Les Français dissolvent Macron

par Laurent Herblay
vendredi 5 juillet 2024

Le pari de l’artificier de l’Élysée est perdu. Pour effacer la lourde défaite des élections européennes, il a fait le pari d’une dissolution pour passer à autre chose, pensant pouvoir compter sur le rejet suscité par le RN et Mélenchon et la division de la gauche pour étendre son bloc central. Mais aussi baroque soit-il, un accord a été trouvé à gauche, reprenant celui de 2022. Et surtout, Macron s’est révélé être celui qui est le plus repoussant, subissant un revers historique, seulement dépassé par celui du PS en 93.

 

Une vraie révolte démocratique

Dans le temps bien trop court de cette campagne, difficile de prendre du recul sur ce qui se passe. Pourtant, pour qui prend du recul, les choix des Français n’en apparaissent que plus radicaux. Même le PS de 1993, au crépuscule du second mandat de Mitterrand, avait fait un tout petit peu mieux que la minorité présidentielle dimanche dernier. Le 20% des macronistes est d’autant plus faible que le vide a été fait à gauche avec un Nouveau Front Populaire au programme de rupture complète avec l’expérience Macron (et le mandat Hollande par la même occasion), même si la présence de ce dernier comme candidat en Corrèze était franchement contradictoire. Déjà ramené de 32 à 26% de 2017 à 2022, le camp présidentiel perd autant en seulement deux ans, alors même que LR s’effondre de 10,4 à 6,6%. Macron est décidément un accélérateur de l’effondrement du centre politique en France, et c’est plus que bienvenu.

Les chiffres du Nouveau Front Populaire, même s’ils sont en progrès par rapport à 2022, ne sont pas si bons. Après tout, ce n’est que 2,3 points de plus qu’en 2022, ce qui n’est pas grand-chose après la réforme des retraites et la crise inflationniste. Cela montre a contrario la persistante difficulté de la gauche à parler aux classes populaires. Mais surtout, ces mêmes partis réunissaient la bagatelle de 41,7% des voix en 2012, certes, sans une structure commune. Bref, nous n’assistons qu’à un léger sursaut de la gauche en réalité. Mais les désistements mutuels face au RN vont lui permettre de fortement progresser à l’Assemblée. Mais ce qui est frappant sur un temps long, c’est l’envolée du vote RN. En 2022, l’émergence de Reconquête avait un peu masqué le gain de près de 10 points de l’ensemble des deux partis. Deux ans après, c’est encore un peu plus de 10 points qui sont gagné, un mouvement de balancier encore plus considérable en nombre de voix, les 2 gagnant autant de voix que les partis de gauche en 2012.

Le message des Français est clair : une sanction inédite depuis plus de 30 ans, que les désistements de circonstance permettront d’atténuer un peu. Macron est aujourd’hui le premier pôle de rejet du pays et les Français, à plus de 60%, dans un contexte de participation très élevée, expriment une volonté de changement assez radicale, par le NFP, avec un retour de la redistribution, ou par le RN, avec une rupture franche sur l’immigration, la sécurité ou le pouvoir d’achat. Le centre est balayé, malgré le rejet colossal suscité par les deux alternatives, le NFP se révélant plus repoussant que le RN désormais, du fait de Jean-Luc Mélenchon et ses choix communautaristes et sectaires. Les désistements semblent pouvoir barrer les portes du pouvoir au RN cette année, mais il y a fort à parier que s’il n’y arrivait pas cette année, la prochaine serait sans doute la bonne, au simple regard de la dynamique actuelle.

Comme développé il y a quelques jours, ma ligne de conduite reste la même. D’abord, sanctionner le plus durement possible le camp du président, par le meilleur moyen qu’il soit (sous réserve d’une personnalité pas totalement repoussante). J’espère également que certains élus en difficulté, comme François Ruffin ou Nicolas Dupont-Aignan, seront réélus. J’espère également qu’Elisabeth Borne et Gérald Darmanin seront battus. Tous ceux qui sont opposés à l’agenda antisocial de la macronie ou qui souffrent de l’insécurité qui a prospéré sous la houlette du ministrion de l’intérieur doivent s’unir pour défaire ces figures de la macronie. Leurs défaites permettraient sans doute de tourner plus clairement encore la page de Macron. Le travail n’est pas fini et les arrangements de circonstances entre la macronie et le Nouveau Front Populaire ne doivent pas revenir à faire la courte échelle à cet exécutif tellement détestable.

Les injonctions des castors ne m’impressionnent guère. Ce faisant, ils montrent qu’ils seront toujours prêts à solder leurs beaux idéaux aux politiques les plus détestables socialement. Bien sûr, le RN est en large partie leur antithèse, mais le choix aussi unanime de Macron plutôt que Bardella est a minima troublant quand on le met en rapport avec le choix de Tsipras en Grèce. Les verrous mentaux de cette gauche ne lui interdisent-ils pas toute capacité à vraiment porter une alternative sociale jusqu’au bout ?


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