Les orteils sont pris par dessus la jambe

par C’est Nabum
jeudi 2 mai 2024

 

Les quatre oubliés …

 

Si la main mène grand train et se pare d'une multitude de bijoux et ornements, le pied se morfond dans l'indifférence générale et joaillière. Pire même pour quatre de nos orteils, qui non seulement, sont privés de la moindre parure mais qui plus est ne disposent pour les nommer que d'un classement honteux, sans la moindre imagination : second, troisième, quatrième et cinquième orteils.

Tout cela n'aurait pas enclencher une révolte si les morphologistes n'avaient commis l'insupportable : honorer le gros orteil d'un patronyme en laissant les autres à leur anonymat. L'hallux pouvait jouer les gros bras en espérant que ses collègues allaient mettre les pouces et ne rien dire. Il n'en fut heureusement rien d'autant que j'ai prêté l'oreille à leurs légitimes récriminations.

Pour les doigts de la main, chacun est étiqueté en référence à une fonction ou une caractéristique propre. Ainsi le pouce sert de pince, l'index de cafteur, le majeur de grand frère, l'annulaire de registre civil et l'auriculaire de coton tige. Tous peuvent s'enorgueillir d'un nom et d'un usage qui les distinguent et les honorent.

Pour nos arpions, rien de tout cela. Seul le gros orteil fait le malin tandis que ses comparses font désespérément les cent pas en attendant une appellation digne d'eux. Le second notamment qui peut s'enorgueillir d'être le complément indispensable de l'hallux pour maintenir la tong. Le dernier de la liste mériterait quant à lui de figurer au tableau d'honneur pour toutes les souffrances qu'il endure en se tapant nuitamment dans les pieds de lit ou les armoires.

Quant aux deux autres, l'un pourrait hériter d'une référence à l'œil de perdrix et l'autre à l'ampoule. Il ne resterait plus alors qu'aux étymologistes d'aller quérir dans le latin ou le grec de quoi les mieux chausser. Nos orteils doivent sortir de cet anonymat dans lequel les chaussettes et les chaussures les ont enfermés trop longtemps.

Nommer c'est reconnaître et prendre son pied pour ce qu'il est vraiment, la base de notre identité. Pourquoi diantre ce ne serait pas avec l'hallux qu'on prendrait les empreintes digitales qualifiées alors de podologiques. Vous imaginez aisément la scène dans les commissariats et les préfectures.

J'en appelle donc aux académiciens pour relever le gant et porter haut l'honneur de nos doigts de pied. Ce serait ainsi belle manière de couronner le second mandat du Président marcheur en lui attribuant cette réforme lexicale qui serait ainsi sa plus éclatante réalisation puisque pour le reste, il s'y est pris comme un pied.

Certains me montreront les cornes ou bien tenteront de m'écraser des pieds que j'aime à avoir nus. Je n'ai rien à cacher, ils peuvent me monter sur les pinceaux, je n'en continuerai pas moins à dépeindre ce qui ne marche pas droit dans ce pays. Et c'est avec fierté que je prends ici la tête de la révolte des panards.


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