Pourquoi je m’interroge ?
Premièrement, parce qu’utilisateur régulier d’internet, qui est aujourd’hui un de mes outils de travail principal, je consulte fréquemment les forums de discussion et je constate qu’une très large majorité d’internautes se prononce contre ce texte. Non pas que ces internautes soutiennent et encouragent des pratiques illicites (une très grande majorité des personnes interrogées souhaite soutenir les artistes et avoue même n’avoir jamais effectué de téléchargements illégaux), mais parce qu’ils estiment, à juste titre ce me semble, que ce texte sera totalement inefficace et est déjà « techniquement obsolète ». En effet, avancent-ils, les vrais « pirates » ont très probablement déjà conçus les outils leur permettant de contourner facilement le dispositif de pistage qui sera mis en place. De nombreux articles de magazine informatique et sites internet livrent d’ailleurs le mode d’emploi alors même que le dispositif n’est pas entré en vigueur et les experts informatiques prédisent que ces outils, aujourd’hui réservés à des internautes avertis, seront très vite téléchargeables et utilisables par le commun des utilisateurs.
Deuxièmement, parce qu’étant un européen convaincu, et un admirateur de la méthode consensuelle adoptée par le parlement européen lorsqu’il statue sur ce type de sujet, je constate qu’une large majorité des députés européens
[1] vient de voter en faveur d’un amendement dans le cadre du « paquet Telecom », qui impose qu’aucune restriction
« aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs [...] ne puisse intervenir sans une décision préalable des autorités judiciaires ». En clair, en excluant la possibilité de toute coupure de ligne internet sur simple décision administrative (rappelons que l’HADOPI n’est qu’une autorité administrative), le parlement européen souhaite entourer l’atteinte à la liberté que constituerait une telle sanction de toutes les garanties nécessaires. La législation française pourra elle continuer longtemps à être moins rigoureuse que le droit européen sur ces sujets … ? Il y a fort à parier que non : la première sanction venue, des recours juridictionnels seront déposés pour faire appliquer les principes que nos députés Européens défendent et qui prévalent sur le droit français.
Alors, face à ces interrogations, comment continuer à soutenir la création artistique, comment concevoir des politiques qui concilient nécessaire protection des artistes et libre accès à la culture ?
Ne pourrait-on pas proposer des méthodes à la fois plus simples et plus fiables comme par exemple collecter un « 1% artiste » dans chaque abonnement Internet en laissant en contrepartie plus de liberté aux internautes dans les téléchargements…car je crois vraiment qu’il faut éviter, autant que possible de « brider » cette liberté extraordinaire que constitue le réseau internet. Plusieurs artistes ont déjà pris fait et cause pour des solutions alternatives, avançant non sans humour, qu’ils préféreront toujours que leurs oeuvres soient piratées plutôt que snobées… Renoir rêvait-il en son temps, que son « déjeuner des canotiers » puisse émouvoir des millions de personnes dans le monde ?
Ghislain Fournier
Maire de Chatou, vice président du Conseil général des Yvelines (UMP)
[1] (407 votes pour, contre simplement 57 votes de rejet et 171 abstentions/ vote du 6 mai 2009)