14 février 1929 : la Saint-Valentin rouge sang de Chicago
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
mercredi 12 février 2025
L'amour, les chocolats, les fleurs... Voilà ce qui vient généralement à l'esprit quand on pense à la Saint-Valentin. Mais il y a 94 ans, à Chicago, cette fête prit une tournure bien plus sombre. Le 14 février 1929, sept hommes furent brutalement assassinés dans un garage du quartier de Lincoln Park, un événement qui allait entrer dans l'histoire sous le nom de "Massacre de la Saint-Valentin". Ce carnage, orchestré par le célèbre gangster Al Capone, marqua l'apogée de la guerre des gangs qui ensanglantait alors la ville.
La Prohibition, terreau fertile pour les empires criminels
En 1920, les États-Unis instaurent le 18e amendement de la Constitution, interdisant la fabrication, la vente et le transport d'alcool sur tout le territoire. Loin de calmer les ardeurs des Américains pour l'alcool, cette loi eut l'effet inverse. Le marché noir explosa, et avec lui, le crime organisé.
Chicago devint alors le terrain de jeu de gangsters ambitieux et sans scrupules, prêts à tout pour contrôler ce commerce lucratif. Parmi eux, deux figures allaient se démarquer : Al Capone, à la tête du "Chicago Outfit", et George "Bugs" Moran, qui dirigeait le "North Side Gang". Ces deux hommes, assoiffés de pouvoir et d'argent, se livraient une guerre sans merci pour le contrôle des territoires et des trafics illégaux.
Extorsion, racket, jeux clandestins, prostitution... Tous les moyens étaient bons pour affaiblir l'ennemi et asseoir sa domination. Les règlements de comptes étaient fréquents, et les rues de Chicago étaient régulièrement le théâtre de fusillades et d'assassinats. Dans cette atmosphère de violence et de peur, la population vivait au rythme des affrontements entre les gangs.
Al Capone, le "Scarface" de Chicago
Al Capone, surnommé "Scarface" à cause d'une cicatrice qu'il portait sur la joue gauche, était sans conteste le gangster le plus célèbre de l'époque. Né à Brooklyn en 1899, il avait rejoint Chicago au début des années 1920 pour travailler pour Johnny Torrio, le chef du "Chicago Outfit", un gang à prédominance italienne.
Intelligent, charismatique et impitoyable, Capone gravit rapidement les échelons de l'organisation. Après la tentative d'assassinat de Torrio en 1925, il prit les rênes du gang et transforma Chicago en un véritable empire criminel. Son organisation était impliquée dans tous les trafics possibles et imaginables, générant des millions de dollars chaque année.
Capone était un homme complexe. D'un côté, il était un criminel sanguinaire, n'hésitant pas à éliminer tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin. De l'autre, il cultivait une image publique de bienfaiteur, ouvrant des soupes populaires et se montrant généreux envers les plus démunis. Cette stratégie lui permettait de gagner une certaine popularité auprès de la population et de se protéger des autorités.
Bugs Moran, l'ennemi juré de Capone
Face à l'empire de Capone se dressait le "North Side Gang", à prédominane irlandaise, dirigé par George "Bugs" Moran. Cet homme, au caractère imprévisible et violent, était un adversaire redoutable pour Capone. Il contrôlait une partie importante du territoire de Chicago et s'opposait farouchement à l'hégémonie de son rival.
Moran était un gangster de la vieille école. Il avait débuté sa carrière criminelle dans les années 1910 et avait participé à de nombreux braquages et vols à main armée. Contrairement à Capone, il ne cherchait pas à se construire une image publique respectable. Il était craint et respecté pour sa brutalité et son audace.
La rivalité entre Capone et Moran était intense. Les deux hommes se livraient une véritable guerre d'usure, multipliant les attaques et les représailles. Chaque gang cherchait à éliminer les membres de l'autre, et les assassinats étaient monnaie courante. Dans ce climat de tension extrême, le moindre incident pouvait déclencher une escalade de violence.
