Dans les Baronnies des habitant.es s’emparent du dossier photovoltaïque

par Roland Gérard
mercredi 24 avril 2024

Un maire des Baronnies pyrénéenne veut mettre des panneaux photovoltaïques sur les communaux... ça crée quelque chose...

Une "promenade"

Surprise en arrivant à Espèche dimanche matin 21 avril : quelques petites pancartes, feuilles A4 90g étaient scotchées sur les murs ou poteaux du village avec écrit dessus " promeneurs " avec un joli dessin de randonneurs ou " parking" avec une flèche. Sobre, simple, efficace, tout en douceur. Visiblement les organisateurs (en fait des organisatrices) ne sont pas excités ! C'est à une "promenade" que nous sommes conviés. Chemin très agréable, chênes magnifiques, chants d'oiseaux, familles avec enfants... on est vite arrivé à l'antenne où le groupe parti d'Espéchere nous attendait. Clairement l'état d'esprit n'est pas à l'affrontement. Pourtant on reconnaît pas mal de celles et ceux qui ont lutté contre l'implantation de l'usine Florian à Lannemezan, regroupés au sein de Touche pas à ma Forêt.

Nous étions un peu plus de cinquante en arrivant sur le site

La mobilisation s'est faite très vite pour ce premier rdv à l'initiative du "Collectif Energie Baronnies" qui est né en mars. Le collectif a été constitué en réaction de la volonté de la mairie d'Espèche de développer un projet de production d'énergie photovoltaïque sur les communaux. Sylvie et Mona qui ont provoqué ce rassemblement nous ont présenté le site et raconté où nous en étions. Il y a eu en particulier un rendez-vous avec le maire d'Espèche le 2 avril.

Culture du secret ?

Lors de la réunion d'information organisée sur le sujet par la Confédération Paysanne du 65, le 3 mars à Larreule, l'intervenante, qui a travaillé pour l'industrie du photovoltaïque, avec son profil de lanceuse d'alerte, avait dit : " Les habitants sont rarement au courant les deux premières années". Les portes parole du collectif d'Espèche nous ont rapporté que le "maire y travaillait déjà depuis un an" et qu'un projet se faisait en trois ans. On a entendu aussi que le maire refusait de transmettre les documents et qu'il avait demandé aux deux représentantes du collectif de ne pas transmettre les informations chiffrées après la réunion aux membres du collectif. Nous savons que la transparence est obligatoire pour une administration et qu'il existe même une Commission d'Accès au Documents Administratifs (CADA) ce serait dommage qu'entre voisins nous ayons à y recourir.

L'étendue des dégâts

Retenons juste les informations qu'on a pu glaner là et là... J'ai entendu qu'il s'agirait d'une emprise de 17 ha, que la tranchée pour transporter l'électricité ferait 18 km... qu'il y aurait 8 mois de travaux, qu'il y aurait une douzaine de projets sur les Baronnies pour un total de 74 ha... et qu'en 2026 ce serait opérationnel. Tout cela devra être précisé, il y aura peut-être des informations contradictoires, mais l'ambiance générale on la voit, on la sent. Tâchons d'imaginer dans nos esprits : 10 ha là, 15 ici, encore 5 là-bas... et encore des nouveaux au détour d'un virage... On serait où ici ? Dans un autre pays ?

On est pas contre le photovoltaïque mais...

Le collectif ne se présente pas comme opposé au photovoltaïque, mais il souhaite pouvoir exprimer ses points de vues, réfléchir aux alternatives et accompagner les décideurs... Tout le monde ne va pas dans le sens du photovoltaïque agricole : Il faut savoir que l'ADEME dans une étude de 2019 a dit qu'il y avait assez de surface de friches industrielles pour produire suffisamment d'électricité photovoltaïque et tenir les objectifs des accords de Paris pour la France donc pas la peine d'aller prendre dans les espaces naturels. La chambre d'agriculture elle aussi est contre.

Beaucoup de questions.

Qu'est-ce qu'il en sera du démantèlement dans 20 ans ? Ce sera au frais de la commune, non ? Avec des dizaines d'hectares de panneaux dans les Baronnies quel sera l'effet lors des fortes pluies ? Quels risques avec le ruissellement ? Est-ce que ce ne sont pas des grosses entreprises derrière tout ça ? A qui iraient les profits ? Difficile de croire que ce serait pour l'habitant ... difficile de croire que ceux qui entreprennent là-dedans le font pour le bien commun... on sait ce que prennent les actionnaires tous les ans, sans parler des salaires des dirigeants tous les mois.

Beaucoup de propositions des participants

Il y avait de l'écoute dans la prairie et la parole était libre. Pendant plus d'une heure nous avons discuté. Visiblement on verrait mieux un jeune agriculteur reprendre ces terres dont l'occupant actuel sera bientôt à la retraite. Un participant propose de faire un argumentaire complet pour montrer qu'il y a peut-être autre chose à faire... un autre projet. Un autre dit que nous ferions figure de David dans la bataille juridique contre les grandes compagnies riches pour payer les meilleurs avocats. Une veut qu'on mette des tracts dans les boîtes aux lettres. Et le chemin de Compostelle, et les associations de randonnée, et celles et ceux qui louent des chambres d'hôtes, qu'est-ce que va être la vue depuis le Signal de Bassia... qu'est-ce qu'ils vont dire à Campan ? Qu'en sera-il du tourisme dans les Baronnies ?

la beauté ... toute seule, toute nue, en face de ça.

A nous les humains occidentaux, il nous reste ici dans les Baronnies un lieu ... Une merveilleuse enclave où le bruit et la fureur de la civilisation industrielle ne sont pas encore venus. Quand tu arrives dans les Baronnies, tu ralentis. Ici un arbre, là une prairie, une colline, une rivière qui serpente, dans le ciel un oiseau, on croise un copain... on lève la main... Dans les Baronnies la poésie colle au paysage et n'est pas partie comme partout ailleurs. "Réserve artistique" ce sont les mots du décret impérial de 1861, ainsi était créé la première réserve naturelle du monde. C'était à Rambouillet où les peintres de l'école de Barbizon étaient tombés amoureux des arbres et en avaient un impérieux besoin... pour vivre. A leur côté dans la bagarre contre les forestiers, qui a duré, il y avait Gorge Sand, Victor Hugo... On a bien raison d'être amoureux des Baronnies... et c'est normal que nous ayons à les défendre. Il est juste de se battre pour la beauté.

Le paysage notre bien commun

Nos prairies avec ça sur le dos, ces panneaux brillants, luisants, comme ces petites plaques rouges qu'un jour on découvre sur notre peau. On gratte un peu, on néglige ... puis d'autres apparaissent... on finit par en avoir partout, on ne peut plus le supporter, alors on va chez le médecin et il faut un traitement de cheval... "Dommage qu'on ne l'ai pas pris plus tôt". Ils sont à qui ces paysages des Baronnies ? Savent-ils, ceux qui décident , pourquoi ceux qui y vivent les ont choisis ? Qui est légitime pour décider sur l'eau, sur l'air, les routes, l'école et les hôpitaux... qui est légitime pour décider à propos de nos paysages que nous avons choisis ? Un choix du cœur.

Et la suite...

Un flyer est en cours de création, une réunion va bientôt avoir lieu... toute la population sera invitée. Tout le monde sera informé. Mona a dit que la réunion de la confédération paysanne qui a eu lieu en mars l'avait "déclenchée"... N'ayons pas de doute la-dessus, ceci entraîne cela. Tu fais ceci un jour et un autre jour alors que tu ne l'attends pas... tu vois cela. Ceci entraîne cela... à suivre. RG.


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