Gabriel Attal entre gros oublis et choc de communication

par Laurent Herblay
samedi 16 décembre 2023

Il faut reconnaître un certain talent de communication au ministre. Alors que la nouvelle édition de l’étude PISA souligne l’accélération de la dégradation de notre système éducatif, les annonces de son « choc de savoirs » lui ont permis de traverser la séquence avec la bénédiction des sondages, et même des média de droite, du Figaro à Causeur  ! Pourtant l’examen de ses annonces douche tout enthousiasme et indique un choc très cosmétique et superficiel qui passe à côté de problèmes plus importants.

 

Un grand brouillard de réformettes

On imagine presque les réunions de préparation aux annonces de mardi. Le ministre semble avoir voulu faire feu de tout bois : les annonces concernent tous les niveaux  ! Cela commence par de nouveaux programmes au primaire, qui incorporent la méthode de Singapour, ce qui fait chic.. Les collégiens auront droit à des groupes de niveau à effectifs réduits pour les élèves en difficulté et un brevet obligatoire pour entrer au lycée. Les lycéens auront droit à une épreuve de mathématiques en première. Plus globalement, les manuels scolaires seront labellisés et financés pour tous les élèves, et le redoublement devrait être facilité par le dernier mot donné aux professeurs. Ce qui est formidable avec ces annonces, c’est qu’elles sont toutes plébiscitées dans les sondages, avec plus de 70% d’opinion favorable

Mais ce déluge d’annonces populaires ne doit pas occulter le fait que le plan du ministre ignore deux lacunes majeures du système éducatif français, pointé par l’étude PISA : la crise de vocation des professeurs, et les problèmes de discipline à l’école. L’école en France a besoin d’un choc de revalorisation de la condition de professeurs (qui gagnaient plus de 2,2 SMIC en début de carrière il y a 40 ans, et gagne à peine un peu plus que le SMIC aujourd’hui) et un choc d’ordre, pas un amoncellement de mesurettes. Bien sûr, certaines sont pertinentes (on se demande bien pourquoi les manuels scolaires n’étaient pas labellisés et à quoi servent les fonctionnaires du ministère si ce n’est pas pour faire cela…), mais ce sont des ajustements trop marginaux pour fondamentalement redresser une situation très dégradée.

On peut déjà craindre que le taux de réussite au brevet (89,1% en 2023) grimpe étrangement pour éviter de faire redoubler 10,9% des élèves de troisième, à rebours de tout le discours du ministre… Les groupes de niveau, s’ils peuvent être intéressants, nécessiteraient plus de professeurs, alors même que depuis des années, de nombreux poste ne sont pas pourvus, faute de candidats, sans même parler de la complexité possible de sa mise en œuvre, travers de bien des réformes de la macronie, qui compliquent la vie des professeurs au lieu de les aider… L’épreuve de mathématiques en première est un gadget inutile : c’est toute la réforme du lycée de Blanquer sur laquelle il faudrait revenir. Au final, ce déluge d’annonce a surtout la vertu d’occuper le terrain plutôt que de régler le fond des problèmes.

Il est désolant en effet de passer à côté de la question de l’ordre dans les classes alors que l’enquête PISA pointe à nouveau l’indiscipline qui règne en France. L’une des racines de ce problème est la loi Jospin de 1989, qui a privé les professeurs du pouvoir de sanction. Plus grave encore, la crise de vocation des professeurs, qui fait que trop d’élèves n’ont pas de professeurs dans l’annéeLa France maltraite ses professeurs depuis trop longtemps et le malaise s’est encore accentué depuis 2017, en l’absence de toute réelle revalorisation, la macronie se contentant de gestes exceptionnels, et souvent inférieur à l’inflation, alors même que les professeurs subissent sans doute une inflation supérieure à la moyenne. Aucun chiffre n’a été évoqué par le ministre mardi  : en clair, rien ne sera fait à l’avenir.

De manière intéressante, le programme de NDA à la présidentielle 2012, dont j’assurais la construction et le chiffrage, montrait ce qu’un vrai investissement dans l’éducation est : près de 70% des nouveaux crédits du mandat affectés à l’éducation. Le budget cumulé de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (avec la recherche) passait de 87,4 milliards d’euros en 2012 à 111,7 milliards d’euros en 2017, soit plus de 24 milliards d’euros de crédit supplémentaire… Voilà qui relativise grandement les annonces de 2020 vantant un budget de 8 à 10 milliards de plus dans… 17 ans, ou celles de Gabriel Attal mardi, qui, en l’absence de toute annonce budgétaire, font l’impasse sur un des principaux problèmes de notre système éducatif, si ce n’est le principal : le manque de reconnaissance des professeurs.

En outre, on pourrait objecter à Gabriel Attal qu’il est dans la majorité depuis 2012 et que ce bilan PISA, c’est le sien et des majorités dont il fait partie depuis plus d’une décennie. Pire, ses annonces ne sont qu’une manœuvre superficielle destinée à donner le change pour l’opinion, sans véritablement traiter les problèmes de fond de notre système éducatif. Il ne vaut pas mieux que Macron.


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