Une exécution sous silence

par Stéphane W.
mardi 2 janvier 2007

Saddam Hussein était responsable de terribles et nombreuses violations des droits de l’homme, mais ces actes, aussi brutaux soient-ils, ne peuvent justifier son exécution, une punition cruelle et inhumaine, a déclaré un responsable de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, Richard Dicker. Il a qualifié le procès de "profondément irrégulier" (AFP).

Ce que dit Richard Dicker n’est malheureusement que trop vrai. Sans vouloir rentrer dans le débat sur la qualité du procès de Saddam ou encore sur sa fiabilité, il faut souligner l’aberration et la totale mascarade d’une exécution digne de l’âge de Neandertal. Nous sommes en 2006, cela ne se passe pas dans un pays, ou dans une province ou une ville, mais bien dans la communauté internationale. Le statut de l’Irak est quelque peu flou depuis l’invasion de 2003. Avait-on raison d’y aller ? Là n’est pas la question. Au contraire, il s’agit de savoir pourquoi cette communauté internationale est restée muette, hypocrite et dangereusement cynique face à l’exécution de Saddam Hussein.

L’exécution de Saddam Hussein est "une étape importante" sur la route vers la démocratie en Irak, a déclaré le président américain George W. Bush dans un communiqué publié à Crawford (Texas). Elle marque la fin d’une année difficile pour le peuple irakien et pour nos troupes. (AFP)

Saddam Hussein a payé, a déclaré la ministre britannique des Affaires étrangères, Margaret Beckett, tout en rappelant que le gouvernement britannique ne soutient pas le recours à la peine de mort en Irak ni nulle part ailleurs. (AFP)

La France, qui plaide comme l’ensemble de ses partenaires européens pour l’abolition universelle de la peine de mort, prend acte de l’exécution de Saddam Hussein, a déclaré le ministère français des Affaires étrangères. Elle appelle les Irakiens à regarder vers l’avenir et à travailler à la réconciliation et à l’unité nationale. (AFP)

Le Japon a pris acte de l’exécution de Saddam Hussein. Il s’agit d’une décision prise par le nouveau gouvernement de l’Irak conformément à l’état de droit. Nous la respectons, a déclaré un porte-parole du ministère japonais des Affaires étrangères. (AFP)

Dans cette même communauté, rares sont les pays occidentaux qui adhèrent encore à cette pratique d’un autre siècle. On pourra toujours dire que les États-Unis ont été fidèles à leur idéologie, puisque plusieurs Etats restent des fervents partisans de la peine capitale (encore que plusieurs Etats l’aient bannie). Mais dans le cas des autres, que ce soit la France, la Grande-Bretagne, le Canada ou l’Allemagne (pour ne citer que ceux-là), la peine capitale a depuis longtemps été bannie du vocabulaire. Comment donc aujourd’hui, plutôt que de prendre acte , fortes de leurs convictions sincères et profondes, ces mêmes puissances n’ont-elles pas condamné fermement un acte de peu de vertu ? Pourquoi, de façon générale ce qui peut-être bien pour les uns, ne peut être bien pour les autres ? Pourquoi, quand il s’agit des autres, les convictions prennent-elles le chemin sous le tunnel, et quand il s’agit de soi, les ramène-t-on tout de suite sur la voie publique ? Pourquoi faire l’éloge des Badinter, Hugo (Le dernier jour d’un condamné), Voltaire, Jaures, Luxemburg, Ryan, Kerry, Beccaria d’un côté, et prendre acte de l’autre quand un tribunal de pacotille juge et condamne un homme à la mort, fût-il Saddam Hussein ?

Si, pour Blaise Pascal, Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas, force est de constater qu’en matière de conviction profonde, la politique et ses acteurs ont leurs raisons, que la raison ne devrait pas chercher à comprendre. On l’aura compris, c’est le jeu politique qui a primé. On peut constater que si, comme souvent, les États-Unis agissent toujours en conformité avec leur idéologie et leur vision des choses, les autres pays n’agissent qu’en fonction du premier. Parfois en étant contre, pour faire plaisir à une partie de la population, souvent pour ne pas mettre en mal le puissant allié de Washington.

Que voilà une fin triste pour l’année 2006. Espérons qu’en 2007, ils agiront plus en accord avec leurs convictions, quels que soient les êtres humains visés.


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