Sarkozy pour quelle France ?
par Phileas
mardi 17 avril 2007
Ces dernières semaines de campagne présidentielle ont mis en relief quelques traits du candidat de l’UMP et soulevé des questions sur sa vision de la république et de la démocratie. De son côté, le magasine « Marianne » du 14 avril produit un numéro sur Nicolas Sarkozy, proposant de mettre en lumière certains traits du candidat que les médias n’osent pas dévoiler.
Au-delà d’un jugement à l’emporte-pièce qui se focaliserait sur un candidat particulier ; au-delà d’opinions personnelles pour lesquelles chacun est en droit d’adhérer ou de critiquer, il me semble légitime, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, de me poser une série de questions sur Nicolas Sarkozy qui me porte à croire que, s’il devenait président, il bouleverserait une certaine conception de la république et de la démocratie dans notre pays.
Que doit-on penser d’un homme qui, pour pêcher les voix
frontistes, souhaite la création d’un ministère de l’immigration et de
l’identité nationale ?
Cette posture qui consiste à chasser en terres lepénistes
s’est toujours soldée par un échec. Loin de disperser les voix du leader
populiste, cela fonctionne toujours comme un appel d’air qui renforce
l’électorat de Jean-Marie Le Pen (15% au dernier sondage, soit déjà plus que ceux accrédités en avril 2002).
L’UMP ne semble pas comprendre que pour la France qui
souffre, elle n’incarnera jamais un rempart contre les fantasmes d’une
immigration supposée, mais restera perçue comme le parti de ceux qui prônent
une politique d’économie libérale de marché qui laisse de plus en plus de
salariés sur le bord des trottoirs. D’où l’augmentation croissante du parti
FN (avec son paroxysme atteint aux dernières élections présidentielles) où se retrouvent pêle-mêle les gens
de peu, les chômeurs endémiques et les laissés pour compte de l’économique
libérale de marché. Un sondage
IFOP réalisé pour le journal Libération montre que le problème de
l’immigration n’apparaît qu’à la 15ème place des préoccupations des Français.... loin derrière le travail, le logement et la santé. De plus, les Français préféreront toujours voter pour l’original, délaissant la copie.
Quel souvenir garderons-nous de Nicolas Sarkozy face à la
crise des banlieues et sur le traitement des problèmes d’insécurité ?
A voir la manière dont il fustige les agents de police
d’une antenne de proximité qui jouent au foot avec des jeunes, Nicolas Sarkozy n’a
que faire du dialogue entre agents de sécurité et petits délinquants. Il se
prévaut d’une vision sécuritaire sur les problèmes des banlieues. Ses
conceptions libérales l’inclinent à rejeter toute ouverture qui recréerait du
lien social auprès d’une jeunesse désincarnée qu’il a stigmatisée en 2005,
tenant à son encontre des propos que tout candidat à l’investiture devrait
s’abstenir de prononcer. Un discours sécuritaire qu’il a décliné médiatiquement
sur la forme sans être parvenu sur le fond à enrayer la petite délinquance
qui a progressé sous son ministère.
Un ministre de l’Intérieur-candidat devenu indésirable en
banlieue et à Argenteuil en particulier, qui aurait dû méditer la campagne
d’affichage des Le Pen, père et fille : même eux,ont compris l’intérêt
d’une beurette pour vendre leurs idées.
Au même moment où Le Pen se déplace au Val d’Argenteuil,
Sarkozy rase les murs de Villepinte pendant quarante-cinq minutes bien protégé
entre les murs de la mairie dirigée par Martine Valleton (UMP) où il assiste à
une cérémonie « d’entrée dans la nationalité française » rapporte
l’Express.
Que doit-on attendre d’un homme qui préface le dernier
livre de Gianfranco Fini, le post-fasciste italien qui dit, parlant de son ami
français, être en « quasi-symbiose politique, caractérielle et
générationnelle » ?
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a le souci
de faire interdire ou retarder tout livre le concernant et le desservant dès que
l’information lui est livrée à temps. Ces signes font aussi partie d’un message
subliminal envoyé à une droite extrême avec laquelle il flirte au fur et à
mesure que la campagne avance. Il va même jusqu’à faire censurer le blog du journaliste
Laurent Bazin d’I.Télé en 2006 qui relate un déjeuner pris entre lui et
ses confrères de la chaîne et le ministre de l’Intérieur.
Dans la revue Psychologie magazine et dans un entretien avec le philosophe Michel Onfray, Nicolas Sarkozy émet l’idée que le suicide chez l’adolescent et l’homosexualité sont inscrits dans les gènes. Rappelons le fameux rapport commandé à l’INSERM intitulé « Troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent » qui voulait dépister dès l’âge de trois ans les signes prédictifs de la délinquance selon des critères plus que douteux et qui dut être suspendu grâce à la levée de boucliers des professions de la petite enfance. Ce rapport était censé servir de projet de loi à Nicolas Sarkozy.
