Le monde de Marcel Proust

par Réflexions du Miroir
jeudi 17 novembre 2022

Le 18 novembre 1822 mourrait Marcel Proust des suites d'une pneumonie.

On commémore donc ce 18 novembre, le bicentenaire de sa mort.

Ecrivain français mondain, dont l'œuvre principale est patronnée une suite romanesque intitulée À la recherche du temps perdu, publiée entre 1913 à 1927.

"Le Temps retrouvé" sera publié après sa mort.

Reconnues avec des phrases longues, chantantes avec autorité et la Madeleine qui restent dans les mémoires à son sujet.

Je me suis informé sur Proust avec le petit livre d'une cinquantaine de pages "Marcel Proust. L'indifférent".

Préface

"Parue il y a quatre-vingts ans dans une revue éphémère, cette nouvelle de Marcel Proust, oubliée de tous, a été retrouvée par Philip Kolb. Elle avait été publiée en 1896, dans La vie contemporaine. On peut penser qu'elle fut écrite en 1893, alors que Proust avait vingt-deux ans. On retrouvera avec amusement et curiosité, dans cette œuvre de jeunesse, bien des thèmes et des mots proustiens : les crises d'asthme, les cattleyas, l'Opéra, et surtout une étude de la cristallisation de l'amour qui est déjà celle qui sera développée dans Un amour de Swann et dans l'analyse des sentiments que le narrateur de la Recherche porte à la duchesse de Guermantes et à Albertine.

Postface

Il aime les femmes ignobles qu'on ramasse dans la boue et il les aime follement et non seulement il les aime follement, mais il n'aime qu'elles. La femme du monde la plus ravissante, la jeune fille la plus idéale lui est absolument indifférente. Ses motifs sont les charmes, les illusions de l'amour, splendeurs et misères de mondanités, nature fantasmée et nostalgie. 

Extraits 

Un espoir pourtant lui restait qu'il avait menti, que son indifférence était jouée : Madeleine savait par l'unanimité des opinions qu'elle était l'une des plus jolies femmes de Paris, que sa réputation d'intelligence, d'esprit, d'élégance , sa grande situation mondaine ajoutaient un prestige à sa beauté.[...] Dans ma banale vie, je fus un jour exalté de parfums qu'exhalait le monde jusque-là si fade. C'étaient les troublants annonciateurs de l'amour. Dans la langue, tout ce qui est nouveau est obscur.[...] Et comment la langue ne serait-elle pas nouvelle, quand la pensée, quand le sentiment ne sont plus les mêmes ? La langue pour rester vivante doit changer avec la pensée, se prêter à ses besoins nouveaux. N'est-ce pas ce qui est toujours arrivé dans l'histoire de la Philosophie où les systèmes clairs n'ont laissé aucune trace, où des Kant, Spinoza, Hegel aussi obscurs qu'ils sont profonds, ne se laissent pas pénétré sans grandes difficultés.

Chapitre : "Passion malade"

L'indifférent et Avant la nuit sont relié au désir en suivant le point de vue d'une femme amoureuse donnant à voir l'amour dans toute sa durée, dans ses complications et son épaisseur sentimental avec l'élégance de Madeleine de Gouvres car l'amour jette une perspective sur un monde enchanté et bouleversant sur l'être aimé auquel il se voue.

Chapitre : "Contre l'obscurité"

Proust dénonce le Symbolisme, trop coupé de la vie concrète et individuelle. L'amour est une respiration déréglée où s'éprouve l'impossible. (Jérôme Solal

Histoire de Marcel Proust

Issu d'une famille aisée et cultivée, d'origine juive par sa mère, catholique par son père, professeur de médecine à Paris, il est un enfant de santé fragile pendant toute sa vie à cause de graves difficultés respiratoires causées par l'asthme. En 1891, il est étudiant en droit. Très jeune, il fréquente des salons aristocratiques, ce qui lui vaut une réputation de dilettante mondain. En 1896, parait son premier livre "Les Plaisirs et les Jours" Il rencontre tour à tour, Oscar WildeAnatole FranceFrançois Mauriac et Maurice Martin du Gard. Il s'amourache de Robert de Flers, de Reynaldo Hahn, de Lucien Daudet, de son chauffeur Alfred Agostinelli... Profitant de sa fortune, il n'a pas d'emploi et entreprend en 1895 un roman qui restera à l'état de fragments jusqu'en 1952, année pendant laquelle il est publié à titre posthume sous le titre Jean SanteuilEn 1896, il se bat en duel avec Jean Lorrain dont les chroniques au vitriol sont goûtées autant que redoutées, alors qu'il l'avait insulté au sujet de son homosexualité. En 1900, il abandonne ses projets d'écriture et voyage à Venise et à Padoue pour découvrir les œuvres d'art, en suivant les pas de John Ruskin, sur qui il publie des articles et traduit ses impressions dans deux livres : La Bible d'Amiens et Sésame et les Lys.

