Entre le Russe GAZPROM et le Français ENGIE, ça ne « gaze plus », mais pourquoi ?

par Daniel MARTIN
mardi 6 septembre 2022

Le 1er Septembre le Russe GAZPROM a interrompu la fourniture de gaz au groupe français en raison « d'un désaccord sur leurs contrats ». Cette coupure totale se poursuivrait jusqu'à la réception en intégralité des sommes financières dues ». Bien que ENGIE se veule rassurant pour l'hiver, alors qu'une nouvelle maintenance s'engage sur le gazoduc Nord Stream 1, beaucoup d'incertitudes demeurent.

Pour rappel

Considérablement réduits depuis le début de la guerre déclenchée par la Russie à Ukraine, du fait du régime de sanctions contre Moscou en soutien légitime à l’Ukraine, les volumes de gaz Russe livrés par Gazprom à Engie ne représentaient plus que 4 % du total de ses approvisionnements, soit encore 1,5 TWh.

Si les stocks de gaz sont très largement remplis en France, à hauteur de près de 92 %, ce qui, selon les pouvoirs publics, représente environ deux mois d'avance sur le rythme traditionnel. Par contre, la situation est moins flatteuse au niveau de l’UE. Les stocks ne sont remplis qu'à 80 %, voire un peu moins, contre une moyenne de plus de 82 % au cours des cinq dernières années. Comme l’indique par ailleurs Thierry Bros, professeur à Sciences Po : « Ce n'est pas un niveau élevé ». Il ne faut pas aussi oublier qu’en cas de pénurie, la solidarité entre pays de l’UE impliquerait éventuellement que pour subvenir aux besoins d'autres pays de l'Union, ceux ci viennent puiser dans les réserves de la France.

Il faut savoir qu’en 2020, le gaz naturel en France était importé d’un petit nombre de pays producteurs, dont essentiellement :

- La Norvège (36 %)

- La Russie (20 %) et (17 % début 2021, avant le déclenchement de la guerre)

- Les Pays-Bas (8 %)

- Le Nigéria (8 %)

- L'Algérie (7%)

- Le Qatar (4 %)

Ces pourcentages démontrent que la France n'est pas aussi dépendante que cela de la Russie pour son gaz naturel, contrairement aux les pays d'Europe centrale et orientale, où certains pays reposent intégralement sur les importations russes. Mais pour compenser les importations Russe au niveau de 2020 ou début de 2021, et bien que son gouvernement ait promis de la doubler, il faudrait que l’Algérie triple presque ses volumes à l’exportation vers la France. Il faut aussi tenir compte qu’avec la « loi du marché », le doublement de ses exportations, les sommes à payer à l’Algérie seraient certainement très supérieures à celles du Russe Gazprom.

L’Algérie et le Qatar peuvent-ils compenser le gaz russe ?

Il faut se rendre à l’évidence, ni l’Algérie, ni le Qatar ne peuvent remplacer à court terme le flux contrôlé par le Kremlin. Comme le fait observer Thierry Bros : «  Doha a indiqué qu’il n’a pas de capacités de production inemployées donc il ne peut que fournir du gaz qui aurait dû aller vers des pays asiatiques, comme l’Inde et le Bangladesh, et qui serait redirigé avec des prix très élevés vers l’Europe ».

Le Gaz une énergie essentielle pour la France

En France, le gaz représente près de 40 % de la consommation énergétique finale du résidentiel et 30 % de l'énergie finale utilisée par l'industrie. L'impact de l'augmentation des prix du gaz ou les éventuelles difficultés d'approvisionnements est donc particulièrement important, tant sur le pouvoir d'achat des consommateurs que sur l'état de santé de l'industrie nationale. Le gaz naturel représentait en 2020 19,2 % de la consommation finale d'énergie en France.

Entre problèmes techniques à résoudre sur le principal gazoduc « Nord Stream 1 » qui alimente l'Europe, et Sanctions économiques, autres dangers d’approvisionnement en gaz vers l’Europe

Du 31 Août au 2 Septembre 2022, les volumes fournis par Gazprom depuis le mois de juillet 2022, via le principal gazoduc qui alimente l'Europe, Nord Stream 1, ont été réduits à 20 % de la capacité de transit du gazoduc. Gazprom reprochait à Siemens de ne pas lui avoir fourni les documents nécessaires au bon redémarrage de la turbine. Ce dont se défendent les Allemands, à commencer par leur chancelier Olaf Scholz en visite mercredi dans une usine Siemens de la Ruhr. « Il n'y a aucune raison qui empêcherait la livraison d'avoir lieu », a déclaré Olaf Scholz en expliquant que Berlin attendait simplement de Moscou « les informations douanières nécessaires pour son transport vers la Russie ». https://www.latribune.fr/economie/international/gazoduc-nord-stream-1-la-russie-pretend-ne-pas-pouvoir-recuperer-une-turbine-essentielle-a-cause-des-sanctions-927637.html

Cette situation a finalement été résolu, mais Vendredi 2 septembre au soir Gazprom a annoncé, que le gazoduc Nord Stream 1, qui devait reprendre du service samedi après une maintenance, sera Finalement « complètement » arrêté. Cet arrêt se poursuivra jusqu’à la réparation d’une turbine de ce pipeline vital pour l’approvisionnement des pays Européens qui sont encore desservis par le gazier Russe.

