La Turquie prête pour l’Europe ? Deuxième volet : Atatürk

par MIBKK
jeudi 19 janvier 2006

La République de Turquie actuelle, qui frappe à la porte de l’Europe, est née après la disparition de l’empire ottoman, en 1923, sous l’impulsion de Mustafa Kemal Atatürk.

La République de Turquie est une république jeune. Après la chute et le démantèlement de l’Empire ottoman lors de la Première guerre mondiale, les alliés occupèrent les territoires ottomans. Refusant cette défaite et les clauses de l’armistice de Moudros, Mustafa Kemal mobilisa tout un peuple se reconnaissant turc, appela à la résistance et à la libération de la nation.

Victorieuse, la République de Turquie est proclamée le 29 octobre 1923. Mustafa Kemal fut élu président pour quatre ans conformément à la constitution. Le parlement l’élit de nouveau en 1927, 1931 et 1935. Désireux de bâtir une nation moderne et démocratique à l’image de la France, il engagea des réformes dans tous les domaines : politique, social, juridique, culturel, éducatif et économique. Celles-ci furent parfois radicales et douloureuses pour la population (code vestimentaire ou passage de l’alphabet arabe à l’alphabet latin).

Jeune, lancée vers le modernisme et s’identifiant comme européenne, la République de Turquie souhaite aujourd’hui, plus que jamais, intégrer l’Union européenne. Ces démarches d’intégration ne sont que la continuité de la politique d’Atatürk, politique orientée exclusivement vers l’Europe oocidentale.

L’héritage d’Atatürk est considérable. Il est tel que malgré sa mort depuis près de 70 ans, l’homme est omniprésent. Mustafa Kemal Atatürk est présent dans les esprits et dans les coeurs. Son omniprésence est visible dans les rues, les administrations, les écoles, les institutions publiques comme privées et les maisons. Cette omniprésence est rendue sensible par des statues sur les places et dans les rues des villes, des bustes dans les cours et les halls d’institutions, des portraits dans les halls des bureaux et dans les maisons.

L’amour de la patrie léguée, le respect et la mémoire d’Atatürk, et le suivi des principes dites kémalistes (pour plus d’informations, voir l’article Kémalisme sur www.wikipedia.org) sont inculqués dès l’école primaire. Tout élève commence son instruction par apprendre par cœur l’hymne national Istiklal Marsi et le Antimiz, un serment à la nation. Ce dernier texte inculque le nationalisme, le devoir de mémoire et la reconnaissance envers le père des Turcs.

Cette omniprésence symbolique, la mémoire de tout un peuple et l’actualité des principes kémalistes sont garanties par l’armée. Cette armée, concrètement garante de la laïcité et du nationalisme, est forte de son pouvoir conféré alors par Atatürk, et est à son tour omniprésente dans toutes les affaires de l’État.

Dans ce contexte, seul l’éloge d’Atatürk est permis. Toute critique est bannie. L’armée surveille étroitement la presse, les éditeurs, les opposants politiques, les religieux et les historiens. Elle a le pouvoir de censurer et de poursuivre les opposants.

C’est dans ce contexte que j’ai souhaité discuter, de manière informelle, avec quelques personnes (un chauffeur, des fonctionnaires, deux ouvriers et plusieurs étudiants) sur le thème de l’omniprésence de Mustafa Kemal. Sans exception, tous mes interlocuteurs m’ont "récité" les mêmes arguments historiques et politiques qui font la fierté de tout un peuple. Tous reconnaissent comme légitime l’omniprésence de l’image d’Atatürk. Aucune critique n’a été ne serait-ce qu’effleurée. J’ai tenté, très à demi-mot et prudemment (le risque de délation est une réalité), une critique. Les réactions furent diverses. Certains ignorèrent ma remarque ; d’autres soutinrent à nouveau les mêmes arguments ; plusieurs changèrent de sujet ; et quelques-uns me répliquèrent : "Es-tu un traître à la patrie ?".

Cette réalité quotidienne amène une question importante. Comment les Turcs envisagent-ils leur intégration dans l’Union européenne, une Europe résolument tournée vers l’avenir, alors que la Turquie est toujours tournée vers son passé ?


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