On nous parle de sécurité, une étudiante strasbourgeoise raconte... (suite)

par izido
mardi 7 avril 2009

Ils se demandent tous : mais où étaient les forces de police alors que brûlait l’Ibis.

Je réponds : A l’hôtel en feu et ses casseurs en noir ils ont préféré la rue pleine de couleurs et ses manifestants hurlant non à l’Otan. La sécurité c’est une question de priorité.

Chapitre 3 : le commencement…

Me voici partie pour manifester pour la paix. Je m’habille en blanc, telle une colombe je vole vers le rdv fixé et m’attends à écouter les paroles pleines de paix de Marie Georges Buffet. Je ne suis pas communiste, mais bon, écouter ne peut pas me faire de mal. Et pourtant, mal ça commence : le pont du Rhin qui mène au parc des deux rives, lieu du dit rdv est bloqué par les CRS. On entend des déflagrations, impression de guerre civile. Des groupes de jeunes cagoulés visiblement endeuillés s’excitent, d’autres patientent… Patience. Personne ne sait pourquoi le pont est bloqué. Il est 11h30, samedi.

Une heure plus tard le pont s’ouvre. Encerclés de toute part par des camions de CRS, les manifestants se dirigent vers le point de ralliement. Tout droit, de toute manière on n’a pas le choix. Des feux brûlent dans les coins, quelques pavés laissent entrevoir la plage qu’ils recouvraient, des douilles de bombes lacrymogènes jonchent le sol, ambiance manif, ambiance canif ?

Chapitre 4 - manifestons pour la paix… mais que fait la police ?

Saut dans le temps, de nouveau sur le pont du Rhin mais quelques heures plus tard. La manifestation bat son plein, tout le monde s’interroge : qu’est-ce donc que cette fumée noire dans le ciel ? « Il parait que ce sont des pneus.. » Et non c’était l’Ibis ... Ceci explique cela, le cortège est dévié, direction la Robertsau et le quartier du port du Rhin, impossible de passer du côté allemand. Aucune information n’est communiquée aux manifestants. Nous marchons donc pacifiquement tandis que la lourde atmosphère s’estompe peu à peu. Stop, arrivé pont de la Roberstau s’arrête le camion qui mène les troupes au son de Tiken Jah Fakoli. La manifestation ne peut pas continuer comme prévue, il faut attendre et négocier.

Pendant ce temps les hommes en noir qui avaient mis en place la barricade en pneus enflammés atteignent le cortège, armés de barres de fer, de bouts de bois et de masques à oxygènes. Ils sont équipés pour la paix. Ils veulent sûrement en découdre avec les hommes en bleu, pas rassurant tout ça… et je me demande : pourquoi n’ont-ils pas été arrêtés eux ? Parce que pour le coup, ils ont la tête de l’emploi…

L’attente dure, certaints veulent forcer le passage (vous devinerez lesquels). Pierres lancées, riposte lacrymogèe touche aussi bien les casseurs que les pacifistes, ils n’avaient qu’à pas se trouver là ces utopistes ! Finalement le cortège reprend direction l’Allemagne et l’ancienne douane (qui brûle alors sans que personne dans le défilé ne soit au courant). Au niveau du prochain pont tout s’arrête, les drapeaux s’assoient à terre en signe de bonne volonté et mettent en place tant bien que mal un barrage pour que les cagoulés ne s’approchent pas des CRS. Pacifistes donc, nous sommes pris en sandwich entre deux couches d’hommes en noir et de CRS.

Ces derniers font se resserrer les rangs… tiens donc, que va-t-il se passer ??



Les casseurs finissent par passer notre barrage improvisé, agressent les hommes en bleu. Les gaz lacrymogènes sont lancés, flashballs, etc.… sont de sortie et en moins de temps qu’il en faut pour le dire mes yeux brûlent et mes poumons chauffent. Je pleure. J’attends. Ils saccagent une usine, pas de chance je suis devant, aucune pierre ne me touche, j’ai peur. Ca pète dans tous les sens. Nous nous dirigeons vers le centre ville, les mains levées en signe de paix. A priori les CRS ne comprennent pas ce symbole de résignation et de non-violence, ils nous encerclent et balancent lacrymo sur flashball. C’est un mauvais rêve, je ne suis pas accroupie derrière un buisson, me cachant la bouche avec mon foulard et essayant de respirer le moins possible. Ces mecs habillés comme Robocop ne me prennent pas en joue alors que mes mains sont levées et mes couleurs affichées. C’est un mauvais rêve… Un CRS me crie de passer à travers la fumée tandis que de toute part volent les projectiles, mes amis sont partis sur la droite.