Dans un communiqué, Gazprom a indiqué avoir découvert des « fuites d’huile » dans la turbine, lors de cette opération de maintenance dans une station de compression située en Russie. « Jusqu’à la réparation (…), le transport du gaz par Nord Stream est complètement suspendu », a indiqué le groupe, sans préciser combien de temps pouvait durer cette réparation. Selon un avertissement de l’Agence civile russe de surveillance des industries, Gazprom indique que ces ennuis techniques empêchent d’assurer « une exploitation sécurisée du moteur de la turbine à gaz ». https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/02/gaz-russe-le-geant-gazprom-annonce-l-arret-de-nord-stream-jusqu-a-la-reparation-d-une-turbine_6140027_3210.html

Finalement la Russie de Vladimir Poutine stoppe toute livraison à l'UE

Après avoir évoqué divers prétextes d'ordre techniques pour ralentir et ensuite interropre les livraisons de gaz par le gazoduc Nord Stream 1 aux pays de l'UE autre que la France pour laquelle il avait été suspendu le 1er Septembre pour non paiement des sommes dues., cette fois, les choses sont claires. En annonçant l’arrêt des livraisons de gaz à l’Union européenne (UE) à travers le gazoduc Nord Stream 1. Vladimir Poutine a décidé d'utiliser le gaz comme arme politique.

En effet, le Kremlin a expliqué, lundi 5 septembre, que l’approvisionnement en gaz de la Russie vers l’UE via le gazoduc Nord Stream 1 ne reprendra pas complètement tant que « l’Ouest collectif » ne lèvera pas les sanctions contre la Russie pour son invasion de l’Ukraine.

« En cas d'arrêt total des livraisons de gaz russe, 20 milliards de mètres cubes de gaz pourraient manquer en Europe cet hiver. C'est l'équivalent de la moitié de la consommation de l'Europe entière au cours du mois de mars par exemple », explique Thierry Bros. 

A lire également : https://selectra.info/energie/guides/comprendre/gaz

Que des sanctions prise contre Vladimir Poutine et son régime soient nécessaires, afin de le priver de subsides dans ses efforts d’armement est une chose, ne pas payer des factures est autre chose

Engie n'a pas fait de commentaire supplémentaire après que Gazprom ait interrompu la fourniture de gaz au groupe français en raison « d'un désaccord sur leurs contrats ». D’après Gaztrom, cette coupure totale se poursuivra jusqu'à la réception en intégralité des sommes financières dues par Engie ».

Alors qu’Engie avait refusé de s’expliquer, la Première ministre, Elisabeth Borne, sur TMC a réagi en déclarant « Je pense qu'il faut rassurer les clients d'Engie, qui a d'autres sources d'approvisionnement que le gaz russe » et de rajouter : « de façon générale on essaie de s'organiser et de se préparer en cas de coupure générale de l'approvisionnement en gaz par la Russie ».

Curieuse réaction, car si Engie n’a pas payé sa facture à Gazprom, les consommateurs Français l’ont payé à Engie et pour les autres sources de substitution, madame la première Ministre aurait du faire preuve de moins d’optimisme...

Les sanctions prises contre la Russie de Vladimir Poutine et son régime peuvent se comprendre et s’admettre en raison de la guerre qu’il a déclenché en Ukraine, ne pas payer une facture due l’est moins. Car ce qui aurait été plus acceptable, c’était qu’Engie paye les sommes dues et qu’après avoir obtenu d’autres approvisionnements extérieurs à la Russie, l’opérateur Français stoppe de lui même les importations du gaz Russe. C’est ce qu’aurait du exiger la première ministre dès sa nomination.

Il y va aussi de la crédibilité de la France auprès d’autres fournisseurs non Européens qui ne sont pas concernés par les sanctions à l’égard de la Russie (Algérie, Qatar. voire l’Iran si les sanctions US à son égard étaient levées..).

Traitement par méthanisation des déchets organiques une source de gaz (bio gaz) qui ne serait pas à négliger et surtout à développer

La méthanisation consiste en une dégradation des déchets en l’absence d’oxygène qui produit du biogaz, un mélange gazeux composé en majorité de méthane et de gaz carbonique, et transforme la matière organique initiale contenue dans ces déchets en un produit humide, partiellement stabilisé, appelé le digestat. Le biogaz est un gaz combustible qui provient de la dégradation des matières organiques mortes, végétales ou animales, dans un milieu en raréfaction d'air (dit "fermentation anaérobie"). Cette fermentation est le résultat de l'activité microbienne naturelle ou contrôlée.

