La pâle figure de Jésus dans le Coran – Partie 1
par Pierre Mellifont
samedi 29 mars 2025
La pâle figure de Jésus dans le Coran – Partie 1
Cette étude comporte 6 chapitres, dont le plan est détaillé ci-dessous. Etant trop longue pour être publiée d’un seul bloc, elle est divisée en 6 articles successifs.
Plan de cette étude :
1. Synthèse de ce que le Coran dit de Jésus
1.1 Issa ne veut rien dire
1.2 Les 13 thèses du Coran concernant Jésus
2. Les 5 paroles de Jésus rapportées par le Coran
2.1 Parodie de l’apostolat
2.2 Parodie de la Cène
2.3 Incompréhension du rôle marial
2.4 Une parole d’une inutile solennité
2.5 Parodie de la Bonne Nouvelle
3. Calomnier les Ecritures pour les annuler
4. Abaissement de Jésus au rang de personnage secondaire
5. Jésus a-t-il prophétisé Mahomet ?
6. Le Coran n’est qu’un « Non » au christianisme, son but est de le détruire
Introduction
Dans le Coran, petit succédané de la Bible, la figure de Jésus apparaît à 33 reprises. Sur un total de 6234 versets, c’est relativement peu, en particulier si l’on compare ce nombre à celui des occurrences de Moïse, qui est mentionné à 162 reprises, ou de Noé, cité 48 fois. C’est à peine plus que les Thamoud, nommés 25 fois alors qu’il s’agit d’un peuple obscur, non cité dans la Bible, et qui serait, selon certaines sources, issu d’une liaison fortuite de Juda (l’un des douze fils d’Israël) avec sa belle-fille, veuve successivement de ses deux fils et qui voulut se voir susciter une postérité de ses maris à travers son beau-père, avec qui elle vint coucher de nuit sans qu’il sache que c’était elle…
Le rapport entre Jésus et Moïse (les fondateurs des deux Alliances divines, celle de l’Ancien Testament et celle du Nouveau), dans le Coran, est donc de 1/5e : C’est très peu, si l’on songe que Jésus est le Messie, ce que Mahomet prétend attester. Mais ce faible rapport correspond tout à fait au sentiment qui frappe tout connaisseur de la Bible : cette impression de retour en arrière, d’effacement de la Nouvelle Alliance, que laisse la lecture du Coran ; on s’y sent infiniment plus proche de l’Ancien Testament que du Nouveau, face à un Dieu dur et vengeur, comme si Jésus n’avait été qu’un simple figurant dans la succession des prophètes.
Ajoutons sur ce point, bien que ce ne soit pas le sujet de cet article, que la liste des prophètes cités par le Coran est très parcellaire. Hormis la figure fondatrice de Moïse, on n’y trouve aucun des « grands » prophètes (Isaïe, Jérémie, Baruch, Ezéchiel et Daniel) ni aucun des « petits » (d’Osée à Malachie). En revanche, Ismaël est hissé au rang de prophète, et Mahomet gratifie « les Tribus » d’une importance égale à celle de Jésus. On comprend dès lors que le Coran ait la prétention de remplacer la Bible, car s’il devait s’y ajouter, son inconsistance y apparaîtrait aussitôt.
Pourtant, Mahomet se prétend prophète non d’un nouveau Dieu, mais du Dieu même de la Bible, le Dieu de Moïse et de Jésus. Compte tenu de la teneur du Coran, il est logique que ni les Juifs ni les Chrétiens n’aient avalisé cette prétention au statut de prophète.