Enfin, que penser d’une certaine presse qui lui déploie le
tapis rouge ? A commencer par TF1 dont le
propriétaire de la chaîne, Martin Bouygues, n’est autre que le parrain du fils
du candidat de l’UMP et Arnaud Lagardère, dirigeant d’un groupe de
presse qui comprend notamment Europe 1 et Paris-Match et qui fut le témoin de
son mariage avec Cécilia ? (Exit Alain Genestar).
Qu’est
devenu le reportage de France 2 : SARKO Mot à
Mot ? Qui devait être programmé l’année dernière et qui, suite à des
pressions multiples, disparut des grilles de la chaîne de France Télévisions.
Nicolas Sarkozy est-il un candidat qui pète régulièrement
les plombs ou bien pratique-t-il le dérapage contrôlé ?
Sa dernière prestation à FR3 n’a pas laissé indifférents les
salariés de la chaîne publique qui ne décolèrent pas contre lui. Devant l’arrivée
tardive d’une maquilleuse, il
lancera : « Toute cette direction, il faut la virer. Je ne peux pas
le faire maintenant. Mais ils ne perdent rien pour attendre. Ca ne va pas
tarder ».
Dans le monde sarkozien les choses sont
limpides : elles sont blanches ou noires. Il y a les victimes et ceux qui
ne les protégent pas (les magistrats font des erreurs), l’ordre qu’il faut
rétablir (le discours sur la délinquance : On sanctionne d’abord et on
discute après), le libéralisme d’entreprise qu’il faut encourager (seuls ceux qui
accepteront de travailler plus et plus tard seront reconnus et aidés). Le
discours est rodé, chargé d’arguments simplistes, qu’il exprime dans un
vocabulaire pauvre, un mauvais français qui tronque les négations, avale
les « r », multiplie les fautes grammaticales afin que monsieur
Tout-le-monde s’y reconnaisse et se dise, pourquoi pas, que c’t’homme là, y
cause bien et qu’on comprend s’qui dit.
Nicolas Sarkozy est un candidat qui use de tous
les artifices mis à sa disposition par son équipe de communicants pour atteindre
la dernière marche : Même s’il lui faut jouer du grand écart en délivrant
ici un message de gauche et là-bas un message de droite au gré des endroits
qu’il visite.
Nicolas Sarkozy est tellement de droite que Jean-Marie Le Pen donne l’impression d’être un libéral en comparaison. Brice
Hortefeux, proche du candidat, révèle au Figaro qu’une petite dose de
proportionnelle à l’Assemblée pourrait faire en sorte que des petits partis
accèdent à l’hémicycle. Deux jours auparavant, Le Pen s’était dit prêt à
participer à un gouvernement d’union nationale. Essaie-t-il de trouver la
solution à une éventuelle crise politique au cas où, parvenus au pouvoir, les socialistes et l’UDF renverraient sine die chacun
de ses projets de loi ? Quel jeu dangereux. ! Sarkozy une fois de plus, désamorce : "celui qui est moins à droite qu’avant, c’est Le Pen" confie-t-il à Libération.
Enfin Nicolas Sarkozy est atlantiste et a de la sympathie pour George Bush. Comme à son habitude, il allume un feu. Toujours dans Philosophie magazine, alors qu’on ne lui demande rien de particulier sur l’Allemagne, il lâche une fausse confidence : « Il y a beaucoup de nations à travers le monde qui traversent des crises sociales, monétaires, politiques et qui n’inventent pas la solution finale, ni ne décrètent l’extermination d’une race ». Ceci vient en écho à une autre petite phrase lâchée durant son discours de Nice du 30 mars : « la France n’a pas à rougir de son histoire » elle n’a pas « commis de génocide », ni « inventé la solution finale ». Voilà pour le partenariat privilégié avec l’Allemagne. Madame Merkel est prévenue, Sarkozy s’entendra mieux avec les Anglais et les Italiens.
A quelques jours de l’élection présidentielle, je
pense qu’il fallait rappeler quelques fondamentaux. Je ne suis pas sûr qu’un
discours anxiogène construit autour de la réussite individuelle, de la
victimisation et du retour à l’ordre, du travaillez plus et gagnez moins et plus généralement de la vision politique et philosophique de Nicolas Sarkozy séduise les Français sur le long court.
Je crains même qu’une fois élu, des
foyers de désordre se multiplient assez rapidement dans les cités, dans le
monde du travail, dans les administrations et dans certaines grandes entreprises et
que ce pays devienne très vite incontrôlable et ingouvernable.
En
montant une partie de la population contre une autre, une classe d’individus contre une autre, une minorité cotnre une autre, on attise les
haines et les frustrations.
A nous tous d’en juger.
NDA : Toutes les contributions informatives sont en hyperlien dans le texte.