Quand finalement j’atteins l’autre côté du barrage mis en place par les CRS, je pense que tout est fini.

Assise pour attendre mes amis et reprendre mes esprits, des fourgons de CRS arrivent, il faut dégager. « Dégagezzzzz » n’est même pas prononcé que ces chers hommes en bleu nous balancent déjà des lacrymogènes. Assis par terre, en état de choc, personne n’avait d’armes ni d’intention malveillantes contre ces hommes censés nous protéger. Ils nous ont gazés et paniqués sans raison, pour le plaisir... ? Le principe de précaution qui a bon dos ? Où plutôt parce que, comme l’un d’entre eux me l’a crié alors que je me trouvais encerclée par les tirs de gaz lacrymogènes : « on en a marre nous aussi, on veut rentrer chez nous…. ».

Expéditif, préventif : oui.
Juste et justifié : non.


Chapitre 5 – Pour finir en beauté…

Après quelques kilomètres à pied pour contourner des barrages bétonnés (dont je n’ai toujours pas compris le but) qui empêchaient les manifestants de passer par le chemin le moins long, nous voici sur le chemin du retour. Déçues, choquées, nous sommes trois, étudiantes exténuées. Nous rentrons chez nous, et pour montrer que nous y croyons tout de même à ces quatre lettres : PAIX, nous arborons un drapeau multicolore. Croisons un groupe de CRS qui nous somme de nous arrêter, fouille nos sac et me demande de ranger ce drapeau. « Et la liberté d’expression en France ? » Elle n’existe plus dans le cadre de « ces circonstances particulières »… à savoir ? La manifestation était dispersée, loin, le soleil se couchait, nous voulions juste afficher les couleurs pacifistes qui avaient été par trop oubliées lors de la manifestation. Et bien non, la paix est une provocation pour ces Mr en uniforme… l’autre hypothèse serait qu’ils n’ont pas compris la traduction anglaise qui figurait sur le drapeau…PEACE… mais je n’oserai l’insinuer.


Chapitre 6 - Ce que faisait la police...



A tous ceux qui se demandent : mais que faisait la police contre les casseurs de l’Ibis, je réponds de nouveau : tandis que de jets de pierres en cocktails Molotov prenait feu le quartier de la douane, une troupe de CRS s’évertuait à nous gazer. Nous, manifestants majoritairement pacifistes, jeunes, étudiants, allemands, français, clowns, militants de gauche, retraités anti nucléaires, nous, coincés comme des rats entre deux ponts, deux groupes violents et les CRS. Certes, ils gazaient aussi et surtout ces hommes en noir... qu’ils n’ont par contre pas été foutus d’arrêter...

J’insiste, histoire que tout soit vraiment bien clair, mais franchement, vous mettez des manifestants dans une rue, sachant très bien que parmi eux, une minorité a oublié les couleurs du drapeau de la paix, vous les faites poireauter plus d’une heure. Certains s’énervent, déjà pas calmes à la base. Le parcours initial de la manifestation est modifié sans plus d’explications, il nous fait passer par les rues désertées du quartier du port du Rhin, l’un des plus pauvre de la ville, là où si casse il y a, le touriste lambda ne verra. Pas de sanitaires sur le chemin, c’est bien connu les pacifistes ne pissent pas, de toute manière ils aiment la nature tous ces hippies. Le passage des douanes, symbole de la frontière et de la collaboration franco-allemande est deserté par les forces policières… 

Vraiment étranges ces dérapages… comme si quelqu’un avait voulu dissuader les manifestants de se rejoindre à ce genre d’événement… comme si on avait voulu montrer seulement la violence de certains groupes anti-otan…

Barack est vivant, Carla est Gibson, Michèle était bien habillée… bref Sarko a tout bien géré….

Chapitre 7 - Lundi au soleil

Retour à la normale, lundi au soleil tous les habitants semblent avoir oublié les exactions du weekend. Heureux, certains soulagés, marchent dans les anciennes rues bloquées.

Déçue, je témoigne pour dénoncer ce qui s’est passé sous couvert de sécurité.

Samedi, les CRS français se sont montrés dignes d’un régime qui n’a rien à envier aux dénoncés totalitaristes, sauf qu’eux, au moins, ont le mérite d’annoncer la couleur… Il n’y a certes pas eu de morts diront certains, je dramatise…mais le fait est que l’espace de quelques minutes j’ai eu peur pour ma vie face aux agents de police surentraînés censés assurer ma sécurité.

Otan en a emporté mes illusions sur le monde policier.


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