France 2023 : un bilan sauvé par Moody’s, Fitch... et probablement Standard & Poor’s !

par Aimé FAY
lundi 6 mai 2024

Vendredi 26 avril 2024, Moody’s et Fitch, agences internationales de notation, ont décidé de sauvegarder la note de crédit de notre pays.

Le 27 mai prochain, quelques jours avant les élections européennes, la célèbre agence, Standard & Poor's (S&P), se prononcera à son tour. Elle devrait, elle aussi, ne pas dégrader la note de la France, car les agrégats que vient de publier le FMI montrent que les choses sont plus compliquées que les médias le prétendent. D’autre part, S&P voudra aussi probablement ne pas donner du « grain à moudre » aux femmes et aux hommes politiques de tous bords, à la recherche effrénée de voix pour le vote du 9 juin.

Avec la publication par le FMI de sa base internationale de données pour l’année 2023, nous disposons des chiffres, incontestables, pour toutes les économies de la planète. Voyons certains chiffres de quelques pays de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni (UK).

Principaux chiffres 2023 sous revue : croissance, dette et taux d’endettement, chômage, emploi et balance commerciale.

 

. Croissances économiques 2023 (Source FMI avril 2024 (By country)). En % du PIB à prix constants :

 

 

France

Allemagne

Italie

Espagne

UE

UK

2023

+0.87%

 -0.3%

+0.92%

+2.5%

+0.55%

+0.15%

 

 

 

 

 

 

 

2022

+2.5%

+1.8%

+3.9%

5.7%

3.6%

+4.3%

 

Notre croissance 2023 n’a pas été brillante ! Mais, quand on la compare à celle de l’Union européenne et surtout à celle de l’Allemagne en récession, on se rassure. Idem avec celle du Royaume-Uni.

L’Allemagne, moteur de l’Union européenne, étant notre premier client, son manque de création de richesse, une première depuis 2020, nous pénalise. Il reste, comme souvent à notre appareil productif, à trouver des relais de croissance ailleurs : Chine, Brésil, Inde, pays à forte croissance économique. Encore faut-il que notre offre soit adaptée à leur demande ?

Avec un tel PIB, la France occupe toujours le 7ème rang mondial des économies. Le Royaume-Uni reste, encore cette année au 6ème rang, malgré sa sortie tonitruante de l’Union européenne.

 

. Dettes et Taux d’endettement 2023 (Source FMI avril 2024 (By country)) :

En milliards

France

Allemagne

Italie

Espagne

UK

Dette 2023

3 101

2 648

2 863

1 571

£ 2 719

% du PIB

110.63

64

137.3

107

101

Dette 2022

2 934

2 572

2 756

 1 503

£ 2 547

%du PIB

111.79

66

140

112

103

Rappel : dette du Japon 2024 en % du PIB = 252%

 

Une dette à 110,6% de notre PIB. C'est 1 point de moins qu’en 2022 !

La signature de la France n’a jamais été compromise. Grâce à l’euro, notre pays fait toujours partie des meilleures signatures de la planète. Aucun gouvernement n’a, jusqu’à présent, altéré cette confiance, depuis des décennies.

Comme souvent à la veille d’une élection importante, conjuguée, cette fois à la publication des agences de notation, la dette du pays fait la Une des journaux et des débats politiques, voire politiciens.

De surcroit, les discussions sur notre dette sont amplifiées par le niveau important de notre déficit public. Déficit public que le gouvernement avait pourtant promis de réduit, de manière conséquente. La réduction s’est transformée en hausse, en s’établissant à 5.5% du PIB, ayant notamment pour cause… une trop faible croissance et une rigidité importante – à la baisse - de nos dépenses publiques (57.3% du PIB. Record de l’Union européenne 2023).

Cette mauvaise conjugaison - faible croissance et hausse du déficit - aurait pu nous coûter une notation dégradée. Mais, au regard des déficits publics d’autres pays de l’Union européenne, notamment :

Italie = 7.4% ; Hongrie = 6.7% ; Roumanie = 6.6% ; Malte = 4.9% ; Slovaquie = 4.9%, Belgique = 4.4% ; Tchéquie = 3.7% ; Espagne = 3.6%

… les agences de notation ont intelligemment préféré – c’est notre analyse - ne pas mettre de l’huile sur le feu, à la veille d'élections européennes importantes.

Cependant, si notre déficit public persiste en 2024, sans être sur la trajectoire des 3% en 2027, la note de crédit de la France devrait être fortement dégradée !

Rappel : pour financer notre déficit et renouveler les emprunts qui viennent à échéance - leur maturité est de 8 ans en moyenne – le besoin de financement de l’État, en 2024, sera de 285 milliards d’euros. Une somme énorme que le gouvernement doit aller chercher sur les marchés, auprès d’investisseurs qui ont confiance dans la capacité de la France à les rembourser… demain et après-demain. En 2024, la charge des intérêts de la dette sera de 50 milliards, c'est-à-dire légèrement supérieur au budget consacré à la Défense nationale (48 milliards).

