La cabane est tombée sur le chien

par C’est Nabum
lundi 30 octobre 2023

Un point c'est tout !

Le cochon est dans le maïs aurait dit, dépité, Roger Couderc, après cette coupe du monde de Rugby qui a fait une fois encore la part belle à l'arbitraire, aux combines et aux jeux d'influence dans les coursives, loin de la beauté épique des batailles sur le pré. Ce sport qui suppose d'être diplômé d'une université anglo-saxonne pour en comprendre les codes, en saisir règles tout en pratiquant la divination et le vaudou pour appréhender les diverses interprétations, ne pourra jamais atteindre à l'universel.

Il continuera de faire longtemps la part belle aux petits arrangements en coquin lorsque le sort de la rencontre se joue à un point tandis que dans le même temps, il offre l'image de confrontations si inégales qu'elles relèvent de la boucherie. Au final, après avoir distrait les petites nations, mis en danger l'intégrité de quelques individus se demandant ce qu'ils venaient faire dans cette galère, il ne restera que les ultimes rencontres pour mériter le terme de Coupe du Monde.

Et là encore, la subtile arithmétique du tout puissant Board a faussé les cartes, décidant loin du coup du sort, de mettre en opposition en poule les quatre meilleures nations de l'heure dans un tableau qui excluait la glorieuse incertitude du sport. Qui a pratiqué le rugby sait par expérience que, quelque soit le niveau, il y a toujours un moment où l'intérêt supérieur d'une entité évanescente vient décider de quel côté faire pencher la balance en cas de grande incertitude.

Lors de ce mondial, la balance a penché par trois fois, pour un point, pour un petit point seulement pour la nation arc en ciel. Faut-il une fois encore s'en réjouir comme avec Mandela, pour déclencher un processus vertueux dans un pays déchiré par le racisme et l’apartheid ? C'était il y a bien longtemps maintenant. Cette fois, il convient de s'interroger sur cette nécessité absolue et grotesque de favoriser les déménageurs de piano au détriment des virtuoses…

Si l'image de leur sport que les instances entendent favoriser est celle-ci, ils font fausse route en ouvrant ainsi la prochaine compétition à 24 nations puisqu'au final, seules les équipes détruisant leurs adversaires auront une chance de soulever la coupe. Le jeu de mouvement est désormais un leurre d'autant plus que les caméras surveillent à la loupe la moindre maladresse, pour recentrer le combat sur l'essentiel : un combat de rue dans un petit périmètre avec un fort pilonnage aérien sans saveur.

Ce jeu est désormais placé sous la vidéo surveillance. Rien ne doit échapper au regard inquisiteur d'une troupe de scrutateurs tatillons qui exerceront subtilement leur liberté d'analyse pour sortir de leur chapeau des décisions jamais cohérentes les unes par rapport aux autres. C'est la glorieuse incertitude du carton surprise, la grande nouveauté de cette compétition.

Quant aux entraîneurs et à leur armée d'adjoints, directeurs de la performance et spécialistes en tous points, ils passent leur vie désormais, rivés à un écran, branchés à des datas qui mesurent et enregistrent tout. C'est le sport sous la dictature des statistiques, la mort annoncée des artistes, des coups de folie, des relances du bout du monde.

Tout est organisé, calibré, mesuré, évalué, imposé en permanence tandis que les joueurs ont renoncé en grande partie à leur pouvoir de décision, à leur capacité d'intuition, à la possibilité de faire place à l'impromptu. La surprise est prohibée, l'imaginaire banni, la folie renvoyée sur le banc.

Alors, rien de plus normal que l'Afrique du Sud sorte la tête couronnée de ce sport mécanisé, de ce fracas des corps, de cette parodie d'équité sportive. Les artistes et les rêveurs, les caractériels et les virtuoses n'ont plus leur place dans ce jeu robotisé et nourri à la testostérone et pour le vainqueur à des substances qui échappent aux radars.

Le rugby que j'ai tant aimé est mort : un point c'est tout !

À contre-logique.


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