En 1907, il commence l'écriture de son œuvre majeure À la recherche du temps perdu dont les sept tomes sont publiés entre 1913 et 1927.

En 1918, il est frappé d'aphasie partielle mais il publie son deuxième volume, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, dont il obtient le prix Goncourt mais qui fit scandale dès 1919

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En 1920, il est nommé chevalier de la Légion d'honneur.

En général, il dort le jour et écrit la nuit mais, sentant sa fin proche, il accélère sa production littéraire. Il se met à écrire sans arrêt jour et nuit en s'épuisant d'autant plus vite.

Ses parents, grand-mère, mère et tante ont été ses muses inspirantes et ses protections. 

Il meurt épuisé le 18 novembre 1922 suite à une bronchite mal soignée.

Il est inhumé à Paris au cimetière du Père-Lachaise, accompagné par une assistance nombreuse qui salue un écrivain d'importance. Les générations suivantes le placent au plus haut en faisant de lui un véritable mythe littéraire.

En 1927, après sa mort, "Du côté de chez Swann" est publié en partie.

Sa vie personnel a été très différente de ce qu'il a décrit dans ses romans avec le calme olympien de sa chambre d'hôtel ou de son bureau.

Cabourg, sa ville de villégiature où il résidait dans le Grand-Hôtel, il a laissé son empreinte indélébile dans le patrimoine de la ville.

Il est devenu un lieu de pèlerinage pour les amoureux avec sa fameuse Madeleine.

 

Réflexions du Miroir

L'œuvre romanesque de Marcel Proust, devenue légendaire suite à sa vie mouvementée, est une réflexion majeure sur le temps et sa mémoire affective comme sur les fonctions de l'art qui doit proposer ses propres mondes, mais c'est aussi une réflexion sur l'amour et la jalousie, avec un sentiment de l'échec et du vide de l'existence qui colore en gris sa vision où l'homosexualité tient une place importante. 

Qui sait, à notre époque, plus ouverte aux différences sexuelles, lui aurait plu. 

Il aurait pu écrire, aujourd'hui, un blog journal dont il grouperait ses articles pour construire ses idées dans un seul livre.

Une condition préliminaire serait que son blog journal ne permettrait aucun commentaire puisque, austère, susceptible et sensible, il n'aurait pas accepté la critique.

Ses descriptions photographiques avec peu d'actions ne plairaient peut-être plus autant aujourd'hui remplacées par l'image et le cinéma. 

Armelle Barguillet Hauteloire réserve, un dossier complet à Marcel Proust sur son blog. 

Il est dit dans cette vidéo, qu'il vaudrait peut-être mieux écouter lire ses textes à pour ses phrases musicales et imbriquées l'une dans l'autre, que de les lire soi-même dans un livre.

Ce serait alors se mettre dans l'ambiance de l'écrivain et avec la même Madeleine trempée dans le thé pour se mettre.

Le lecteur oral les livres de Proust devrait alors avoir du souffle.

