront pas les fermetures qui, elles, sont inéluctables. Malgré les gros titres de certains médias sur un supposé "grand retour du nucléaire", ce dernier est plus menacé de disparition que de déploiement.
Même en France, royaume de l’atome, le ministre de l’Industrie François Loos a annoncé le 10 juillet 2006 que la part du nucléaire dans l’électricité descendrait de 80% actuellement à 73% en 2015, soit environ 15% de l’énergie consommée, contre 17% actuellement. Car, c’est une réalité, le trio "pétrole-gaz-charbon" couvre 75% de l’énergie française. Et ce n’est pas le nucléaire, marginal et en déclin, qui y changera quelque chose.
Cela explique d’ailleurs que, contrairement à une idée reçue, le nucléaire est incapable de protéger la France de l’envolée de la facture énergétique : + 24% en 2004, + 35% en 2005, et ce sera bien plus encore en 2006. La réalité est implacable : malgré 58 réacteurs nucléaires, la France consomme finalement presque autant de pétrole et de gaz que les autres pays. Et encore faut-il y ajouter la facture nucléaire qui, avec le démantèlement et les déchets radioactifs, promet elle aussi d’être explosive.
Le bilan est donc limpide :
- le nucléaire est totalement inutile contre le réchauffement climatique
- tant que les autorités prétendent que le nucléaire permet de lutter contre le réchauffement climatique, les mesures véritablement efficaces ne sont pas mises en œuvres. Le nucléaire est donc doublement fautif.
D’ailleurs, lors des négociations internationales, le nucléaire a été écarté des "mécanismes de développement propre" et n’est donc, logiquement, pas considéré comme une option pour lutter contre le réchauffement climatique. Cela souligne l’incroyable cynisme des promoteurs de l’atome : alors qu’ils savent pertinemment que cela ne changera rien au réchauffement climatique, ils instrumentalisent ce véritable drame mondial dans le seul but de vendre des réacteurs nucléaires. Sans commentaire.
En France comme dans le reste du monde, le trio "pétrole-gaz-charbon" va continuer pendant des décennies à représenter la plus grande part de l’énergie. On peut le regretter, mais c’est un fait. Alors, pour lutter vraiment contre le réchauffement climatique, il faut :
- cesser de chercher vainement une solution de remplacement, qui n’existe pas
- réduire considérablement la consommation d’énergie, en particulier celle des pays riches, pour utiliser en moins grande quantité les énergies polluantes et donc réduire les émissions de gaz à effet de serre
- en complément, développer les énergies renouvelables massivement et partout sur la planète.
Bien entendu, il est possible, en peu de temps, de se passer du nucléaire et de ses pauvres 2% de la consommation mondiale. Car, si elle n’a en fin de compte qu’une place marginale, l’énergie nucléaire continue d’imposer un danger maximal. Vingt ans après Tchernobyl, il ne faut pas oublier que le nucléaire est aussi nocif pour la planète que le réchauffement climatique.
Stéphane Lhomme
Porte-parole du réseau "Sortir du nucléaire"