Quand François Hollande tombe dans le piège tendu par Bouteflika

par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
mardi 11 juillet 2006

Est-il si étonnant d’avoir vu François Hollande marcher à fond lors de sa récente visite à Alger ? Non, bien entendu.

Parce que la dictature militaire algérienne a mis en pratique les méthodes socialistes depuis le début de l’indépendance en 1962, articulées sur celles promues par le socialisme arabe nassérien, ce qui a donné un étatisme doublé d’un social-nationalisme exacerbé et son parasitage par une clique affairiste qui s’est enrichie tout en plaçant son argent en Suisse et ses enfants dans les meilleurs collèges occidentaux, laissant évidemment exsangue tout un peuple.

Les islamistes avaient vu le manège et s’en servaient comme propagande, avec succès. Avant que le pouvoir ne les écrase en massacrant 200 000 personnes qui croyaient en ce qu’on leur disait : l’Algérie est arabe et musulmane (religion d’Etat), et ses institutions s’inspirent de la Charia. Le pouvoir avait en effet singé une démocratisation du régime en permettant multipartisme et liberté de la presse, mais tout cela était un paravent, puisque le pouvoir essentiel restait aux mains des militaires. Ceux-ci ont trouvé une marionnette, Bouteflika, mais il leur fallait une explication pour justifier la gabegie, le pillage, minutieusement organisés depuis 44 ans... 44 ans, deux générations, le temps de construire et de reconstruire... L’Allemagne en 1945 n’était que ruine... Elle était debout dix ans après.

D’où la nécessité de trouver un bouc émissaire pour le pouvoir en place, non pas ses propres erreurs, non, mais la France, oui, qui, by the way, à la minute même où elle fera des excuses, devra évidemment passer au tiroir-caisse pour réparer les dégâts dudit "génocide"...

Ne parlons pas de la domination culturelle de cette clique militaro-affairiste, important une langue, l’arabe dit littéraire, parlée et écrite par quasiment personne avant l’arrivée de la... France... Parce que ce n’est pas "à cause" de la France, voire de la Turquie (qui a dominé la région durant huit siècles : à quand la demande d’excuse envers Ankara ?) mais bien parce que ce n’était pas la langue des différentes composantes de cette contrée, ses parlers populaires n’ayant rien à y voir tant ils sont bigarrés. Un jour, relate Gilbert Meynier, (in Histoire intérieure du FLN), Ben Bella est allé parler au Caire dans les années 1950 avec sa langue natale, et personne n’a rien compris...

Les islamistes, par la bouche de Madani (ex-n°1 du FIS) ont déclaré récemment qu’il fallait tourner la page et que le problème n’est pas là.

Mais Bouteflika et le gang qui le soutient veulent aller plus loin parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement : le chômage explose, la misère s’étale au grand jour, la clochardisation se généralise (quinze personnes vivent dans huit m2 dans certains endroits : ils dorment à tour de rôle), les révoltes de vendeurs à la sauvette sont quotidiennes, les queues pour avoir des visas se font de plus en plus pressantes, et près de 100 000 Algériens nés avant 1962 ont, selon Le Figaro, demandé leur réintégration dans la nationalité française.

Voilà les faits. Que l’on peut étoffer, en long et en large.

Pour la petite histoire, et à propos d’excuses nécessaires à faire, il serait bon que les arabo-islamistes d’aujourd’hui en présentent aussi, puisqu’ils occupent la contrée en imposant contre le gré de la population une langue, et une façon intégriste de vivre la religion. Mais il est vrai que les racines totalitaires du national-arabisme et de son frère ennemi islamiste restent encore impensées... Pourtant, Ben Ali Hadj (ex-N°2 du FIS) ne disait-il pas récemment qu’il fallait poursuivre le Djihad amorcé en... 1954 ? Dévoilant ainsi le pot aux roses, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’une guerre d’indépendance en vue d’instaurer un régime pluraliste, pluriculturel, mais un Califat, plus ou moins modernisé, selon que l’on penche plutôt du côté nassérien ou baathiste, ou plutôt du côté saoudien...

François Hollande (tout comme Jacques Chirac) a-t-il conscience qu’en continuant à soutenir le pouvoir en place, il ne fait qu’aggraver la situation, et donner de plus en plus de grain à moudre aux islamistes alliés désormais aux benladenistes ? Ce qui accroît de plus en plus le danger en France même. Socialistes et néogaullistes sont donc bien des pyromanes, (les mêmes à vrai dire qui, depuis 1945, ont empêché qu’un processus démocratique se constitue en Algérie...).

Le pouvoir algérien actuel est en effet une fabrique de radicalité islamique, prête à exploser, puisque d’une part il en enseigne les fondamentaux, et d’autre part, lorsque les enfants ainsi formés s’aperçoivent que dans la réalité les dirigeants actuels sont loin de suivre les principes qu’ils font enseigner, eh bien ils se radicalisent, jusqu’aux conséquences perçues il y a peu.

Une solution possible serait que le pouvoir politique français sorte de l’idéologie, et permette un réel débat public où historiens et témoins exposeraient ce qui s’est réellement passé là-bas... en faisant la part des choses, en particulier sur les provocations uniquement suscitées pour créer des fossés entre communautés (par exemple, Sétif, Oran, certaines actions de l’OAS).

Mais il est à craindre que pour des raisons bassement électoralistes, la classe politique française ne devienne partiale, ce qui renforcera l’extrême droite, en passe d’être d’ores et déjà en tête dès le premier tour, contrairement à ce qu’indiquent les sondages d’agrément actuels...


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