Quelle arme contre l’émigration clandestine africaine ?
par TSAKADI Komi
mardi 29 août 2006
Depuis plusieurs jours, des drames de l’émigration clandestine africaine ne cessent d’alimenter les informations internationales. Malgré les risque de la mer, le renforcement des lois anti-immigration et des moyens maritimes et aériens de vigilance de Frontex, (agence pour la coordination des frontières extérieures de l’Union européenne)... rien ne semble arrêter les candidats à l’immigration partant à l’assaut des côtes européennes, au grand bonheur des trafiquants dont les revenus sont estimés à 300 millions de dollars par an, selon un rapport de l’Organisation des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC)[1].
L’archipel espagnol des Canaries a reçu au total, depuis le début de l’année, quelque 19 000 immigrés clandestins, soit quatre fois plus que durant toute l’année dernière (4750)[2]. Ce chiffre ne tient pas compte des cadavres retrouvés ou disparus à la suite des naufrages si fréquents de « cayucos » (ces bateaux de pêche qui transportent les immigrés) au large des côtes espagnoles ou italiennes ou à quelques encablures des côtes africaines au Sénégal, en Mauritanie, en Guinée Bissau, en Libye...
Face à l’échec des mesures sécuritaires pour endiguer cette immigration, il importe de repenser la lutte contre ce phénomène.
A cet effet, il faut une « arme économique » pour juguler l’hémorragie des flux migratoires et stopper l’obsession des jeunes Africains d’émigrer à tout prix. Une arme à dégainer rapidement, sans modération et avec toutes sortes de munitions (annulation de la dette, suppression des subventions, augmentation de l’aide réelle au développement...) car la solution à ce problème passe par la lutte contre la pauvreté sur le continent africain.
L’Espagne a annoncé qu’elle allait doubler son aide internationale au développement (600 millions d’euros en 2006).
Le premier ministre britannique a créé le 26 juin dernier un « Comité de suivi pour l’Afrique » où devront siéger Koffi Annan (Secrétaire général des Nations unies), Bill Gates et Bob Geldof, pour veiller à ce que l’Afrique reçoive les 25 milliards de dollars (19,8 milliards d’euros) d’aide supplémentaire promis à Gleneagles (Ecosse) en juin 2005 lors du sommet du G 8.
Mais cela ne suffira pas. Continent essentiellement agricole, l’Afrique doit pouvoir vivre de ses cultures ; aussi est-il nécessaire de revoir les politiques de subventions des produits agricoles occidentaux, qui pénalisent les agriculteurs africains, et de promouvoir des mesures visant à l’abolition ou à l’abaissement de barrières douanières qui entravent les importations des produits africains en Europe.
De plus, il faut renforcer les capacités gouvernementales des Africains à lutter contre la pauvreté. A cet égard, il a lieu d’encourager les forces de changement sur le continent, pour l’émergence de nouveaux dirigeants issus d’élections libres et transparentes, ayant à cœur de sortir leurs concitoyens de la misère et utilisant les ressources internes et externes pour endiguer cette pauvreté.
Il faut aussi arrêter de soutenir des dirigeants corrompus qui pillent les Etats africains pour alimenter leurs comptes en banque, ou les réseaux maffieux france-africains qui usent des élections frauduleuses et de la répression pour perdurer au pouvoir, n’offrant aucun espoir à la jeunesse sur ce continent (le président Chirac s’apprête à recevoir en visite officielle, le 7 septembre prochain, le fils du dictateur Gnassingbé Eyadema, qui a succédé à son père à la présidence du Togo après trente-huit ans de dictature, à la suite des élection truquées et des répressions sanglantes qui ont fait des milliers de morts, selon un rapport des Nations unies du 29 août 2005 [3]).
Ce n’est qu’avec une telle arme économique, en soutien à des gouvernements démocratiques africains engagés résolument dans la lutte contre la pauvreté, que l’on pourra freiner ces drames de l’émigration africaine qui défraient toutes les chroniques et alimentent l’actualité internationale.
Komi TSAKADI.