Aller au charbon

par C’est Nabum
vendredi 14 mars 2025

 

Une expression à prendre au pied de la pièce.

 

Bien que depuis belle lurette, il n'est plus mineur, ce joueur de devoir ne cesse d'entendre dire son entraîneur qu'il compte sur lui pour aller au charbon. Pourquoi une telle responsabilité qui le met sans cesse sur le grill, le contraignant à aller au feu, à mettre la tête où d'autres ne mettraient même pas les pieds ?

Il traîne sans doute comme un boulet sa maladresse pathologique qui lui interdit de faire une passe convenable alors que son courage et son abnégation sont sans égal parmi ses coéquipiers. C'est à lui que revient en partie la responsabilité d'extraire un ballon de cet amas confus et souvent inextricable qu'on nomme dans le milieu : un « maul ».

Alors il s'y colle comme jadis les gueules noires qui descendaient au fond du puits pour retirer cet or noir qui n'a plus du tout bonne presse aujourd'hui. Seul le langage sportif permet encore d'évoquer le charbon sans accroître le bilan carbone. C'est ainsi que Étienne Lantier se retrousse les manches pour à chaque rencontre, plonger les bras, les mains et la tête dans les entrailles des mêlées ouvertes.

Ironie de l'histoire, il porte le patronyme du héros du roman d'Émile Zola : Germinal. En bon rugbyman qu'il est, il entend ne pas se satisfaire de sa pratique sportive. Il a lu le roman avec passion, a visionné les différents films qui en ont été tirés. Pour clouer le bec à son entraîneur, il a effectué des recherches pour savoir si le Rugby existait lors de la création de cet ouvrage. Il en fut pour ses frais.

Émile Zola l'a publié en 1885 soit quinze ans après l'arrivée de ce merveilleux sport de courage et d'abnégation en France plus particulièrement au Havre, donc à quelques encablures des terrils. Quant à la naissance de ce jeu, elle est plus ancienne encore puisqu'on la fait remonter à 1823 et le coup de folie d'un certain Web Elis dans le collège de la ville de Rugby.

Étienne aime à sortir son savoir, lui qui passe pour le déménageur de service dans son groupe, le bourricot à qui les consignes confient les tâches ingrates : aller à la mine, plaquer à tour de bras, pousser fort et soulever les sauteurs. Il aimerait bien un jour, toucher le ballon en pleine course, aller pointer en terre promise cette gonfle, objet de toutes les convoitises.

Au lieu de quoi, il porte le casque pour protéger tant bien que mal ses oreilles et son crâne. Il ne porte pas la lampe à carbure sur ce casque, du reste ce n'est jamais lui qui est chargé d'éclairer le jeu ni même de botter quelques chandelles. Lui, sa tâche est souterraine, ingrate et fort méconnue par des spectateurs qui se moquent parfois de lui, quand après un coup de grisou, il sort du paquet avec le nez qui saigne.

Étienne serre les dents. Il sait combien est importante cette tâche. Avec le temps, il a appris à aimer cette expression : aller au charbon qui lui va à merveille. Il a décidé de profiter de la programmation à Orléans d'une adaptation théâtrale du roman par la troupe du Krizo Théâtre de Meung-sur-Loire avec une mise en scène de Christophe Thébault qui joue également dans la pièce, pour convier tous ses partenaires à une représentation tout en faisant une bonne action.

En effet la pièce Germinal, éponyme du roman d’Émile Zola, sera jouée à la MAM, la maison des arts et de la musique, en trois dates à Orléans, les 14, 15 et 16 mars 2025. Ce sera l’occasion aussi de récolter des fonds pour Action contre la faim, une ONG qui lutte contre la famine dans le monde.

Le Rugby et la Culture ont souvent fait bon ménage. Les uns portent des casques, les autres des masques et tous aiment aller au charbon. Son entraîneur apprécie cette belle initiative qui sort des soirées habituelles de l'Ovalie. Il a donné son accord pour remplacer une séance sur le terrain par un spectacle de qualité.

Spectacle du Krizo mis en scène par Christophe Thébault

Photographies de Christian Beaudin

 


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