1. Synthèse de ce que le Coran dit de Jésus
1.1 « Issa » ne veut rien dire
Le nom latin « Jesus », repris ou légèrement adapté dans toutes les grandes langues européennes, est directement dérivé de l’hébreu « Yeshoua ». En revanche, il est intéressant de noter, pour commencer, que Mahomet s’est permis de renommer Jésus en créant le vocable « Issa » qui n’a aucune signification en arabe, et n’est nullement dérivé de l’hébreu ou de l’araméen « Yeshoua ». L’arabe étant une langue sémitique proche de l’araméen, l’adaptation arabe du nom de Jésus, signifiant « Dieu sauve », aurait dû ressembler à « Yassou ». Le catéchisme catholique traditionnel enseigne que « le nom de Jésus est le seul nom qui contient la présence qu’il signifie ». On comprend alors pourquoi Dieu n’a pas permis que le nom de Jésus figure dans le Coran, qui l’a remplacé par cet « Issa » dénué de signification : Le travestissement lexical de « Yeshoua » en « Issa » est le juste pendant du travestissement spirituel que subit Jésus dans le Coran, comme nous allons le voir.
1.2 Les 13 thèses du Coran concernant Jésus
Jésus, nous l’avons dit, apparaît à 33 reprises dans le Coran, même si c’est sous le nom déformé « Issa ». Néanmoins, ce qui est dit de lui, de sa vie et de sa doctrine, est très pauvre. L’exhaustivité du récit du Coran sur Jésus se ramène aux 13 propositions suivantes :
A. Thèses conformes à la foi catholique (à première vue) :
A1 : Jésus est né d’une vierge (Coran, 66.12)
A2 : Jésus a été fortifié par « l’Esprit de Sainteté » envoyé par Dieu (Coran, 2.253)
A3 : Jésus est le Messie (Coran, 3.45, 4.157, 4.171, 4.172, 5.17, 5.72, 5.75, 9.30, 9.31)
A4 : Jésus a fait des miracles (Coran, 3.49, 5.110)
A5 : Jésus est « Verbe de Dieu » (Coran, 3.45)
B. Thèses hérétiques :
B1 : Jésus n’est qu’un simple prophète (Coran, 2.136, 3.84, 5.75)
B2 : Jésus n’est pas le Fils de Dieu (Coran, 17.111, 19.35, 23.91, 25.2)
B3 : Jésus n’est pas Dieu (Coran, 5.17, 5.72)
B4 : Dieu n’est pas un Dieu unique en trois personnes (Coran, 4.171, 5.73)
B5 : Jésus, dès le berceau, parlait comme un vieillard (Coran, 5.110)
C. Thèses délibérément mensongères :
C1 : Jésus n’a pas été crucifié (blasphème contre le sacrifice de Jésus - Coran, 4.157)
C2 : Jésus a annoncé la venue de Mahomet (blasphème contre les Ecritures - Coran, 61.6)
C3 : La Bible a été falsifiée par les Juifs et les Chrétiens, (blasphème contre les Ecritures - Coran, 5.15)
De plus, les thèses d’apparence canonique sont enveloppées d’un flou pouvant laisser place au doute en raison de leur formulation imprécise ou mal documentée. Reprenons une à une ces 5 thèses :
Thèse A1 : Mahomet ne dit pas explicitement que Jésus est né d’une vierge, mais il dit d’une part que Marie « garda sa virginité » (Coran, 66.12) et s’il en fait la mère de Jésus, il dit par ailleurs que Jésus a été « créé de terre comme Adam », ce qui peut laisser à penser qu’il ne serait pas engendré d’une femme, mais créé par Dieu comme un nouvel homme :
« Oui, il en est de Jésus comme d'Adam auprès d'Allah : Allah l'a créé de terre, puis il lui a dit : « Sois », et il est. » (Coran, 3.59)
Ce verset 3.59 est une reprise de l’hérésie arienne, apparue au quatrième siècle, qui fut condamnée dès le premier siècle par avance et de facto par l’Evangile selon Saint-Matthieu, qui relate la nativité de Jésus. Cette hérésie provient d’une conjecture maladroite sur le qualificatif de « nouvel Adam » que les exégètes de l’épître de saint Paul aux Romains ont appliqué à Jésus. Le Coran n’affirme donc pas que Marie a enfanté en restant vierge, mais il dit qu’elle est restée vierge sans dire qu’elle a enfanté Jésus, qui a été « créé de terre par Dieu » : il s’agit là d’une hérésie manifeste. Toute l’ambiguïté du Coran vient de ce que Mahomet reconnait cependant Marie comme mère de Jésus, mais ne dit pas qu’elle l’a engendré, ce qui peut conforter l’hérésie arienne.