Dans Sodome et Gomorrhe, Marcel Proust a écrit sa plus longue phrase de 823 mots :

Sans honneur que précaire, sans liberté que provisoire, jusqu’à la découverte du crime ; sans situation qu’instable, comme pour le poète la veille fêté dans tous les salons, applaudi dans tous les théâtres de Londres, chassé le lendemain de tous les garnis sans pouvoir trouver un oreiller où reposer sa tête, tournant la meule comme Samson et disant comme lui : “Les deux sexes mourront chacun de son côté” ; exclus même, hors les jours de grande infortune où le plus grand nombre se rallie autour de la victime, comme les juifs autour de Dreyfus, de la sympathie – parfois de la société – de leurs semblables, auxquels ils donnent le dégoût de voir ce qu’ils sont, dépeint dans un miroir, qui ne les flattant plus, accuse toutes les tares qu’ils n’avaient pas voulu remarquer chez eux-mêmes et qui leur fait comprendre que ce qu’ils appelaient leur amour (et à quoi, en jouant sur le mot, ils avaient, par sens social, annexé tout ce que la poésie, la peinture, la musique, la chevalerie, l’ascétisme, ont pu ajouter à l’amour) découle non d’un idéal de beauté qu’ils ont élu, mais d’une maladie inguérissable ; comme les juifs encore (sauf quelques-uns qui ne veulent fréquenter que ceux de leur race, ont toujours à la bouche les mots rituels et les plaisanteries consacrées) se fuyant les uns les autres, recherchant ceux qui leur sont le plus opposés, qui ne veulent pas d’eux, pardonnant leurs rebuffades, s’enivrant de leurs complaisances ; mais aussi rassemblés à leurs pareils par l’ostracisme qui les frappe, l’opprobre où ils sont tombés, ayant fini par prendre, par une persécution semblable à celle d’Israël, les caractères physiques et moraux d’une race, parfois beaux, souvent affreux, trouvant (malgré toutes les moqueries dont celui qui, plus mêlé, mieux assimilé à la race adverse, est relativement, en apparence, le moins inverti, accable celui qui l’est demeuré davantage), une détente dans la fréquentation de leurs semblables, et même un appui dans leur existence, si bien que, tout en niant qu’ils soient une race (dont le nom est la plus grande injure), ceux qui parviennent à cacher qu’ils en sont, ils les démasquent volontiers, moins pour leur nuire, ce qu’ils ne détestent pas, que pour s’excuser, et allant chercher comme un médecin l’appendicite l’inversion jusque dans l’histoire, ayant plaisir à rappeler que Socrate était l’un d’eux, comme les Israélites disent de Jésus, sans songer qu’il n’y avait pas d’anormaux quand l’homosexualité était la norme, pas d’anti-chrétiens avant le Christ, que l’opprobre seul fait le crime, parce qu’il n’a laissé subsister que ceux qui étaient réfractaires à toute prédication, à tout exemple, à tout châtiment, en vertu d’une disposition innée tellement spéciale qu’elle répugne plus aux autres hommes (encore qu’elle puisse s’accompagner de hautes qualités morales) que de certains vices qui y contredisent comme le vol, la cruauté, la mauvaise foi, mieux compris, donc plus excusés du commun des hommes ; formant une franc-maçonnerie bien plus étendue, plus efficace et moins soupçonnée que celle des loges, car elle repose sur une identité de goûts, de besoins, d’habitudes, de dangers, d’apprentissage, de savoir, de trafic, de glossaire, et dans laquelle les membres mêmes, qui souhaitent de ne pas se connaître, aussitôt se reconnaissent à des signes naturels ou de convention, involontaires ou voulus, qui signalent un de ses semblables au mendiant dans le grand seigneur à qui il ferme la portière de sa voiture, au père dans le fiancé de sa fille, à celui qui avait voulu se guérir, se confesser, qui avait à se défendre, dans le médecin, dans le prêtre, dans l’avocat qu’il est allé trouver ; tous obligés à protéger leur secret, mais ayant leur part d’un secret des autres que le reste de l’humanité ne soupçonne pas et qui fait qu’à eux les romans d’aventure les plus invraisemblables semblent vrais, car dans cette vie romanesque, anachronique, l’ambassadeur est ami du forçat : le prince, avec une certaine liberté d’allures que donne l’éducation aristocratique et qu’un petit bourgeois tremblant n’aurait pas en sortant de chez la duchesse, s’en va conférer avec l’apache ; partie réprouvée de la collectivité humaine, mais partie importante, soupçonnée là où elle n’est pas, étalée, insolente, impunie là où elle n’est pas devinée ; comptant des adhérents partout, dans le peuple, dans l’armée, dans le temple, au bagne, sur le trône ; vivant enfin, du moins un grand nombre, dans l’intimité caressante et dangereuse avec les hommes de l’autre race, les provoquant, jouant avec eux à parler de son vice comme s’il n’était pas sien, jeu qui est rendu facile par l’aveuglement ou la fausseté des autres, jeu qui peut se prolonger des années jusqu’au jour du scandale où ces dompteurs sont dévorés ; jusque-là obligés de cacher leur vie, de détourner leurs regards d’où ils voudraient se fixer, de les fixer sur ce dont ils voudraient se détourner, de changer le genre de bien des adjectifs dans leur vocabulaire, contrainte sociale, légère auprès de la contrainte intérieure que leur vice, ou ce qu’on nomme improprement ainsi, leur impose non plus à l’égard des autres mais d’eux-mêmes, et de façon qu’à eux-mêmes il ne leur paraisse pas un vice.

