En politique aussi, on joue aux petits chevaux

par Fergus
mardi 6 juin 2023

Qu’on les préfère dans les prairies ou sur les champs de courses, dans les haras ou en concours hippique, ou bien encore montés par des enfants dans les parcs, voire attelés à des machines agricoles, nous portons (presque) tous un regard admiratif sur les chevaux, ces splendides animaux dont ont dit qu’ils sont les meilleurs amis de l’homme...

Durant des mois, les ressources de l’État ne se trouvant pas sous les pieds d’un cheval, Macron et ses amis ont fait de la réforme des retraites leur cheval de bataille en usant de spécieux arguments financiers au détriment de la santé des Français. Avec en première ligne Borne à qui Macron a mis le pied à l’étrier. Confrontés à de multiples obstacles dans leur steeple-chase politique, ils ont évité l’avoinée en multipliant les dérobades. Cela leur a permis, au fil d’un parcours de démocratie sabotée par une improbable martingale procédurière, de ne pas se faire étriller et de rester en selle dans une course mal engagée, mais qui devrait voir le 8 juin les opposants, toutes casaques confondues et les naseaux fumants de rage, définitivement battus sur le poteau à l’Assemblée nationale.

Macron, persuadé du haut de son piédestal que ce n’est pas parce que les ânes braient que le cheval a tort, fût-ce en battant le pavé, aura-t-il pour autant encore suffisamment de chevaux sous le capot pour engager d’autres contre-réformes néolibérales ? Rien n’est moins sûr : infliger un traitement de cheval sur un nouveau texte à ses compatriotes risquerait de conduire sa gouvernance vers la mort du petit cheval jupitérien. Car il ne fait pas de doute que les Français ne sont pas des bourrins : en lieu et place de se contenter de monter sur leurs grands chevaux en défilant dans les rues, ils prendraient le mors aux dents et, n’en doutons pas, rueraient dans les brancards pour faire échec à l’homme qui tient les rênes, mais qui, si manifestement, porte des œillères.

Borne parviendra-t-elle à rester en selle ou sera-t-elle renvoyée au paddock ? Malgré une grosse cote aux courtines politiques, son maintien est possible, tant il est vrai qu’à un tel poste, Macron doit miser sur le bon cheval afin de ne pas courir le risque de changer un cheval borgne pour un aveugle. Qui plus est, elle est docile. Or, à cheval obéissant, point n’est besoin de fouet, ce qui ne serait pas le cas avec, par exemple, un cheval de retour comme Bayrou. Sinon, quel autre prétendant ? Il y a tant de canassons dépassés. Voire incapables de franchir les obstacles. Or, comme chacun sait, l’on ne saurait faire d’un âne un cheval de course. Ce que confirment les Chinois lorsqu’ils affirment que bride de cheval ne convient pas à un âne.

Cela dit, ce ne sont pas les ambitieux qui manquent, mais beaucoup en sont encore au stade du débourrage politique. Autrement dit, des poulains en devenir. Mais ceux-là ont mangé du cheval et se tiennent près à courir à bride abattue vers un destin national. Ce constat fait, tous ne sont pas des mauvais chevaux, mais peu sont à cheval sur les principes : les plus borderline sont même prêts à illustrer le proverbe serbe : Quand le cheval a soif, il ne dédaigne pas l’eau trouble. Bref, l’écurie usant plus que la course, tous piaffent d’impatience de lâcher les chevaux pour peu qu’on leur laisse la bride sur le cou. Encore faut-il se méfier des caractères ombrageux car, comme chacun sait, à cheval hargneux, il faut une écurie à part. Et ne pas se fier à la richesse car mors doré ne rend pas le cheval meilleur.

Une chose est sûre : tous les prétendants mâles se croient des étalons ; or, la plupart ne seront que des boute-en-train qui auront échauffé la République pour qu’elle se donne à l’un d’eux, ou à un clone issu d’une opposition compatible, dans le grand manège démocratique. En 2027, n’en doutons pas, le futur président, quelles que soient les couleurs de sa toque, usera de la cravache et des éperons pour faire marcher droit le peuple, lui faire accepter de nouvelles régressions sociales, en bon cheval de Troie des intérêts du grand capital. À moins que la situation économique n’empire, tant il est vrai que si cheval affamé nettoie sa mangeoire, il arrive également que lorsque le foin manque au râtelier, les chevaux se battent. Et pas forcément entre eux !

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