Mauvaise nouvelle pour le centrisme : « les limbes » n’existent pas !
par Paul Villach
jeudi 26 avril 2007
Passionnés comme ils sont par une campagne électorale où se dessinent l’enfer, le purgatoire ou le paradis qui les attendent, quels citoyens ont fait attention à une nouvelle de première bourre ?
« Les limbes » viennent d’être jetées aux poubelles de l’Histoire par l’Église catholique, vendredi 20 avril 2007.
Les limbes comme marketing de la peur
Mais y a-t-il encore un Français à savoir ce qu’étaient « les limbes », par les temps qui courent ? Pourtant, il y a encore soixante ans, à ce seul mot, l’âme des jeunes mères et pères frissonnait au tréfonds d’elle-même : « les limbes » étaient ce « no man’s land » sinistre et ténébreux à l’écart des trois espaces de l’au-delà - enfer, purgatoire et paradis - auxquels étaient promis pour l’éternité leurs nouveau-nés s’il advenait qu’ils mourussent sans avoir été préalablement baptisés. Des parents aimants pouvaient-ils prendre ce risque, quand la mortalité infantile était encore importante ? Ils n’avaient d’autre obsession, après une rapide déclaration de la naissance à la mairie, que de courir porter toute affaire cessante leurs petits sur les fonds baptismaux de l’église paroissiale pour leur épargner un malheur éternel dont ils auraient été à jamais responsables. À défaut, en cas d’urgence, on procédait, sur les lieux mêmes de l’accouchement, à « l’ondoiement » de l’enfant, un baptême de secours simplifié qui assurait une place au paradis en cas de malheur.
On ne pouvait trouver meilleur marketing de la peur pour accroître le nombre des fidèles en leur inculquant un sentiment profond de culpabilité. Réussir à mettre dans les têtes qu’un nouveau-né est déjà coupable d’une faute originelle commise par ses ascendants, dont il faut à tout prix le laver à sa naissance, n’est pas une mince performance : c’est la preuve qu’on peut tout faire admettre aux cervelles humaines en s’y prenant bien, et d’abord en les terrorisant. « La peur, a-t-on déjà rappelé sur Agoravox en citant Clémenceau, est le grand moteur des actions humaines. »
Au moins une religion à la recherche de « bases sérieuses »
Dieu merci ! après vingt siècles de recherche, l’Église catholique estime, selon Le Monde du 23 avril dernier, qu’il existe « des bases sérieuses pour espérer que, lorsqu’ils meurent, les bébés non baptisés soient sauvés ». Alleluia ! Les religions ne résistent donc pas elles non plus aux avancées de la recherche scientifique : après avoir reconnu partiellement sa faute de 1633 envers Galilée en octobre 1992, voici que la découverte de « bases sérieuses » renvoient les limbes au « cerveau limbique » primitif qui les avaient enfantées et dont elles n’auraient jamais dû sortir.
La seule responsabilité personnelle
L’innocence coupable n’existe donc pas ! Chic ! Mais alors cela revient à dire que seule la responsabilité personnelle subsiste. On le savait en France - du moins dans les textes - depuis les articles 1382 et 1383 du Code civil de 1804. Il revient donc à chacun de faire en sorte qu’à défaut d’être un paradis, sa vie ne soit pas un enfer. Cet abandon des limbes ne pouvait pas plus mal tomber qu’en une période électorale, où un « centrisme politique » prétend en sortir.
Pas plus qu’il n’y a d’innocent coupable, il n’y a pas davantage de coupable innocent. Puisque nous sommes tous responsables de nos seuls actes personnels, il faut savoir choisir et ne pas choisir est encore choisir. Et comme, selon des « bases sérieuses », les limbes n’existent pas, inutile donc de chercher à en sortir. Paul VILLACH