Europe : la droite en quête de cohérence

par Patrick LOUIS
jeudi 14 mai 2009

Quel parti politique oserait aujourd’hui aborder le débat européen autrement qu’en faisant la promotion d’une autre Europe ? L’effet de mode, aujourd’hui généralisé, correspond en réalité à un courant historique de la construction européenne, celui de l’Europe confédérale, proposée par le Général de Gaulle. 

Ce courant historique du confédéralisme est méconnu aujourd’hui car passé sous silence, quand il n’est pas brocardé.

 Subitement pourtant, maintenant que l’Europe de la zone euro n’est plus mollement en forme, mais franchement en crise, et que les esprits ne se contentent plus de grogner, l’unanimité politique veut faire de l’Europe qui protège une exigence.

Même Michel Barnier, ancien commissaire européen et directeur de campagne de l’UMP aux élections européennes, confesse son erreur dans Valeurs Actuelles du 7 mai 2009 : « Pendant quinze ans, nous, les promoteurs de l’Europe, nous sommes trompés. »

Est-ce un chant du coq ou un chant des sirènes ? Si les intentions de discours de la droite sont louables, et témoignent d’une adhésion à la vision de l’Europe défendue depuis toujours par Philippe de Villiers, les actes jouent la contradiction.

Aussi, pendant cette campagne, entendrez-vous chez tous les candidats quatre arguments majeurs, qui sont historiquement les nôtres : une Europe qui protège, une Europe qui moralise le capitalisme, une Europe qui a un périmètre, et une Europe politique.

Oui, mais….

1. Une Europe qui protège, oui mais…

L’UMP et le PS se sont entendus pour reconduire José Manuel Barroso, ultralibéral, à la tête de la Commission. Soutenu à l’unanimité des premiers ministres européens -Fillon compris- le 30 avril 2009, Barroso a pourtant passé 5 ans à interdire toute mesure douanière aux frontières, et sommé aux Etats de ne pas aider leurs entreprises en difficulté, au titre de la libre concurrence. Rappelons-nous que la Commission européenne a fait supprimer à Nicolas Sarkozy la clause de non délocalisation qu’il avait fait signer à l’industrie automobile française.

Le Financial Times a même accusé le président de la Commission Barroso, d’avoir « atrocement failli » dans la gestion de la crise bancaire et économique. Pour le FT : « Rien ne sent plus mauvais dans la politique européenne que l’apparente inéluctabilité de la reconduction de Barroso pour un nouveau mandat de cinq ans (…). Il a passé plus de temps ces cinq dernières années à se préoccuper de sa réélection que de son travail ».

Le Traité de Lisbonne, dont l’UMP veut l’entrée en vigueur fin 2009, l’interdit !

o L’article 107 juge « incompatibles avec le marché intérieur (…) les aides accordées par les États (…) qui menacent de fausser la concurrence ».

o L’article 119 (ex-article 4 TCE) indique que « l’action des États membres et de l’Union comporte (…) l’instauration d’une politique économique (…) conduite conformément au respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre  ».

o L’article 130 (ex-article 108 TCE) cimente l’indépendance de la BCE « Les institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale européenne. ».

Où est la fin de l’indépendance de la BCE exigée par le Président Sarkozy ?

Les OGM sont déjà dans nos assiettes ! La réalité du moratoire sur les OGM est truquée : les textes européens favorables aux OGM se multiplient discrètement depuis 10 ans, depuis l’homologation de la culture du maïs MON 810 de Monsanto jusqu’à l’autorisation le 1er janvier dernier des OGM dans les produits « BIO », sans mention sur l’étiquetage jusqu’à 0.9%. Ce règlement européen a été adopté par les ministres de l’Agriculture européens en juin 2007. L’application de la clause de sauvegarde reste à ce jour refusée à la France par la Commission européenne.

La Cour de justice des communautés européennes a rendu un arrêt contre la préférence communautaire, le 10 mars 2005, dans lequel elle affirme que celle-ci n’est pas un principe fondateur de l’Union européenne. En réponse, 40% de l’industrie automobile européenne a été délocalisée en 4 ans.

Le sommet de Barcelone de 2002 a entériné le démantèlement progressif des services publics, qui touchera bientôt la poste, les hôpitaux, les maternités et les lignes ferroviaires.

2. Moraliser le capitalisme financier, oui mais…

Le processus libre-échangiste sauvage continue en 2009. Le G20 a décidé de faire la chasse au protectionnisme, avec la poursuite du cycle de Doha, un processus initié par l’OMC pour « libéraliser le commerce international ». De même, le sommet UE-USA de juin 2008, pourtant en pleine crise économique, a notamment conclu : « Nous résisterons au sentiment protectionniste à l’intérieur et nous nous opposerons au protectionnisme à l’étranger. Les modèles du libre et juste échange et de l’investissement ouvert sont les piliers de la croissance économique mondiale »."

La Commission européenne refuse de contrôler les hedges funds. La Commission européenne a prévu une régulation tellement a minima des fameux hedges funds, qu’elle aura pour conséquence d’en faire rentrer de nouveaux en Europe. Elle ne propose la création d’un passeport de transparence seulement pour les fonds gérés à partir de l’Europe, et non ceux gérés en Europe.

On retrouve cette logique classique qui ne contraint que les européens, et favorise de facto l’économie extra-européenne. Selon Christophe Chouard, directeur général de HDF Finance, "Des fonds ayant moins de contraintes que les fonds de droit français et qui ne sont actuellement pas distribuables en France le deviendraient. Ce serait un nivellement par le bas".