 

Dans les librairies actuelles, ses livres se sont pas en reste pour accompagner cet anniversaire.

 

Une romancière contemporaine de Proust 

Quatre ans avant la naissance de Marcel Proust était publié le livre "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Sa romancière Mary Shelleyalors âgée de 20 ansa créé pour son héros, un jeune docteur avide de sciences et de découvertes qui, pour son plus grand malheur, crée la vie. Lui, défiant Dieu, et elle défiant le monde littéraire de son époque, créa, Livre sur Frankenstein, publié pour la première fois en Angleterre le 1er janvier 1818, anonymement, parce consciente qu'elle est face à la difficulté de se faire publier pour une femme qui en plus est un roman d’épouvante.

A cette époque, Galvani avait démontré l’importance de l’électricité dans l’activation des muscles via le système nerveux à l’aide d’expériences sur des cuisses de grenouilles disséquées qu’il faisait se contracter grâce au courant électrique.

L’athéisme faisait partie de nombreuses théories à l’époque. Les intellectuels se tournaient de plus en plus vers les sciences pour expliquer la nature et, leur existence même.

Ce qui a sans doute motivé l’imagination de la jeune Mary Shelley pour écrire un roman, certes parfaitement ancré dans son époque, mais aussi un récit intemporel sur la nature profonde de l’homme. En découleront maintes représentations cinématographiques et théâtrales dont les images sont entrées dans l’imaginaire collectif.

C'est l'heure H, nous sommes le 3 juin 1816 à 23h30, dans la villa Diodati, sur les bords du Lac Léman en Suisse. La jeune Mary Godwin repose les feuillets noircis d’encre qu’elle tenait entre ses mains. Elle lève les yeux et contemple l’assemblée muette qui se tient devant elle et la fixe. Pendant quelques secondes, pas un murmure, pas une respiration ne vient troubler le point final de sa lecture. On n’entend plus que la tempête qui se déchaîne dehors : la pluie claque sur les feuilles des arbres qui entourent la villa et le vent émet un mugissement lugubre en venant s’engouffrer dans la cheminée du salon. Une ambiance toute propice à la lecture de ce récit macabre…

Autour d'elle, il y a le poète Percy Shelleyami de son père qui plus tard, deviendra son époux, Lord Byron, poète fantasque, figure de proue du romantisme britannique qui ne cache pas sa bisexualité, sa belle-sœur, Claire Clairmont, maîtresse de Lord Byron et John Polidori, écrivain et médecin du poète fantasque.

De cette joute littéraire, naît un roman sur Frankenstein, qualifié de précurseur à la science-fiction, grâce à l’insistance de son futur mari Percy et également la nouvelle "The Vampyre" de John Polidori, premier écrit sur le thème du vampirisme. Le mythe de Prométhée qui a défié Zeus, en le bernant au profit des hommes, questionne encore la condition humaine. 

Son histoire est racontée par Jean-Louis Lahay

 

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Les livres laissent des traces quand ils choquent

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Avant sa mort le 23 juin 1959, il fait la révélation suivante "Moi personnellement, j'étais arrivé à ma majorité sous la 3ème République. La 3ème était plus libérale que la 4ème qui était plus libérale que la 5ème. Il est hors de doute que maintenant, je n'aurais même pas eu l'idée de concevoir 'J'irai craché sur vos tombes'. Maintenant, il faut faire marcher le bénitier à tout va et respecter le sabre et 'J'irai cracher sur vos tombes' date d'une époque où on était encore libre".

Que dirait-il aujourd'hui ?  

Allusion,


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