Art et littérature : doit-on abandonner la culture Low-tech Punk ŕ la gauche ?

par Florian Mazé
samedi 15 juin 2024

J’ignore pourquoi, ou plutôt je m’en doute, les partisans du low-tech et du paradigme artistique Low-tech Punk ont la fâcheuse manie de s’acoquiner avec la gauche, voire avec l’extrême gauche écolo. À mon avis, c’est qu’afficher des positions gauchistes les rend sympathiques – pour l’instant – et leur donne bien des entrées dans les médias – pour le moment.

 

Bref historique du Low-tech Punk

 

Je l’ai déjà écrit cent fois, le Low-tech Punk est un paradigme artistique et esthétique appelé à l’existence par le futurologue Arthur Keller lors d’une conférence restée assez célèbre, et que vous pouvez encore écouter si vous êtes abonnés à Facebook.

Solarpunk ? Non, Low-tech Punk ! Menons une politique artistique et culturelle « low-tech », l'appel d'Arthur Keller aux artistes/créateurs (dont les... | By Low-tech NationFacebook | Facebook

 

L’appel d’Arthur Keller mérite toutefois une clarification : à mon sens, il y a une double problématique ; il s’agit, pour les artistes de privilégier 1) une esthétique low-tech et 2) des moyens low-tech de créer, ce qui constitue deux questions différentes.

— Par exemple, le peintre à l’ancienne ou le musicien traditionnel est plus low-tech que celui qui crée des images, de la musique ou des vidéos grâce à une IA. Voilà pour les moyens de créer.

— Autre exemple, une science-fiction qui dévoile un futur où la plupart des high-techs actuelles ont disparu (et c’est ce que je fais) est de toute évidence très Low-tech Punk par rapport à une science-fiction obsédée par les IA et les voyages interstellaires. Voilà pour l’esthétique créée par un auteur.

 

Il me semble judicieux de se contenter du terme « low-tech » pour la question des moyens et réserver l’appellation « Low-tech Punk » à l’univers esthétique et fictionnel inventé par l’artiste.

Bien évidemment, on juge aussi de la sincérité d’un artiste au fait qu’il n’abuse pas du high-tech pour fonder son œuvre. C’est bien pour cela que j’écris mes bouquins avec mon petit cerveau naturel, et j’utilise l’IA uniquement pour fabriquer quelques images illustrations, surtout pour mon blog. Par ailleurs, j’utilise, comme tout le monde, un ordinateur (vieillissant) et une connexion internet pour créer et pour m’informer. Il y a donc du high-tech derrière mon Low-tech Punk. Mais nous en sommes tous là, depuis l’écolo qui prend sa voiture (ou l’avion) et qui fait cuire sa pitance au micro-ondes ou le collapsologue qui gère des blogs et une chaîne YouTube… anticipant la fin prochaine des blogs et des chaînes YouTube ! Nulle hypocrisie là-dedans. Après tout, à l’époque du phonographe, rien n’eût interdit de graver sur un 78 tours en bakélite une chanson comique anticipant la fin prochaine des 78 tours en bakélite !

 

L’hypocrisie gauchisante du low-tech

 

S’il y a de l’hypocrisie dans la culture low-tech, cette hypocrisie est plutôt d’ordre politique. On ne choisit pas l’état des technologies où nous sommes tous embarqués, mais on peut tout de même choisir ses fréquentations. On m’accusera d’avoir de mauvaises fréquentations, trop à droite… Mais je constate que la plupart des collapsologues – à qui je voue, pourtant, la plus grande admiration – ont de mauvaises fréquentations… trop à gauche ! Je me demande quel plaisir éprouvent les collapsologues à donner perpétuellement des gages de gauchisme aux médias et aux associations qui les reçoivent. Ou plutôt, la réponse est dans la question. Sans ces gages de gauchisme, ils ne seraient point reçus.

 

Le cas Jean-Marc Jancovici

 

Par exemple, j’ai la plus grande estime pour Jean-Marc Jancovici, pour l’ingénieur et le scientifique qu’il est, pour la clarté de ses conférences, pour son anticipation d’un monde futur qui correspond parfaitement à mes propres anticipations. Ne renversons pas les rôles : mes anticipations purement littéraires sont en réalité calquées sur les siennes, et non l’inverse, et je n’ai pas son bagage scientifique. Des gens comme Jean-Marc Jancovici, Arthur Keller, Pablo Servigne et même Yves Cochet, et tant d’autres, ont été mes maîtres à penser. Cet article, pour critique qu’il soit, est aussi un hommage et une reconnaissance de dette intellectuelle.

