Une passion débordante…

par C’est Nabum
dimanche 9 juillet 2023

 

Grandeur et servitude d'une passion ligérienne

 

Ils sont mariniers, membres d'une association ou bien autonomes allant au gré de leur fantaisie. Tous ont un point commun, l'amour de cette rivière qui ne cesse de les faire tourner chèvre. Jamais en effet elle ne leur laisse de repos, les sollicitant sans cesse pour répondre à ces sautes d'humeur, ses variations, ses désagréments auxquels il convient d'ajouter les incivilités de quelques malotrus qui viennent alourdir le fardeau.

Ils se sont souvent lancés dans la construction ou l'achat d'un bateau sans trop réfléchir aux conséquences de cette envie. Ils désiraient appartenir à cette grande confrérie, retrouver des amis, participer aux fêtes marinières et goûter cette curieuse exaltation de revivre une époque révolue. D'autres sont « reconstitueurs » se grimant en grognards ou en chevaliers sans qu'il y ait grande différence dans leurs motivations.

Par contre, ils ignoraient qu'ils se liaient à une maîtresse dévorante, exigeante, débordante. Loin de la tenue d'apparat et du joli chapeau qu'ils sortent de temps à autre, ils découvrent que chaque jour ou peu s'en faut, il convient de retrousser les manches pour mener une bataille incessante avec les multiples surprises que la dame Liger leur réserve.

Curieuse rivière que d'aucuns prétendent capricieuse. Elle monte et elle descend sans trêve ni repos. Pas de congés ni de jours fériés pour mettre un terme à ses variations qui imposent de modifier les amarres, déplacer les pontons, replacer les équarres ou même trouver une zone de repli. Elle gonfle au premier orage, elle s'étiole lors des chaleurs et les bateaux doivent suivre ses mouvements erratiques.

Elle est si câline qu'elle ne cesse dans le même temps de leur offrir de multiples cadeaux : troncs d’arbres à la dérive, herbes en vadrouilles, détritus d'une société du jetable… C'est alors le branle-bas de combat pour préserver les embarcations, les libérer de leur fange végétale, sortir les immondices du puits moteur… Une visite quotidienne s'impose.

Elle a depuis peu tant de visiteurs que parmi ceux-ci, il y a des jaloux qui s'imaginent pouvoir profiter eux-aussi des bateaux pour des soirées d'agapes. Ceux-là sont capables de tout. Ils jonchent le pont de leurs détritus, se permettent de s'insinuer dans les cabanes, peuvent à la première contrariété libérer les amarres par vengeance. Derrière leur passage, il faudra remettre un peu d'ordre dans le meilleur des cas tandis que les caméras de surveillance ont fermé les yeux.

Ajoutons les humeurs du ciel et cette pluie qui curieusement ne tombe pas que dans la Loire mais aussi sur les bateaux. Les pompes de cale peuvent tomber en carafe ou ne plus répondre à la demande. Une nouvelle visite s'impose pour venir écoper, recharger les batteries ou pire, sortir le malheureux bateau au fond de l'eau. Cette fois, il faut faire appel aux collègues pour tenter de remettre à flot celui qui est devenu une épave.

Pour ajouter au plaisir, le bateau lui-même réclame des attentions. Il a besoin de soins et d'entretien. Il lui faut s'il est en bois, un bon coup de goudron pour assurer son étanchéité. C'est alors qu'on découvre que pour se faire, il convient de le sortir de l'eau, de disposer de remorques ou de ponts. Pour les plus grosses embarcations, une grue s'impose.

Le marinier d'occasion découvre ainsi au fil des saisons dans quelle galère il s'est embarqué pour finalement passer beaucoup plus de temps sur un bateau à l'arrêt qui demande ses soins plutôt qu'au milieu de l'eau. Certains baissent les bras, abandonnent la partie quand d'autres se laissent manger pour cette passion chronophage. Il est vrai que le plaisir est si grand d'aller sur cette belle dame Liger, qu'il faut bien lui faire de nombreuses concessions.

À contre-temps.


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