Catastrophe de Dubaï : un phénomène météorologique exceptionnel

par hommelibre
samedi 4 mai 2024

Le saviez-vous ? Il n’y a pas de raccordement des gratte-ciel au système d’égouts à Dubaï. Les eaux usées sont enlevées par camion. Parfois c’est aléatoire.

Pompage

Le ballet des camions ne cesse jamais. Les chauffeurs sont payés au voyage. Ils transportent leur « marchandise » jusqu’à une station d’épuration, où ils font la queue. Dans Vivre demain on peut lire ceci :

« … à cause du boom de la population, les files d’attente ne cessent de s’allonger devant la station. Les chauffeurs impatients (payés au voyage) n’hésitent alors pas à décharger leurs ordures ailleurs… dans les canalisations destinées à écouler les (rares) eaux de pluie par exemple. Résultat, le contenu aurait fini tout droit dans la mer et sur les plages, mais pas que… »

Le jeu de mot est facile mais on peut dire que Dubaï était dans la m…

Dubaï ne disposant pas d’un tout-à-l’égout l’eau reste en surface. Normalement il ne pleut que quelques millimètres, 4 ou 5, mais quand il en tombe près de 140 (14 cm, 140 litres au m2), les rues deviennent des piscines.

La ville est pourtant dotée de canaux et d’un système de pompage des eaux pluviales. Cela ne suffit pas pour d’aussi fortes précipitations que celles des 14 et 15 avril derniers.

 

Artifice

Le site Destination Dubaï en témoigne :

« Les inondations à Dubaï peuvent être attribuées à plusieurs facteurs. Premièrement, la situation géographique de la ville, située sur la côte du golfe Persique, la rend vulnérable aux tempêtes et aux fortes précipitations, bien que rares. Deuxièmement, l’urbanisation rapide et la construction massive ont modifié le paysage naturel, réduisant la capacité du sol à absorber l’eau de pluie. Les surfaces imperméables, telles que les routes et les bâtiments, facilitent l’accumulation rapide de l’eau, exacerbant les risques d’inondation. »

Bétonner le désert produit le même résultat que bétonner nos villes et campagnes. Le sol n’absorbe plus.

Les Émirats Arabes Unis pratiquent l’ensemencement artificiel des nuages. Certains mettent cette pratique en cause dans les récentes inondations. J’en doute. La quantité d’eau tombée n’a rien à voir avec une pluie produite par un artifice.

 

Tempêtes

Pourtant tempêtes et inondations surviennent aussi là-bas. C’est même la saison. Je n’ai pas trouvé de relevés remontant assez loin en arrière.

Par contre en élargissant le périmètre on trouve des inondations plus anciennes, par exemple en Égypte.

Selon le météorologue privé Ryan Maue, ancien scientifique en chef de la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis :

« Cette partie du Moyen-Orient ne connaît pas beaucoup de tempêtes, mais lorsqu’il y en a, elles sont énormes. »

Autre avis :

« Les gigantesques tempêtes tropicales de ce type "ne sont pas des événements rares pour le Moyen-Orient", indique Suzanne Gray, professeur de météorologie à l'université de Reading.

Elle cite une étude récente qui mentionne près de 100 événements de ce type dans le sud de la péninsule arabique entre 2000 et 2020, dont la plupart en mars et avril, y compris une tempête de mars 2016 qui a fait tomber près de 24 centimètres sur Dubaï en quelques heures seulement. »

 

Interrogation

Selon cette étude la durée des tempêtes aurait augmenté de manière statistiquement significative.

Dans l’Égypte voisine une étude relève plusieurs épisodes, entre 1969 et 1994, dont celui de 1994, mais aussi 1988 et 1946.

Une explication :

« … il y a eu un déplacement, vers le nord du FIT (front intertropical) qui a dépassé la ville d'Assouan. Conséquence immédiate de ce déplacement : la rencontre, au nord du Soudan et au sud de l'Égypte, des vents chauds et humides du sud et des vents froids venant du nord et du nord-ouest. Le contact entre les deux masses d'air a provoqué une remontée, vers la haute atmosphère, des vents chauds et humides, d'où une importante condensation qui s'est transformée en orages avec de très fortes chutes de pluies. »

Les inondations récentes à Dubaï sont attribuées au réchauffement. Un épisode suffit-il à faire une certitude ? Je pense que non mais je comprends que l’on s’interroge.

