Président célibataire cherche peuple à suivre et +

par Matt2pari
vendredi 16 mars 2007

Elire notre nouveau président est une chose : travailler chaque jour à bâtir les fondations sur lesquelles il relancera notre pays en est une autre.

Depuis des semaines qui paraissent déjà des années, les médias, dans leur quasi-intégralité, décortiquent sous tous les angles les prochaines élections : les sondages, certains revirements de comportements ou d’opinion de citoyens et d’élus, des analyses de la situation actuelle, des prévisions en tout genre, parfois dignes d’un Madame Irma sur le retour. On reproche à certains candidats leur libéralisme, leur programme creux, leur charisme d’huître ou leur patrimoine immobilier si bien caché.

 

Prenons de la distance, juste un peu : les problèmes mis en lumière sont les mêmes depuis des années et des années. Les candidats, ou plutôt les ombres qui les supportent, également. On se plaint d’immobilisme. On critique le manque de résultats. Nous attendons, en somme.

 

Le museau à la fenêtre du RER, l’œil vif et le poil brillant, j’écoutais un petit groupe de personnes relativement âgées qui discutaient de la France. Ou plutôt de leur France, puisque ce qui existe aujourd’hui était plutôt cité sous le pseudonyme de "Progrès", peut-être futur dénomination de notre état. Parmi elle, une Canadienne donnait son avis peu impartial de touriste sur "ses cousins français", bien évidemment. Et ils tinrent à peu près ce langage.

 

Attention, ne pas prendre cela pour soi (enfin, sauf s’il le faut).

 

La France va mal. Sa politique va mal, mais ce n’est pas l’essentiel. Non, les Français vont mal. Les Français en sont à un stade où ils attendent beaucoup de leur gouvernement, en fait sans doute beaucoup trop. Des vieux meurent partout dans le pays à cause de la chaleur : en France, ce n’est pas à cause de l’entourage (familial, professionnel ou associatif), non, c’est à cause du gouvernement. C’est le gouvernement qui ne donne pas assez d’argent à une certaine partie de notre population à qui le fait de se lever tous les matins pour aller bosser donne de l’eczéma chronique, là où l’ANPE et l’Apec exhibent des chiffres d’offres d’emploi quasi constants. C’est le gouvernement qui devrait "serrer la vis" dans les écoles, alors que beaucoup de parents n’ont jamais connu l’école de leur progéniture que pour aller passer une soufflante à son enseignant. Un pays où l’on se plaint du chômage, où les patrons sont terrorisés à l’idée d’embaucher de peur que l’élu ne se transforme en nid à problèmes à la fin de sa période d’essai. La France est souvent dépeinte comme le pays de la grève et du mécontentement non constructif à l’étranger : cela ne peut être totalement faux. Paris est une ville où il est possible de chuter sur le trottoir en se fracturant le tibia, à la musique des soupirs des passants à qui vous compliquez le passage. En France, beaucoup veulent de l’argent sans prendre le moindre risque, beaucoup veulent être entrepris sans jamais avoir à entreprendre. En France, certains préfèrent laisser mourir les retraites et la Sécurité sociale plutôt que de faire la moindre concession financière. On les comprend si bien : ces dix euros épargnés leur permettront de manger pendant trois ou quatre jours lors de leurs prochaines vacances en Inde.

 

Voilà. C’était ça, la France. Et je me suis senti... concerné. Stupéfait par mon assurance d’être un citoyen standard, en tout cas pas bien méchant, et pas parasitaire non plus. Et pourtant. J’avais l’impression d’agir. Mais être citoyen, c’est aussi ouvrir la porte aux femmes qui nous suivent. C’est s’arrêter en voiture pour relever la poubelle qui s’est affalée sur le bord de la route. Etre citoyen, c’est avoir la décence de ne pas croire que les associations qui existent sont là pour tout compenser, et que leurs bénévoles sont des gens que cela amuse d’essuyer la misère humaine. C’est refuser de croire que notre peuple peut être soigné gratuitement, et que les écoles de nos enfants ne coûtent pas grand-chose.

 

La conclusion pourrait être celle-ci : si, dans l’intimité, vous vous sentez concernés par ces mots (et c’est mon cas) quel que soit votre choix, quel que soit le nom écrit sur le bulletin que vous glisserez dans l’urne en avril prochain, n’oubliez que ce nouveau président, quel qu’il ou elle soit, ne pourra rien faire sans vous, et sans nous. Un président n’est censé être que le reflet d’une volonté générale. Il est censé aller dans le même sens que nous si notre choix est bon, mais en aucun cas il ne sera le délégataire de nos responsabilités quotidiennes. Chacun son métier, mais celui d’un président, et le rôle d’un Etat d’ailleurs, n’est pas de se substituer à nous dans les moindres détails de la vie. Si c’est réellement une nouvelle de totalitarisme extrême que certains souhaitent, qu’ils le disent haut et fort, et qu’ils cessent de gémir.

 

Sarko ne donnera pas forcément un verre d’eau à votre grand-mère en plein mois d’août, Ségolène ne fera pas faire ses devoirs à votre fille et Bayrou ne vous tiendra pas la main pour éteindre les lampes et les machines allumées chez vous inutilement chaque jour. Il est très important de voter, il est important de choisir le bon (ou la bonne), mais ce qui est essentiel, c’est de garder en tête qu’au jour le jour, rien ne bougera sans nous. Il ne sera qu’une pièce de l’ensemble. Il faut arrêter de croire à l’Etat-providence, arrêter d’espérer une prétendue fracture grâce au prochain président : la fracture, une majorité de nous la lancera dès demain, ou il ne se passera rien.

 

A tous mes amis moutons, salutations.

 


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