Une presse sans Gutenberg, un monde sans Ford ?

par Francis Pisani
lundi 12 décembre 2005

J’ai appris dans la presse américaine qu’il était plus honnête de signaler les rapports qu’on entretient avec les sujets dont on parle. Alors, c’est tout simple : Jean-François Fogel est un ami de longue date, et Bruno Patino le serait sans doute si nous avions eu l’occasion de nous voir plus souvent. Patino est le patron du Monde Interactif, responsable de la publication du Monde.fr, espace sur lequel je publie ce blog. Fogel en est une des chevilles ouvrières.

Ceci étant dit - et il est essentiel de le dire - je n’y vois aucune raison pour ne pas dire qu’ils viennent d’écrire un livre passionnant et utile, sur un sujet que je suis régulièrement : le futur de la presse et des médias.

Tout chaud sorti des presses, La presse sans Gutenberg raconte comment « Internet n’est pas un support de plus ; c’est la fin du journalisme tel qu’il a été vécu jusqu’ici ».

Fogel et Patino ont accepté le défi des nouveaux médias, mais ils viennent du vieux monde. Ils appellent à leur rescousse Cervantes (père de tous les geeks incapables de s’arracher à leur univers virtuel), Borges (inventeur de la copie parfaite qui change de sens avec le contexte), Eco (théoricien de l’œuvre ouverte que nous réalisons tous les jours par notre navigation sur la toile), et Conan Doyle dont ils font l’inventeur des blogs. Un délice.

Basé sur une pratique intense, La presse sans Gutenberg est une explication concrète et détaillée de l’impact de l’internet sur le journalisme sous toutes ses formes car « les technologies qui permettent l’avancée du nouveau média vont intervenir dans le processus de travail des autres supports. »

C’est un plaidoyer pour les pionniers du journalisme en ligne qui, malgré son succès, demeure un art méconnu et méprisé par ceux qui ne le pratiquent pas. L’indifférence, voire l’hostilité, ne s’expliquent pas que par la jalousie. « C’est leur marche forcée vers l’innovation qui apparaît incompréhensible. »

Je reviendrai très bientôt sur ce qui me semble leur argumentation fondamentale, à savoir que la presse est sommée d’évoluer sous la double pression des algorithmes et de l’audience.

Mais avant, je voudrais souligner que la presse est sans doute un des domaines les plus importants à étudier pour qui veut comprendre l’impact de l’intérêt sur notre société.

La dernière révolution de cette importance est en effet celle de l’imprimerie. Son évolution a donné lieu à la première production à la chaîne, élevée au niveau de paradigme par Ford.

J’ai tendance à penser que c’est toute notre modernité d’hier qui est en question.

Et vous ?


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