Pourquoi S. Royal risque de baisser dans les sondages
par Le Hérisson
lundi 9 octobre 2006
L’envolée de Ségolène Royal dans les sondages a deux origines : son élection à la présidence de la région Poitou-Charentes, en mars 2004, puis sa candidature à l’élection présidentielle dont la presse a commencé à se faire l’écho à l’automne 2005. Mais ces deux sources de popularité sont en train de se tarir.
Le site de la Sofres à propos de la popularité des femmes et hommes politiques est riche d’enseignement. Avant l’élection régionale, la popularité de S. Royal, comme celle de toutes les personnalités du PS ayant gouverné, était en train de s’effriter. Elle est remontée en flèche après le résultat des élections régionales où la gauche avait raflé la quasi-totalité des régions. Des raisons simples à cela. En battant la protégée de Jean-Pierre Raffarin, Elisabeth Morin, sur ses terres de Poitou-Charentes, Ségolène Royal devenait tout à coup emblématique, non seulement de la victoire de la gauche, mais aussi de la leçon infligée au premier ministre. Tous les observateurs s’accordaient en effet à constater que la victoire de la gauche était principalement un vote de rejet contre Raffarin, lequel était déjà usé jusqu’à la corde. Dans les premiers mois de sa présidence, S. Royal prit soin de jeter aux oubliettes tout ce qui était le plus voyant dans la politique régionale du premier ministre, en premier lieu, la communication, la maison régionale Poitou-Charentes à Paris, les équipes de certaines associations ou organisations satellites comme le Comité régional du tourisme, etc. Dans le même temps, elle mettait en place ses propres idées, à commencer par la fameuse « démocratie participative », sorte de fourre-tout idéologique qui consiste à réunir le plus de citoyens possible autour d’une question donnée, le citoyen « lambda » devenant « expert » de son quotidien.
Quand sa candidature à la présidentielle est devenue probable, les médias se sont emparé de l’hypothèse. Quels peuvent être les ressorts de cette mise en avant ? Déjà, S. R. avait été redécouverte et avait bénéficié d’une large couverture lors des élections régionales. C’est une « bonne cliente », comme on dit dans les médias, l’esthétique indéniable de la personne s’associant à un naturel de bon aloi. Deuxièmement, à tort ou à raison, S. Royal apparaissait comme une personnalité « neuve » en politique, ce dont raffolent les journalistes et... les électeurs, qui depuis des années n’ont eu de cesse de renvoyer les équipes dirigeantes à chaque élection. On sait aussi que, contrairement à ce que disent ses lieutenants, pour Sarkozy, Ségolène Royal a toujours été la candidate la plus facile à battre. Il la juge « incompétente » et incapable de tenir la distance. Or, on sait qu’une grande partie des médias nationaux est dévolue à la droite. Il ne paraît pas absurde de penser que ceux-ci mettent S. Royal en valeur pour mieux influencer le vote des socialistes... Ensuite, l’emballement médiatique, comme dirait D. Schneidermann, a fait le reste : les unes de magazine, les émissions de télé et radio, se succédant depuis au moins six mois, le soufflé ne pouvait que grimper. Mais voilà : n’est-ce pas trop tôt et trop fort ?
Car on peut se demander si ce capital d’images qui reposait sur deux leviers, la région et les médias, ne va pas s’éroder. La région tout d’abord. Il n’est plus un secret pour personne en Poitou-Charentes que S. Royal est autocratique, autoritaire et qu’elle s’est fâchée avec une bonne partie de ses collaborateurs ainsi qu’avec une bonne partie des élus du PS, M. Fountaine (La Rochelle) et Jacques Santrot (maire de Poitiers) en tête. De démocratie participative vantée sur son site Internet (l’un des mieux surveillés de l’Internet politique), il ne reste qu’une présidente qui gouverne seule, qui demande aux fonctionnaires qui la suivent encore de travailler jusqu’à pas d’heure et qui, désormais, est de plus en plus absente de l’exécutif régional. Rappelons que l’un de ses premiers faits d’arme dans les Deux-Sèvres fut de se présenter aux municipales de Niort contre le maire sortant... socialiste, ce qui eut pour effet de mettre le PS local à feu et à sang. D’autre part, deux de ses anciennes permanentes, qui assuraient son secrétariat à cette époque, n’avaient pas été payées intégralement. Elles avaient attaqué Ségolène Royal aux prudhommes et gagné. Peut mieux faire, pour une socialiste ! Les quelques ouvrages qui viennent de sortir, notamment La dame aux deux visages, sont fort intéressants, mais racontent ce que chaque élu ou chaque fonctionnaire de la région savait déjà. Bien que la fédération départementale du PS de la Vienne ait appelé à voter pour elle, son responsable étant un ségoléniste de la première heure, rien n’est acquis, tant la réputation de la présidente n’est plus à faire.
Enfin, l’idée de nouveauté que le personnage inspirait est en train de s’étioler. Pour une raison simple, quasi mathématique : plus une personnalité apparaît dans les médias, et moins l’impact de cette présence est important. D’autant que la campagne se jouera sans doute pour une bonne part sur la Toile, et que, si on peut douter du concept de « démocratie participative », on sait, en revanche, que la « communication participative », elle, existe bel et bien sur le Web. Il est frappant de constater que plus le calendrier avance, plus les critiques se font jour contre la « patronne » du Poitou-Charentes. Ce qui se joue sur l’Internet entre quelques initiés des forums et autres blogs finira tôt ou tard par atteindre les grands médias, les internautes s’exprimant sur des sites comme Monputeaux.com ou ceux qui écrivent sur AgoraVox deviennent des leaders d’opinion, au même titre que les journalistes. Par conséquent, on peut prévoir que les sondages puissent baisser. Immanquablement, cela conduira les médias à se lasser du phénomène ségoléniste, car leur moteur reste la vente des journaux ou l’audience.
Si le capital de Ségolène Royal est ruiné dans sa propre région et se trouve atteint dans les sondages et la sphère médiatique, il n’est pas impensable que sa cote subisse une franche dégringolade. Espérons seulement que ce sera avant la désignation de leur candidat par les militants du PS. Sinon, les lendemains socialistes risquent d’être aussi difficiles qu’en avril 2002. A moins... à moins que le programme de la candidate ne devienne plus concret et puisse montrer une véritable ambition pour la France, plutôt qu’un simple appétit de pouvoir.