Un projet de marché transatlantique unique de 800 millions de consommateurs est dans les tubes. A la suite du sommet UE-USA, le 26 mars 2009, le Parlement européen a voté -à une majorité de 503 voix, PS et UMP compris- une résolution en faveur de la création d’un marché transatlantique pour l’horizon 2015. Cette résolution vise à une harmonisation des législations, pour créer un marché unique de 800 millions de consommateurs, qui contrebalancerait l’économie chinoise. Nous retrouvons l’obsession classique de la quantité. La création d’une Assemblée transatlantique est même prévue, comme l’indique la résolution du Parlement européen en date du 5 juin 2008 : « les échanges interparlementaires existants devraient être progressivement transformés en une Assemblée transatlantique de fait »

3. Une Europe qui ait un périmètre, oui mais…

Les négociations avec la Turquie progressent grâce à l’UMP. Candidate officielle depuis 2006, la Turquie touche à ce titre 564 millions d’euros d’aide européenne par an. Elle siège en tant que membre invité aux réunions de groupe de la droite PPE du Parlement européen. Le Président Sarkozy, officiellement opposé à l’entrée de la Turquie, a personnellement ouvert 2 chapitres supplémentaires dans le processus d’adhésion de la Turquie, dont celui de la libre circulation des capitaux. Il a en outre supprimé la consultation obligatoire des français pour l’adhésion de la Turquie, qui était dans notre Constitution jusqu’en juillet 2008.

Comme si l’Europe ne pouvait se contenter de ses réalités géographiques, mais devait tendre vers une Europe soit américaine, soit turque… et même plutôt les deux, dans la mesure où le Président Obama souhaite ardemment l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, et n’a pas manqué de le rappeler à la France lors de sa visite sur notre territoire en avril dernier.

L’axe euro-atlantique ne se limite par à l’Europe actuelle, l’objectif est de lui rattacher tous les pays du sud de la Méditerranée et du Proche-Orient. Cette intégration politique et économique s’effectue, dans le cadre de l’UE, grâce à un programme qui s’appelle la PEV (Politique européenne de voisinage), et qui concerne aujourd’hui neuf pays du Sud : Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Territoires palestiniens, Tunisie, et cinq pays de l’Est : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie et Ukraine.

Le 21 février 2008, le Parlement européen a voté une résolution sur la démographie européenne, estimant que l’immigration extra-européenne était l’avenir de l’Europe, en raison de son vieillissement démographique.

4. Une Europe politique, oui mais…

Les instances décideurs de l’Union européenne ne sont pas élues ! La Commission européenne, la Banque centrale européenne et la Cour européenne de justice sont toutes trois des institutions technocratiques. Le monopole d’initiative législative appartient même à la Commission européenne.

Dans le Traité de Lisbonne, l’unanimité n’est plus la règle, au profit de la majorité. Ce qui veut dire que des décisions peuvent s’imposer aux Etats, contre leur avis et contre nos intérêts. De plus, 3000 lobbies agréés et rémunérés perturbent quotidiennement le travail législatif européen. Pour le compte de grandes multinationales, ils distillent des normes qui leur sont favorables, au détriment de la concurrence qui doit sans cesse s’adapter

UMP et PS ont voté ensemble sur 97% des scrutins du Parlement européen sur l’année 2008, selon une étude de l’Observatoire de l’Europe. Droite et gauche au Parlement européen ne se sont opposées que dans 10 cas sur 535 votes ! Ce qui veut dire que dans sa configuration actuelle, le Parlement européen n’est pas un lieu de débat ni de contradiction, mais une simple caution démocratique.

L’entrée de la France dans l’OTAN tue toute possibilité d’Europe de la défense, puisqu’elle nous place sous tutelle américaine. Nous ne sommes plus une force d’équilibre.

Qu’en conclure ? Les intentions sont peut-être bonnes, car les problèmes de l’Europe sont enfin unanimement posés. Néanmoins ces réponses sont insuffisantes et même contradictoires. Nous ne voulons pas d’une droite qui se contente de poser les bonnes questions, nous attendons d’elle qu’elle apporte les meilleures solutions.

On ne peut avoir une Europe qui protège, une Europe forte, une Europe cohérente, avec des institutions qui ne sont ni démocratiques ni adaptées. 

Il est urgent de s’orienter vers un projet politique plus modeste dans la forme, mais plus efficace dans le fond.

Il est urgent de protéger l’économie de l’Europe grâce à des droits compensateurs aux frontières, qui rétabliront l’équilibre en faveur de nos économies qui s’effondrent. De même, nous devons redonner de la liberté aux Etats, qui ont seuls la responsabilité de défendre leurs peuples, au lieu de se réfugier dans un magma européen immobile. Pour cela, il est nécessaire de supprimer la Commission de Bruxelles, qui est le cœur de cette Europe qui uniformise, contraint et mondialise notre économie, ce dont nous ne voulons pas, et de se focaliser sur le pouvoir du Conseil européen, réunion légitime des chefs d’Etats.

Dès le 7 juin 2009, nous changerons d’Europe avec ceux -Philippe de Villiers en tête- qui ont vu et prévu ces phénomènes depuis longtemps, et qui ont pensé aux solutions en avance.

Patrick LOUIS

Député européen

Candidat Libertas Sud-est

 


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