Composition du « biogaz » : Méthane 45 à 65 % - Gaz carbonique 25 à 45 % - Eau -6 %

Toute la matière organique est ainsi susceptible d’être décomposée par méthanisation, à part les composés très stables comme la lignine (bois) que l’on peut à l’inverse composter facilement. Les matières organiques à méthaniser peuvent être des déchets domestiques essentiellement alimentaires, d’origine agricole, agro-industrielle et municipales pour les biodéchets notamment.

Pour cela, il existe ainsi de petits méthaniseurs ne traitant que des effluents d'élevage à la ferme, des méthaniseurs de taille moyenne traitent les effluents d'élevage de manière mutualisée, ou encore de gros méthaniseurs traitent toutes sortes de déchets organiques non dangereux.

Les objectifs fixés dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, adoptée il y a un an jour pour jour, visent donc à rattraper ce retard considérable. D’ici à 2025, toutes les communes devront avoir mis en place une structure de collecte des biodéchets à la source, directement chez le citoyen. Objectif : produire de l’engrais destiné aux cultures agricoles ou de l’énergie sous forme de biogaz. Si certaines initiatives donnent déjà des résultats, le manque de financement et de sensibilisation des citoyens restent des obstacles majeurs au respect des objectifs fixés.

Au niveau actuel des déchets fait par les Français, quelle pourrait être la production de biogaz ?

En France, chaque individu produit actuellement en moyenne 270 kg de déchets non recyclés par an, dont un tiers de déchets organiques, soit 90 kg ou pour, par exemple, 60 millions d’individus soit en moyenne 5,4 millions de tonnes . Si on y ajoute les déchets organiques de l’agriculture, des laiteries estimés à près de 3 millions de tonnes et des boues des stations d’épuration qui sont estimés à 1 million de tonnes de matière sèche par an, on obtient environ 9,5 millions de tonnes.

Si l’on considère qu’un kilo de déchets organiques peut produire entre 200 litres et 550 litres de biogaz une fois traité pour être injecté dans le gaz naturel, avec 9,5 milliards de kilos ( 9,5 millions de tonnes) on peut obtenir entre 1900 et 5025 milliards de litres de gaz, suivant les efforts de méthanisation qui sont faits, c’est à dire entre 1900 et 5025 millions de m3…

Pour un logement de 100 m², alors que consommation de gaz est rarement fixe tout au long de l'année. Les mois d'hiver, la consommation est toutefois nettement supérieure à celle de l’été, un ménage qui se chauffe au gaz consomme en moyenne environ 1200 m² de gaz sur un an. Cela permettrait donc d’assurer, au rythme actuel, la consommation d’environ 1,6 millions à 4,2 millions foyers. Ce qui n’est pas négligeable en regard des 6,67 millions de ménages Français environ (23 % des 29 millions de foyers Français) qui consomment du Gaz pour se chauffer et d’une croissance démographique, pour laquelle les responsables politiques devraient être plus sensibles.

Il faut savoir aussi qu’aujourd’hui seulement 10 % de la population française est concernée par les mesures de collecte des déchets organiques, l’Hexagone figure parmi les plus mauvais élèves de la classe européenne, bien loin derrière l’Autriche (80 %) ou l’Allemagne (plus de 60 %).

Impossible de poursuivre avec la croissance démographique et la consommation énergétique actuelle

Outre que la croissance de la population doit être compatible avec le territoire disponible, peut-on poursuivre avec une population qui augmenterait d’un milliard d’habitants dans le monde par décennie comme pour la période 2012 -2022 (passant de 7 milliards à 8 milliards d’habitants en fin d’année)… Dans la même période la France, où le taux de fécondité a légèrement baissé, est quand même passé de 65 à 68 millions d’habitants et cela va continuer de progresser. Avec les besoins économiques et énergétiques actuels, et notre dépendance extérieure pour toutes les énergies fossiles, dont le gaz, les diverses sources d’approvisionnement vont devenir de plus en plus chères sans compter qu’elles ne sont pas inépuisables. Il va s’avérer très difficile, voire impossible de poursuivre dans cette voie. Des économies drastiques de l’énergie, ainsi que l’arrêt des politiques natalistes vont devoir s’imposer … Les responsables politiques doivent changer d’attitude et être enfin sensibles à la question démographique.

Pour conclure

Si Poutine a décidé de se servir du gaz comme arme politique en interrompant les livraison, Il paraît toutefois surprenant que Engie, sous couvert des sanctions à la Russie n’est pas réglé ses factures de gaz, en prenant préalablement des dispositions de substitutions de fournisseurs. Le consommateur Français a cependant réglé la note correspondant à l’achat de ce gaz Russe auprès du gazier français. Mais aussi, tout aussi surprenant la réaction de la première ministre. Il est par ailleurs évident que cette énergie va devenir de plus en plus chère et un effort doit être fait en direction des économies, ainsi que la méthanisation pour la production de « biogaz ». En direction de la question démographique il faut également que les responsables politiques y soient enfin sensible.


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