Le piège se referme : le plan machiavélique de Capone
Au début de l'année 1929, la guerre entre Capone et Moran atteignit son paroxysme. Capone, las de cette rivalité sans fin, décida de porter un coup fatal à son ennemi. Il élabora un plan machiavélique pour éliminer Moran et ses principaux lieutenants.
L'idée était simple : attirer les hommes de Moran dans un piège en leur faisant croire à une opportunité qu'ils ne pourraient pas refuser. Capone savait que Moran convoitait une importante cargaison de whisky de contrebande en provenance du Canada. Il fit donc courir le bruit que cette cargaison allait arriver à Chicago le 14 février et serait stockée temporairement dans un garage du quartier de Lincoln Park.
Le jour J, Capone et ses hommes mirent leur plan à exécution. Des hommes de main de Capone, déguisés en policiers, se positionnèrent à proximité du garage. Moran, attiré par la perspective de mettre la main sur ce précieux butin, se rendit sur place pour superviser l'opération. Cependant, en apercevant les "policiers" postés près du garage, un doute l'assaillit. Son instinct lui intima de faire demi-tour, ce qu'il fit sans hésiter.
Ses hommes, en revanche, n'eurent pas cette chance. Ils entrèrent dans le garage comme prévu, où les attendaient les faux policiers. Pensant avoir affaire à une simple descente de police, les hommes de Moran obéirent docilement aux ordres : se ranger face au mur, mains en l'air. C'est alors que les faux policiers sortirent leurs mitraillettes Thompson et ouvrirent le feu. Les sept hommes furent abattus froidement, sans avoir eu le temps de réagir. Le massacre était terminé en quelques minutes. Les tueurs prirent la fuite, laissant derrière eux un spectacle d'horreur.
Parmi les victimes figuraient des hommes de confiance de Moran comme Albert Weinshank et Frank et Pete Gusenberg.
L'onde de choc du massacre
Le massacre de la Saint-Valentin provoqua une onde de choc dans tout le pays. L'opinion publique, choquée par la violence de ce crime, réclama justice. La presse s'empara de l'affaire et fit ses gros titres sur ce "bain de sang de la Saint-Valentin".
Sous la pression populaire, les autorités lancèrent une enquête pour retrouver les coupables. Mais malgré les nombreux témoignages et les indices, personne ne fut jamais condamné pour ce crime. Al Capone, le principal suspect, avait un alibi solide : il se trouvait en Floride au moment des faits.
Le massacre de la Saint-Valentin marqua un tournant dans l'histoire du crime organisé à Chicago. Il mit en lumière la violence et la corruption qui régnaient dans la ville et força les autorités à prendre des mesures pour lutter contre les gangs.
L'image d'Al Capone, jusque-là relativement positive, fut ternie par ce massacre. Il devint le symbole de la violence et de la criminalité, et sa popularité déclina rapidement.
Quant à Bugs Moran, il survécut au massacre, mais son gang fut décimé. Il perdit le contrôle d'une grande partie de son territoire et ne parvint jamais à retrouver sa puissance d'antan. Le massacre de la Saint-Valentin marqua la fin de son règne et le début du déclin du "North Side Gang".
Un symbole de la violence de la Prohibition
Le massacre de la Saint-Valentin est resté gravé dans les mémoires comme l'un des événements les plus sanglants de l'histoire du crime organisé aux États-Unis. Il symbolise la violence et la corruption qui ont marqué l'époque de la Prohibition.
Ce massacre a inspiré de nombreux films, livres et séries télévisées, contribuant à alimenter le mythe des gangsters de Chicago. Il continue de fasciner et d'horrifier, rappelant la face sombre de l'histoire américaine.
Aujourd'hui, le lieu du massacre est devenu un parking. Mais le souvenir de cette journée tragique demeure.
"Ne prenez pas ma gentillesse pour une faiblesse, je suis aimable avec tout le monde, mais lorsque quelqu'un ne l'est pas avec moi, "faible" n'est pas le mot dont vous vous souviendrez à propos de moi."
Al Capone