 

. Emplois et taux de chômage 2023 (Source FMI avril 2024 (By country)). Chiffres aux normes OIT) :

En milliers

France

Allemagne

Italie

Espagne

UK

Emplois

2023

28 248

42 943

23 580

21 000

33 160

% chômage

7.41

3.01

7.66

12.11

4.02

Emplois 2022

28 268

42 435

23 100

20 391

32 929

% chômage

7.31

3.06

8.12

12.92

3.88

 

Le chômage est à nouveau reparti à la hausse ! La promesse du Président, d’être au plein emploi (5%) en 2027 s’éloigne.

Les défaillances d’entreprises ont augmenté de 36% par rapport à 2022. Le secteur de la construction est dans l’une de ses plus grandes crises depuis la fin des 30 Glorieuses – ce secteur a perdu 11 400 salariés en 2023, et a consacré 24% des défaillances. L’adage « quand le bâtiment va, tout va ! » est-il connu dans le ministère concerné, notamment celui du logement ?

La faible croissance économique, la hausse de l’inflation, des taux d'intérêt et les très légers gains de productivité… sont aussi repris comme possibles explications.

Depuis des décennies, le chômage de masse est un mal endémique dans ce que l’on appelle : l’Europe du Sud. La France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce (11% en 2023) et le Portugal (6.6% en 2023), en sont souvent les symboles.

Paradoxalement, un grand nombre d’entreprises peine à recruter ! 347 500 emplois sont restés vacants au 4ème trimestre 2023 (DARES), alors que dans le même temps, plusieurs millions de personnes, pointant chez Pôle Emploi, sont à la recherche d’un travail !

 

 

En milliers d’emplois

2022

2023

Écart 23/22

 

 

 

 

Agriculture

316.1

314.9

- 1.2

Industrie

3 240.2

3 275.7

+ 35.5

Construction

1 599.6

1 588.2

- 11.4

Tertiaire marchand

13 342.4

13 393.2

+ 50.8

 Dont intérim

809.7

755.9 

- 53.8

Tertiaire non marchand

8 429.3

8 505.6

+ 76.3

 

 

 

 

Total

26 927.7

27 077.6

+ 149.9

 

 

 

 

Dont privé

21 019.1

21 110.3

+ 91.2

Dont public

5 908.6

5 967.3

+ 58.7

 

 

 

 

En 2023, l’économie française a créé seulement 149 900 emplois, dont la majorité, 76 300, dans le secteur tertiaire non marchand. La crise du secteur de la construction en a supprimé 11 400.

Bonne nouvelle : cette année encore, la France reste le pays européen le plus attractif pour les investisseurs étrangers, devant le Royaume-Uni. C’est près de 40 000 emplois créés, dans le secteur privé ! Cependant, assez éloignés des 58 810 emplois créés en 2022.

 

Balance commerciale 2023 (lien)

 

En milliards d’euros

France

2023

  • -130

2022

  • -163

 

Notre déficit commercial a toujours le triste record des pays de l’Union européenne, même si la baisse conjoncturelle du prix des énergies lui a fait « gagner » 30 milliards par rapport à 2022, pire année depuis 1949.

Crise ou pas crise, nationale comme internationale, on en vient presque à souhaiter que notre déficit commercial revienne à celui de 2019, c'est-à-dire à « seulement - 59 milliards ». À cette époque, nous avions aussi, malheureusement, le record de l’Union européenne !

Rappel : pour un pays, un déficit commercial, c’est la création d’emplois dans les pays étrangers. Pour la France, ce sont des dizaines de milliers d'emplois créés dans les pays étrangers.

L’offre de l’appareil productif français est toujours peu adaptée à la demande mondiale... et même à la nôtre, cela nous oblige à importer toujours plus pour la satisfaire.

 

  • Conclusion.

Quand l’Allemagne tousse, l’Union européenne s’enrhume !

Ne cherchons pas d’excuses dans la récession allemande, dans la queue de comète du Covid-19 ou encore dans la prédation d’une partie de l’Ukraine par la Russie, car les chiffres exposés ici, parlent d’eux-mêmes : 7.4% de chômage, 110% d’endettement, 5.5% de déficit public, 130 milliards de déficit commercial, 4.9% d’inflation.

Les chiffres de 2024 devront absolument rassurer : les agences de notations, mais aussi tout le corps électoral, car pour prendre rang dans la course au trône de France, libre en mai 2027, prétendants et prétendantes fourbissent déjà leurs armes, quelle que soit leur position dans « l’arc républicain », de l’extrême droite ou d’extrême gauche.

 

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