 

Tendance

Pour alimenter notre réflexion je cite ce lien qui liste les constatations faites après cet événement. Par exemple :

« Le désaccord entre les résultats du modèle et les observations nous empêche de conclure avec certitude que le changement climatique induit par l’homme est le principal moteur rendant cet événement plus probable. Cependant, bien que de multiples raisons puissent expliquer l’absence d’une tendance dans les résultats de notre modèle, nous n’avons pas d’explication alternative pour une tendance dans les observations autre que l’attente de fortes précipitations augmentant dans un climat plus chaud. »

De quoi réfléchir en effet.

 

Local

Le site Météo-Paris.com, fondé et dirigé par Jérome Séchet, propose entre autre un important travail de compilation de données historiques sur la météo du passé, principalement française. Il a publié une analyse des inondations des 14-15 avril dernier.

Il complète ce que j’ai déjà écrit. En voici quelques extraits.

« Les Emirats et plus particulièrement Dubaï ont fait la une de l’actualité avec une pluviométrie exceptionnelle de 160mm sur l’aéroport entrainant des inondations majeures dans une ville plate et sans système d’évacuation des eaux efficace. »

On n’imagine pas cela dans un désert, et pourtant ! Les gros orages ne sont pas si rares, surtout quand une goutte froide rencontre les mers très chaudes. L’antagonisme est explosif.

La géographie locale permet l’accumulation de chaleur humide. « Les orages et les pluies diluviennes qui leur sont associées ne sont donc pas rares aux Emirats. Elles font même partie du climat local. »

 

Pluviomètre

C’est même très marqué :

« Des chasseurs d’orages parcourent cette région et permettent de découvrir des phénomènes impressionnants d’inondations et de tapis de grêle dans le désert, plusieurs fois par mois au pic d'activité de la saison ! Il est même possible d’y observer des orages supercellulaires producteurs de tornades et de grêlons larges comme la paume de la main. »

La page du site publie des photos et un gif de la base d’un orage supercellulaire, de ceux qui peuvent générer des tornades. Le climat de Dubaï est de type méditerranéen et est fait de longues périodes arides parsemées de pluies violentes.

L’article aborde ensuite la question du volume de pluie :

« Cette valeur de 160mm est-elle vraiment significative ? »

Très localement, oui. Le coeur de l’orage est passé sur le pluviomètre de l’aéroport. Mais plus globalement, non.

« … les orages sont des phénomènes isolés, et leur cœur de précipitations intenses l’est encore plus. Ainsi, ces précipitations intenses peuvent passer juste à côté d’un pluviomètre positionné sur un réseau déjà faiblement pourvu. »

 

Intensification ?

L’article aborde enfin la question du réchauffement. Elle me convainc moins.

« Les pluies devraient augmenter dans cette région avec le Réchauffement Climatique. En effet, les températures en hausse auront pour effet de forcer encore d'avantage le réchauffement de la mer et donc la libération de chaleur humide et par remontée des pluies de mousson de l’Océan Indien. Les pluies pourront donc être plus fréquentes et plus violentes comme nous pouvons le lire dans différentes études. »

Ce sont des études théoriques. L’intensification des précipitations est difficile à établir, il faudrait cinquante ou cent ans de plus pour avoir du recul et évaluer la tendance. S’il y a 7 % d’humidité en plus à chaque degré de plus, cela n’explique pas les sécheresses, ni une localisation des pluies aussi précise qu’à Dubaï.

7 % ou 14 % d’humidité en plus n’expliquent pas qu’il soit tombé environ 20 fois plus d’eau que la moyenne d’avril. À ma connaissance le réchauffement global ne peut à lui seul expliquer cela.

 

Exceptionnel

Un dernier article paru sur le site climameter.com, qui évalue l’origine des phénomènes intenses, met aussi en doute une cause due au réchauffement. La conclusion ne tranche pas :

« Sur la base de ce qui précède, nous concluons que les dépressions similaires à celles qui produisent les inondations de Dubaï sont légèrement plus intenses, jusqu’à 1 °C plus chaudes et 3 mm/jour plus sèches à l’heure actuelle qu’elles ne l’auraient été dans le passé.

Nous interprétons les inondations de Dubaï comme un événement en grande partie unique pour lequel le changement climatique d’origine humaine et la variabilité climatique naturelle ont joué un rôle. Nous remarquons que la confiance dans ces changements détectés est faible en raison du caractère exceptionnel de l’événement analysé. »


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