Retour aux sources

par C’est Nabum
vendredi 9 juin 2023

 

Des élèves parmi nos girouettes.

 

Vous n'êtes plus sans ignorer que j'anime de temps à autres l'exposition : « Petite mémoire dans le vent » qui reprend la collection désormais largement amplifiée des girouettes de Paulette Rhode. Après avoir écrit sur le sujet des fariboles et des contes, il m'échoit tout naturellement le rôle de guide pour les scolaires.

Comment donner du sens pour des enfants d'âge primaire à ce témoignage d'un passé totalement éloigné de leur quotidien, quand presque rien n'a de sens pour eux ? C'est là, le défi auquel je me trouve confronté sans réellement savoir si je parviens à remplir efficacement cette mission.

Le premier écueil consiste à leur faire comprendre que la girouette fut un privilège de la noblesse. Deux termes demandent immédiatement explication : privilège et noblesse. Ce qui allait encore de soi lorsque élève, nous abordions l'Histoire avec une chronologie qui nous fixa quelques repères en laissant de côté la vie quotidienne des plus humbles, devient parfaitement délicat face à des groupes qui plus est, dont la grande majorité des enfants ne sont pas issus de ce récit.

Si la notion de privilège se comprend aisément tant elle demeure présente dans nos sociétés sous des formes plus insidieuses, faire toucher du doigt ce que pouvait être la noblesse n'est pas chose facile. Puis il s'agit de leur expliquer qu'une Révolution a mis un terme à cette injustice, permettant ainsi l'appropriation de ce qui était jusqu'alors réservé à une catégorie au-dessus des règles communes.

Se pose alors l'épineux problème de l'étape suivante. Elle est empreinte de tant de notions qui leur paraissent parfaitement incongrues alors que pour certains d'entre eux, l'une d'elles serait presque d'actualité. Comment en effet comprendre que la lecture est un acquis récent pour le peuple aux yeux de l'histoire ? Cette conquête leur semble si naturelle en apparence…

Surgit l'idée que la chose la plus importante alors pour les gens de cette époque était leur métier qu'ils entendaient promouvoir pour annoncer aux autres ce qu'ils faisaient. L'enseigne sur le pignon, la girouette sur le toit : deux modes de communication qui se passent de mots. Être fier de son activité professionnelle, en faire un objet de décoration tout autant que de communication dépasse totalement les usages d'une société où le travail échappe le plus souvent au regard.

Il leur faut ensuite décrypter l'image pour comprendre ce qu'est ce métier dont le nom seul (qu'ils lisent sur l'étiquette) n'évoque la plupart du temps strictement rien. Il convient alors de donner du sens à tous les détails tout en faisant abstraction de leur mode de vie, si différent de celui de ces témoins d'un passé vieux de plus d'un siècle. Meunier, maréchal ferrant, pâtre, scieur de long, bûcheron, vannier, essarteurd, laitier, colporteur, ... autant de métiers totalement inconnus de nos jours.

Avec les indices semés ici ou là par les artistes, il est possible de comprendre ce que fait le professionnel. C'est alors un exercice de lecture de l'image, de recherche d'indices, de déclinaison des mots de la même famille. Ainsi le mot « Charron » dont plus personne ne sait ce qu'il réalisait fit ressurgir : charrette, char, chariot, carrosse qui permettent ensuite de donner une piste afin de comprendre son rôle.

Le monde a basculé dans l'ère des loisirs. Les métiers se sont retirés pour laisser place à la chasse, la pêche, les animaux, les mythes parfois. Il n'est plus rien à expliquer si ce n'est raconter les quelques légendes qui se sont matérialisées par un petit prodige de précision. Il n'est qu'à admirer la girouette de la légende du pont de Beaugency pour s'en convaincre.

De ce retour aux sources, il n'est qu'une évidence à retenir : tout peut faire pédagogie, il suffit de le vouloir et d'être en capacité de mettre en place des questionnements et des procédures qui font sens tout en insistant sur la précision du langage.


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