Pourquoi j’ai voté Bayrou et pourquoi je voterai Royal

par gourou99
mardi 1er mai 2007

J’ai voté Bayrou en 2002 car j’avais déjà senti qu’il incarnait une nouveauté, une espérance au-delà des combines partisanes des deux grands partis au pouvoir depuis 1981. J’ai recommencé avec plus de ferveur encore en 2007. Je suis déçu de sa relégation. Mais je voterai sans état d’âme pour Ségolène Royal...

... car je crois :

1) Que Nicolas Sarkozy, comme le dit François Bayrou, représente une menace pour le pacte républicain et pour les libertés publiques.

- il divise la société en montant les unes contre les autres les catégories sociales, les communautés religieuses, les générations, les races... ;

- Ses propos sur la religion sont ambigus. Dans un Etat laïc, il est de la responsabilité du décideur public de garantir que la religion reste dans la sphère privée, sinon c’est le système américain, la bible au moment du serment, la prière dans les meetings et au conseil des ministres ;


- Ses propos sur les jeunes des banlieues, brocardés comme de la "racaille", sans aucun discernement, alimentent la haine et l’instabilité ;

- La stigmatisation des plus démunis, ceux qui souffrent (les RMIstes, les exclus, les chômeurs) ne permettra pas de sortir par le haut : comment motiver ceux qui n’ont rien, comment leur redonner espoir si le seul discours possible est l’humiliation, l’assimilation à des tricheurs ou des profiteurs de la société ?

2) Je veux être sincère. Parce qu’après avoir été sensible au procès en incompétence dont les médias nous ont rebattu les oreilles depuis six mois sur la candidate, je me suis rendu compte qu’elle ne cessait de progresser. Son attitude depuis le soir du premier tour a changé. Mme Royal a pris la hauteur - peut être parce qu’elle a prouvé aux plus perplexes des membres de son parti qu’elle savait rassembler sur son nom - nécessaire à la fonction. Sa volonté de dialoguer avec François Bayrou, sans tabou, quitte à bousculer les dogmes des socialistes, m’a beaucoup surpris (et assez agréablement).

Certes je ne partage toujours pas certaines options du pacte de Mme Royal. Les 35 heures sont un acquis social, mais je suis contre une application uniforme du temps de travail. Certes je pense aussi que la réforme des retraites devra être complétée et non abrogée. Mais je pense qu’il n’y a pas que l’économie dans la vie.

Il me semble que sur le plan des institutions, de la manière de gouverner, de la capacité d’écoute et de dialogue, de la possibilité d’apaiser le climat social qui produit des effets bloquants en France, Mme Royal est plus crédible que M. Sarkozy.

Elle a compris qu’on ne pouvait réformer un pays en opposant les citoyens les uns aux autres - j’y reviens, pardonnez-moi, car c’est essentiel.

3. Même sur le plan économique, Mme Royal a compris que la meilleure façon de limiter les grèves, ce n’est pas de les interdire, mais de rénover le dialogue social. Que pour réconcilier les entreprises - et les chefs d’entreprise - avec les salariés , il fallait d’abord et avant tout obtenir que les salariés se sentent mieux considérés, se sentent partie prenante de la stratégie conquérante de la structure à laquelle ils appartiennent. Bien sûr je pense qu’en payant moins de charges, les entreprises peuvent investir davantage. Qu’en réduisant les contraintes administratives et la bureaucratie, on dynamise l’initiative économique. Mais je crois qu’elle a raison de dire aussi qu’avec des salariés bien formés, adhérant au projet d’entreprise, se sentant écoutés, la motivation croît et la productivité du travail enrichit l’entreprise. Ca ne suffira peut-être pas à réger tous les problèmes, mais c’est un postulat indispensable pour créer les condtions de la réforme.

5. On ne peut pas non plus affirmer, comme le fait Nicolas Sarkozy, qu’on veut réduire les impôts d’un côté, mais de l’autre accroître les dépenses de recherche, de développement, d’éducation... Il faut être réaliste, pour investir dans les emplois de demain, on ne peut pas pour le moment baisser les impôts. Mais il ne faut pas les augmenter. Je partage cette position de M. Bayrou et de Mme Royal.

6. En revanche, j’espère que Mme Royal mènera à bien la réforme de l’Etat et des services publics. J’attends encore qu’elle précise son programme sur ce point. Et je crois que dans certains secteurs le non-remplacement de certains fonctionnaires sera nécesaire : là où les besoins sont moindres et où l’automatisation est possible (Impôts, comptabilité publique, DRIRE, DDE).

7. Mais je voudrais dire pour terminer qu’au-dessus de l’économie enfin, au-dessus même de la question sociale, il y a les libertés publiques. Que ferions-nous dans un système de croissance soutenue mais autoritaire ? Comment la France peut-elle accepter le populisme ? Je suis contre toute pratique de diabolisation, y compris de Jean-Marie Le Pen. Sarkozy n’est pas un dictateur, mais je le crois autoritaire et avide de pouvoir. Et je pense que ce n’est pas ce dont la société française a besoin aujourd’hui pour accomplir sa modernisation.

8. Mon vote n’est pas un blanc seing à Mme Royal, ni un vote d’adhésion totale. Les électeurs de François Bayrou qui feront le même choix que moi seront vigilants. Et j’attends que le parti démocrate obtienne une majorité aux élections législatives afin d’obliger Mme Royal à modifier son pacte présidentiel sur certains points.


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