Orphelin …

par C’est Nabum
mardi 9 janvier 2024

 

Qu'importe le moment.

 

Qu'importe votre âge, qu'importe les circonstances, il est un état qui ne se modifie pas, qui vous colle à la peau jusqu'au bout du parcours, sans rémission ni possibilité de changer quoi que ce soit ; c'est celui d'orphelin. Bien sûr, quand cet état cueille un enfant en sa prime jeunesse, il ébranle plus encore, mettant grandement en danger l'équilibre affectif en dépit des parents de substitution qui peuvent se proposer dans l'entourage de celui qui sera marqué par ce terme : orphelin.

N'oubliez cependant pas qu'à l'âge adulte, lorsqu'à votre tour vous vous trouvez confronté à ce deuil final, qu'il ne reste aucun de vos deux parents, votre entourage viendra vous réconforter en affirmant que c'est la vie, formule terrifiante qui semble faire fi de bien des douleurs ou que vous devez vous estimez heureux de connaître ce malheur si tard.

Comparaison pourtant n'est pas raison et qu'importe votre âge, même si celui-ci est vénérable, ce vide soudain fait malgré tout un orphelin que la société ne reconnaît pas comme tel. Les plus mesquins vous qualifieront alors d'héritier comme si le passage chez monsieur le notaire effaçait à jamais le poids immense qui soudain vous tombe sur les épaules.

La transmission de biens ne peut en aucune manière combler le vide et souvent, des objets anodins font cicatrices plus virulentes encore que le temps du deuil et de ses formalités qui accaparent l'esprit, maintiennent un temps dans une forme d'agitation amnésique. Puis quand toute cette agitation sociale retombe, soudain vous prenez conscience que désormais, vous serez le prochain tout en devant vous satisfaire des vides qui ne seront plus jamais comblés dans les récits du passé…

Alors, pour le reste de votre existence vous serez Orphelin sans escompter la moindre aide, sans pouvoir compter sur quiconque pour assumer un statut qui n'a aucune reconnaissance officielle si vous êtes adulte. Il ne s'agit pas de réclamer des avantages ou des bénéfices mais bien de revendiquer ce terme qui donne une obligation morale dont on ne perçoit pas immédiatement le poids.

Vous devenez souvent le garant de la mémoire, celui ou celle qui doit transmettre, témoigner, porter une histoire que soudain vous découvrez parcellaire, incomplète, morcelée tout bêtement parce que vous n'avez pas profité de l'héritage mémorielle de vos parents de leur vivant. Vous cherchez dans les archives familiales, vous interrogez éventuellement des témoins, vous êtes en quête de documents qui évoqueront ce qui vous a échappé par manque d'intérêt alors. Vous cherchez désespérément des noms sur de vieilles photos qui jusqu'alors n'avaient jamais attiré votre curiosité.

Vous ne vous doutez pas que ce besoin n'est sans doute pas la priorité de vos enfants qui n'ont pas en tête cette nécessité née de votre état. Il leur faudra vivre pareille inquiétude, pareille obsession quand à votre tour, vous passerez l'arme à gauche, faisant alors d'eux ce qu’ils ne comprennent pas alors de votre part.

Nous devrions former des clubs d'orphelins matures pour accumuler ces témoignages du passé qui n'ont de sens que lorsque finalement nous ne pouvons plus les recueillir à la source. Les plus jeunes se gaussent de ce qu'ils nomment nostalgie pour le mieux, gâtisme au pire, ignorant que leur tour viendra. Comme pour eux aujourd'hui, lorsque nous avions la possibilité de nous enquérir de ce passé familial, cette préoccupation ne nous concernait guère.

Pourquoi diantre nous parle-t-il de cela ? Si pour moi cet état n'est pas nouveau, j'en ai parlé avec un ami qui venait de découvrir ce cap qui transforme radicalement notre rapport au temps qui passe. J'ai éprouvé le besoin de coucher ces réflexions en désordre sur le papier, histoire sans doute de laisser une trace qui pourra servir à d'autres quand leur temps sera venu...


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