Thèse A2 : De même, l’expression l’Esprit de Sainteté mentionnée par le Coran n’est pas équivalente à l’Esprit-Saint du Nouveau Testament : l’expression Esprit de Sainteté ne désigne pas la personne divine mais plutôt une simple qualité humaine provenant d’une faveur divine tandis que l’Esprit-Saint du Nouveau Testament est clairement désigné comme la troisième personne de la Trinité divine, c'est-à-dire Dieu lui-même en tant qu’il se trouve présent dans ses élus.
Thèse A3 : Jésus est qualifié de Messie à 9 reprises dans le Coran, mais lorsque Mahomet définit le rôle de Jésus, il ignore totalement la spécificité messianique, prenant bien soin de marteler à plusieurs reprises que Jésus n’est qu’un prophète parmi les autres, et qu’il n’a pas plus d’importance que Jonas ou Ismaël (cf. §4) !
Ainsi, quoiqu’il le mentionne 9 fois, le Coran ignore donc parfaitement ce qu’est le « Messie », dont il ne fait qu’un simple nom propre dénué de signification, uniquement synonyme de Jésus. Or, pour les Ecritures, le Messie est l’aboutissement de l’Alliance faite entre Dieu et Abraham, il est l’incarnation de Dieu lui-même venu instaurer la Paix et la Vérité. Tous les prophètes ont annoncé la venue du Messie, depuis Isaïe jusqu’à Malachie. Le prophète Daniel a prédit avec précision, et avec près de cinq siècles d’avance, le moment où le Messie viendrait, ce qui, d’ailleurs, ennuie beaucoup les Juifs qui refusent Jésus (cf. Daniel, 9.25-26) car il leur faut bien constater que le Messie annoncé par Daniel, s’il n’est pas Jésus, a 2000 ans de retard…
Thèse A4 : Le principal miracle de Jésus selon le Coran, puisque c’est le seul à être rapporté deux fois (Coran, 3.49 et 5.110), est une occurrence grotesque tirée d’un évangile apocryphe appelé « Evangile de l’enfance ». C’est dans ce même pseudo-évangile que l’on trouve la légende reprise par le verset 5.110 du Coran, disant que Jésus « dès le berceau, parlait comme un vieillard ». Ce pseudo-évangile est truffé d’invraisemblances, c’est pourquoi il a été rejeté dès les premiers temps par les Pères de l’Eglise. On y trouve un récit rapportant que Jésus, dans son enfance, aurait façonné quelques oiseaux dans de l’argile un jour de sabbat, et qu’un voisin scandalisé allant chercher son père pour le faire punir, Jésus aurait dit aux oiseaux d’argile de s’envoler afin d’éviter la punition que Joseph allait lui infliger pour avoir travaillé durant le sabbat : Ainsi, Jésus est présenté comme un pécheur facétieux et dissimulateur, ce qui est sans rapport avec la véritable nature, sans tache, du Messie.
C’est pourtant ce faux miracle, anecdote frivole, qui est repris dans le Coran :
« Je suis venu à vous avec un Signe de votre Seigneur : je vais, pour vous, créer d'argile, comme une forme d'oiseau. Je souffle en lui, et il est : ' oiseau ', - avec la permission d'Allah – (…) » (Coran, 3.49)
Ainsi, Mahomet cite deux fois ce faux miracle dans le Coran (3.49 et 5.110), mais il ne rapporte aucun des plus grands miracles de Jésus, sinon sous une brève forme générique sans apporter aucun récit pour l’édification des auditeurs : les Evangiles racontent en détails comment Jésus a ressuscité la fille de Jaïre et comment il a ressuscité Lazare, tandis que le Coran expédie rapidement l’affaire en disant « tu ressuscites les morts – avec notre permission » (Coran, 3.49). La chose est pourtant assez extraordinaire pour mériter un récit circonstancié, mais le Coran préfère évoquer deux fois un faux miracle frivole plutôt que d’en détailler un vrai.
