« L’avenir est à l’industrie ! »

par Le Hérisson
lundi 8 janvier 2007

Jean-Louis Levet est l’un des meilleurs experts européens dans le domaine de l’industrie. Il vient de publier un ouvrage « Pas d’avenir sans industrie »,aux Editions Economica. J’ai eu l’occasion d’assister à une conférence de J.-L. Levet récemment. Excessivement brillant, sympathique, abordable pour tous, il n’hésite pas à bousculer les idées reçues pour apporter des solutions à des sujets qui intéressent tous ceux qui se questionnent sur la mondialisation ou l’avenir économique de notre pays.

Les experts du niveau de Jean-Louis Levet ne sont pas plus d’une dizaine à l’échelle de l’Europe. Cet économiste universitaire, spécialiste de l’industrie, a exercé des responsabilités aussi bien dans le secteur privé que dans la haute fonction publique. Mais aujourd’hui, à l’heure où le gouvernement français brade son industrie, il n’est plus guère en odeur de sainteté. Selon lui, pour sortir de la crise, il faut que l’Etat et l’Union européenne réinvestissent massivement dans le développement industriel, ce qui est plutôt le contraire de la politique actuelle.

La mondialisation au service de la finance
Depuis les années 1980, l’économie a changé de nature avec la mondialisation : « La mondialisation se structure autour de trois facteurs puissants explique Jean-Louis Levet. D’abord, les progrès technologiques se diffusent à présent dans le monde entier à grande vitesse, notamment avec l’Internet. Deuxièmement, les stratégies d’entreprise sont de plus en plus influencées par la finance. Du fait de l’apparition des fonds de pension qui entraînent un développement des profits financiers, toute l’économie mondiale a été influencée. Autrefois, les entreprises avaient des taux de rentabilité de 5 %. Aujourd’hui, leurs actionnaires veulent qu’ils soient de 15% à 30 %. Résultat : les entreprises, en particulier les grandes, ont tendance à donner une importance excessive aux normes de rentabilité financière par rapport à l’investissement et au long terme et ce sont les salariés et les PME sous-traitantes qui en paient le prix. Dès que les taux de rentabilité sont insuffisants, elles se délocalisent ou licencient, alors que de nombreuses PMI montrent qu’il est possible d’être performant par la créativité, l’innovation et une fine connaissance des marchés. Enfin, le troisième choc sans précédent dans l’histoire est l’arrivée des économies-continents comme la Chine et l’Inde. » Pour l’économiste, si ces pays parviennent en un temps record à se convertir au marché et à assimiler les nouvelles technologies, les salaires ne suivent pas, d’où une concurrence infernale.

« Le politique doit faire de l’industrie une priorité. »

Depuis plusieurs années, la France mise uniquement sur les services, les banques et assurances par exemple, au grand plaisir des capitalistes financiers. En revanche, son industrie décline, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays : Allemagne, Finlande, Inde, Chine... Même l’industrie automobile, fleuron de l’hexagone, est en déclin !

Le politique, en France comme dans l’Union européenne, devrait se réapproprier son rôle d’accompagnement, de prospective et de coordination plutôt que de « laisser faire ». Jean-Louis Levet rappelle par exemple que le grand groupe sidérurgique européen, Arcelor, vient d’être absorbé par un autre groupe, indien, alors que l’Etat, donc les contribuables, avait investi dans la sidérurgie française cent milliards de francs dans les années 1980... «  L’Europe ne peut pas se limiter à une simple zone de concurrence fiscale et sociale, continue-t-il. Aujourd’hui, nous avons une Union européenne sans projet et un pays sans stratégie !  », ajoute-t-il tout en certifiant qu’il ne se range pas avec ceux qui croient au « déclin », car les solutions existent. «  Il faut investir davantage dans la recherche et l’université comme le font les USA ou le Japon. Les principaux pays d’Europe doivent mettre davantage de financements sur des objectifs communs qui représentent de grands enjeux : la santé, l’organisation urbaine, la sécurité, l’environnement... »

Une industrie du « développement durable »

Car pour l’économiste, il ne s’agit pas d’opposer industrie et environnement, car au contraire, ils se complètent : «  Demain, nous bâtirons des maisons et nous construirons des voitures qui ne consommeront presque pas d’énergie. C’est le développement industriel, source d’emplois et de métiers nombreux, que les gouvernements européens doivent soutenir par une volonté politique forte.  » Si le pouvoir politique, à chaque niveau, territorial, national et européen, encourage cette dynamique par une politique industrielle globale, parvient à maîtriser les mutations industrielles, nous pouvons - nous en avons les moyens - sortir de l’impasse actuelle. Hélas, de tous les candidats à l’élection présidentielle, excepté peut-être DSK, peu abordent ce sujet, qui est pourtant essentiel pour notre avenir.

 Pas d’avenir sans industrie
par Jean-Louis Levet, Editions Economica


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