Mais franchement, quel besoin Jean-Marc Jancovici a-t-il eu d’écrire, en 2011, cet article pitoyable intitulé « Marine Le Pen, enfant du carbone » ?

Marine Le Pen, enfant du carbone | Les Echos

Marine Le Pen, enfant du carbone ? – Jean-Marc Jancovici

 

Je cite la conclusion : « Éviter l'extrémisme porte donc un nom : c'est la décarbonisation de l'économie. Que tous les adversaires politiques de Marine Le Pen y travaillent un peu plus sérieusement qu'aujourd'hui ! »

Je réponds à Jancovici : « Cher Maître-Philosophe, croyez-vous qu’avec une économie totalement décarbonée et low-tech, le peuple en sera plus heureux, dès lors, avec des magistrats qui protègent les voyous, des caciques d’extrême gauche (payés avec nos impôts) qui bordélisent l’Assemblée nationale, des psychopathes sous OQTF relâchés dans la nature, des victimes qui n’ont pas même le droit de se défendre en cas d’agression, des manifestations syndicales ou politiques qui finissent systématiquement en orgies de violences et de déprédations, des policiers qui n’ont plus d’armes, et, tiens, pourquoi pas, Mélenchon président de la République en 2027 ? Ah, elle va être belle la France anti-sécuritaire et ultra-progressiste, totalement low-tech et décarbonée, avec Mathilde Panot Premier ministre, Adrien Quatennens aux droits des femmes, Sandrine Rousseau aux droits de l’homme, Garrido à l’Intérieur, et Louis Boyard à la Justice ! »

Je vous signale, cher Maître Jancovici, que les meilleures dystopies ont été écrites à des époques où le high-tech n’existait pas encore, du moins pas au point d’aujourd’hui. Huxley, ce sont les années 30, pour Brave New World, et Orwell, la fin des années 40 pour 1984.

Staline et Mao (ou Hitler pour le Point Godwin) n’ont pas eu besoin d’intelligence artificielle pour faire des millions de morts et ils vivaient à des époques où l’économie n’avait pas encore, et de loin, épuisé les ressources planétaires. Prenez n’importe quel tyran, n’importe quel empereur, n’importe quel césar ou calife d’avant l’ère industrielle, avec son cortège de tortures, de conquêtes sanglantes et d’injustices, vous conviendrez qu’ils vivent dans une économie zéro carbone ou presque et qu’il y a pourtant beaucoup d’extrémisme dans leurs méthodes.

Autrement dit :

1) Soit vous considérez Marine Le Pen comme une dangereuse extrémiste dictatoriale, mais, comme nous venons de le voir, l’extrémisme est tout à fait compatible avec le low-tech et le zéro carbone, donc votre article n’a pas de sens.

2) Soit vous considérez Marine Le Pen comme une femme politique ordinaire, une modérée, et dans ce cas là votre article se réduit à des insultes gratuites contre le camp national, simplement destinées à vous faire valoir auprès des milieux bien-pensants.

Le problème reste que beaucoup de bobos bien-pensants high-tech actuels ne partagent aucunement votre cause, et dans ce cas-là, votre stratégie est totalement loupée.

 

Ainsi, cher Jean-Marc Jancovici, restez le bon maître à penser que vous avez été, avec votre sagesse et votre science, nous vous aimons bien comme cela ! La bien-pensance ne vous honore point, elle vous gâche ; elle donne un côté très cliché à vos textes, elle affadit et dévalorise vos positions, elle émousse vos interviews, et pour ceux qui vous admirent, c’est bien dommage !

En ce qui me concerne, à un niveau très inférieur au vôtre, je continuerai à développer un Low-tech Punk littéraire pas très apprécié du gros public, mais à tout le moins très éloigné des clichés à bobos de type « Front Populaire 2024 ». Dixi et salvavi animam meam.

 

Signé Mazé, marxiste de droite

 

Illustration de l’article :

blague écolo-bobos – Blagues et Dessins (blagues-et-dessins.com)

24 décembre 2020 / L'actu de Sanaga /


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