Avale-Loire : étape 13

par C’est Nabum
mardi 23 juillet 2013

La Possonnière – Ingrandes

Un petit grain !

Je partis de très bonne heure de la Possonnière. La lumière était magnifique, l'eau un vrai miroir. Il régnait une atmosphère de totale sérénité. Je prenais le temps de jouir de ce spectacle à nul autre pareil. La rivière en majesté, douce et alanguie, illuminée de reflets dorés. La journée commençait le mieux du monde.

J'arrivai à Chalonnes avec un peu d'avance. J'en profitai pour envoyer mes modestes photographies prises avec un petit appareil étanche afin que chacun puisse profiter du bonheur et de l'émotion que je venais d'éprouver. C'est le but de ce voyage que d'offrir tout autant que recevoir ! C'est donc bien dans l'esprit que je rencontrai Pascal, un nouveau Chalandoux, satisfait d'avoir fait le choix de venir s'installer dans cette magnifique petite ville.

Il participe avec une réelle et légitime fierté à l'aventure de la construction du Chalandot. Il a trouvé dans cette belle entreprise collective de vraies raisons de s'intégrer dans une cité. J'ai rencontré un homme heureux, qui le fut plus encore quand le président de l'association des Cinq Vents vint à notre rencontre.

Grâce à Alain, je pus retourner sur ce vaste chantier qui s'inscrit dans un véritable projet pédagogique et associatif. En cela il est exemplaire et peut donner des idées à bien de nos confréries en mal d'identité réelle. En les écoutant tous deux, je compris l'importance de réaliser de ses propres mains le bateau sur lequel, un jour, chacun espère pouvoir naviguer. Voilà bien un plaisir dont ma maladresse congénitale me privera certainement.

Je dus les abandonner à regret, la chaleur ne cessait de croître et j'avais envie de terminer mon étape du jour avant la fournaise. Je suivis encore de longs kilomètres ce bras, autrefois secondaire auquel les épis de 1908 ont donné préférence. Depuis, les 17 kilomètres de l'Île de Chalonnes de ce côté ci, sont devenus un bel espace de navigation quand l'ancien bras principal n'est plus que bancs et grèves. L'homme est capable de telles fantaisies quand il s'agit de faire passer des pétroliers qui usèrent de ce privilège jusqu'en 1990 environ.

J'arrivai à Montjean sous un soleil de plomb. Je posai mes bidons dans la Billette, une toue dont on m'avait proposé généreusement l'usage. Elle se trouve en bout d'île. Il me fallait reprendre mon kayak pour me rendre en ville. Je pris un repas sympathique dans une autre fort belle guinguette, preuve que l'on peut faire autre chose que d'affreux conteneurs sur un quai ! Puis je fis visite à la maison Cap-Loire consacrée à notre rivière et en particulier au Cap-vert, ce vénérable Chaland-mayennais qui transporta des cacahouètes pour faire son beurre !

Je trouvai Fabien et Pauline, des guides attentifs et disponibles. La chaleur étouffante ne favorisait pas les visites extérieures. Je jetai mon dévolu sur l'exposition autour de l'histoire du chanvre dans la région. J'y appris beaucoup de choses, fus ému de retrouver la même cardeuse qui ornementait l'atelier paternel. Le chanvre avait connu ses heures de gloire et je ne désespère pas de le voir revenir en grâce, dans une autre conception de l'économie …

Puis Pauline nous proposa une visite guidée à l'espace intérieur dédié au Chaland Cap-Vert. Je complétai une ou deux fois ses informations en me rendant compte que je risquais d'être maladroit ou importun. Je préférai me taire par la suite. Sur le sujet de son transporteur d'arachides et de sables, elle était intarissable. Ce fut très agréable.

Je pris congé pour me rendre, comme on me l'avait suggéré, à l'embarcadère où un gros bateau à passagers propose une promenade commentée. Je croisai le capitaine de corvette, homme de belle mise et de grand importance et me présentai à lui tout en lui expliquant mon parcours récent. L'homme fit la grimace, usa d'une formule cinglante qui me fit comprendre que ma présence n'était pas souhaitable sur son rafiot. Il m'affirma sans la moindre trace d'ironie que « ses passagers » viennent en effet pour lui (et non pour la Loire). La formule tout comme la fatuité du bonhomme me mirent hors de moi. Je décidai sur le champ d'aller un peu plus loin pour calmer mon irritation et rien de mieux que le kayak pour cela ….

Je pris ainsi congé de mes hôtes potentiels. J'avais grande envie de prendre un douche et pousser un peu plus loin me permettrait sans doute de réaliser ce désir basique tout en vidant ma rage. Le ciel était bleu. Je n'eus pas aussitôt chargé et passé le pont que soudain le vent se leva. Je venais à l'instant de croiser le gros bateau sur lequel ma présente n'était pas souhaitée. Étrange coïncidence ... Des pêcheurs pourtant me rassurèrent en me disant que j'avais le temps d'aller au bout de mon projet.

Je filai bon train tandis que l'orage tournait au loin. Le spectacle était magnifique, un gros peu inquiétant quand même. Je me rappelai les mises en garde de mes chaperons de la toile. Mais, il était trop tard pour rebrousser chemin et impossible de trouver un refuge sur la berge. Il me fallait assumer mon courroux, aller jusqu'au bout ou toucher le fond …

Par deux fois, je mis pied à terre craignant l'orage. Par deux fois, les éclairs viraient leur chemin. Mais c'est le vent qui se leva et se mit en travers de mon chemin. La Loire faisait le gros dos, des vagues me secouaient dans tous les sens et mon frêle esquif était balloté. Je me remémorai le conseil de Bibi : « Ne laisse pas la Loire décider à ta place ! ». J'allai au bout de mon obstination, à la force des bras, devenus lourds et douloureux, je réussis à gagner Ingrandes. Je faisais vraiment connaissance avec la Loire nantaise.

Obstinément vôtre.

 

 


Lire l'article complet, et les commentaires