Les sources de Mahomet concernant Jésus-Christ ne sont donc pas soigneusement choisies, ainsi il s’égare dans des récits apocryphes sans valeur doctrinale. Il est amusant qu’ensuite il vienne accuser les Juifs et les Chrétiens d’avoir falsifié la Bible, lui qui définit Jésus en s’appuyant sur des récits sans autorité qui ont justement été rejetés hors de la Bible.
Il est vrai que la profonde opposition du Coran par rapport aux Evangiles contraint Mahomet à rejeter les Evangiles, car il ne pourrait prétendre poursuivre l’œuvre de Jésus, quand il la contredit frontalement : c’est pourquoi, pour faire admettre sa position de prophète du Dieu de la Bible, ce qu’il prétend être, il est obligé de déclarer la Bible falsifiée, ce qui lui permet de faire semblant d’être affilié à la succession des prophètes, tout en effaçant le livre sacré pour le remplacer par les connaissances approximatives qu’il en a obtenues et par ses propres inventions, qui ne donnent à voir qu’une ressemblance très lointaine et, pour tout dire, caricaturale, avec l’esprit du vrai Dieu qui anime la Bible.
Thèse A5 : Jésus est « un Verbe d’Allah ». Mahomet a visiblement entendu dire que Jésus est le « Verbe », et il reprend ce terme, issu de l’ouverture de l’évangile selon saint Jean :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jean, 1.1)
Ce verset capital résume tout le christianisme : Il affirme, et de façon irréfutable, que Jésus est Dieu. Pourquoi l’appelle-t-il « Verbe » ? Parce que la parole de Dieu est le principe de la création. Dieu n’a qu’à dire « que cela soit » et cela est ; ainsi, Jésus guérit le lépreux d’une simple parole :
« Et Jésus étendant la main le toucha, disant : Je le veux, sois guéri. Et à l'instant sa lèpre fut guérie. » (Matthieu, 8.3)
Le Coran reprend donc cette notion de verbe, mais la situe dans l’Annonciation, ce que ne fait pas l’Evangile :
« Les anges dirent : « Ô Marie ! Allah t'annonce la bonne nouvelle d'un Verbe émanant de lui : Son nom est : le Messie, Jésus, fils de Marie ; illustre en ce monde et dans la vie future ; il est au nombre de ceux qui sont proches d'Allah. » (Coran, 3.45)
Ici, Jésus n’est plus « Le Verbe » mais « un Verbe », ce qui lui enlève déjà l’essentiel de son importance. La même astuce mensongère sera utilisée plus tard par les Témoins de Jéhovah dans leur traduction falsifiée de la Bible : dans Jean 1.1, ils ont remplacé « et le Verbe était Dieu » par « et le verbe était un dieu » (notez le « d » minuscule), car ils nient eux aussi la divinité de Jésus.
De plus, Mahomet utilise le mot « Verbe » comme le mot « Messie » : Il ne lui donne aucun sens particulier, ce qui fait qu’il n’apporte au musulman aucune réflexion sur le sens de ce qualificatif pourtant essentiel à la doctrine chrétienne : L'apôtre Jean, en revanche, précise ce qu’est le Verbe :
« C'est lui qui au commencement était en Dieu. Toutes choses ont été faites par lui ; et sans lui rien de ce qui est manifesté n'a été fait. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise. » (Jean 1.2-5)
Pris dans ce sens, le verbe est donc bien le principe de la création, et c’est donc bien l’article défini qui s’applique au mot Verbe : « Le Verbe » et non « un Verbe ». Dans tout son Coran, Mahomet s'efforce de faire glisser tout ce qui touche à Jésus vers l’insignifiance, comme nous le verrons plus loin.
(fin de la 1ère partie)