Bernard Madoff, l’escroc qui valait 65 milliards

par Sylvain Rakotoarison
lundi 11 décembre 2023

« C'est une véritable star. Il a volé plus d'argent que quiconque dans l'histoire, ce qui en fait un héros au sein de la prison. Beaucoup le sollicitent pour des conseils financiers, à l'image d'un détenu qui discutait d'un achat d'actions avec son courtier. Un peu plus tard, ce même détenu a reconnu qu'il aurait dû suivre d'un peu plus près les conseils de Bernie ! » (Steve Fishman, le 17 janvier 2017 pour MarketWatch).

Il y a quinze ans, le 11 décembre 2008, a commencé l'affaire Madoff, celle d'un investisseur véreux qui a sans doute dépassé tous les records d'escroquerie de toute l'histoire du monde. Rappelons d'abord qui était Bernard Madoff.

Issue d'une famille juive originaire de Pologne, d'Autriche et de Roumanie, Bernard Madoff est né le 29 avril 1938 à New York. Après quelques études sans grand succès, il a créé en 1960 (il avait alors 22 ans) son propre fonds d'investissement avec 5 000 dollars. Il a par la suite créé plusieurs fonds plus ou moins spécialisés et était également courtier pour des entreprises non cotées sur le marché de Wall Street. Cette dernière activité était légale, tandis que tous ses fonds étaient de l'escroquerie pure.

Pourtant, le Bernard L. Madoff Investment Securities LLC est devenu, au fil des années, l'une des principales sociétés d'investissement de Wall Street. Bernard Madoff s'assurait surtout de la forme, envoyant à ses clients pigeons toute sorte de rapports, de ventes et d'achats d'actions, etc. qui était en fait réalisés par un secrétariat spécifique qui n'avait aucune connaissance financière. Bernard Madoff était également très présent dans la vie économique et financière, il a contribué à l'automatisation des transactions avec le Nasdaq (National Association of Securities Dealers Automated Quotations), dont il fut le président pendant plusieurs années.

Le principe de l'escroquerie est assez banal, appelé la pyramide de Ponzi : l'escroc rémunère ses premiers clients investisseurs avec les dépôts des clients suivants, et ainsi de suite (qu'on appelle aussi système de cavalerie). Ainsi, il n'y a jamais eu de plus-value, seulement des transactions financières, et ce système, bien sûr, ne tient que par un effet dynamique : les nouveaux rémunèrent les anciens. Dans ce système, qui ne fait vivre que l'escroc, il n'y a pas d'investissement économique, juste une communication auprès des clients particulièrement performante. Quand tout l'édifice s'écroule, l'escroc doit fuir à temps et se faire discret (en profitant des millions escroqués).

Bernard Madoff avait ainsi bâti un véritable empire de Ponzi, proposant à ses clients jusqu'à 17% d'intérêts par an, ce qui lui a permis de collecter des fonds jusqu'à 17 milliards de dollars pour un fonds réservé à une vingtaine de clients triés sur le volet. Parmi ses clients, des banques, des grands comptes, des détenteurs de fortune, etc. En une cinquantaine d'années, il aurait ainsi spolié ses clients jusqu'à une hauteur de 65 milliards de dollars, un niveau encore incertain car certains clients n'ont certainement pas voulu avouer avoir fait appel aux services de Madoff.

Au fil du temps, Bernard Madoff a acquis des dizaines de biens immobiliers, des yachts, etc. Un analyste financier a subodoré une fraude massive dès 1999 mais une enquête de la SEC (Securities and Exchange Commission), qui réglemente et contrôle les marchés financiers aux États-Unis, n'a rien trouvé à redire en 2006 (à la grande surprise de Madoff qui s'attendait à être arrêté !). Il continua ainsi encore deux ans.

Le problème s'est évidemment posé avec la crise financière majeure du 15 septembre 2008. Bernard Madoff a accumulé de très nombreuses pertes, et en début décembre 2008, de nombreux clients ont voulu retirer leurs capitaux, jusqu'à hauteur de 7 milliards de dollars alors que Madoff ne disposait que de 1 milliard de dollars de liquidités.

Le 11 décembre 2008, Bernard Madoff a avoué à ses deux fils Mark et Andrew qu'il n'avait jamais investi un seul cent des capitaux de ses clients et que tout était une escroquerie monstre. Dénoncé par ses fils, l'investisseur escroc a donc été arrêté par le FBI le 12 décembre 2008, puis remis en liberté après le paiement d'une caution de 10 millions de dollars et son inculpation pour escroquerie. Madoff a avoué très vite ses malversations. Ses biens furent saisis pour tenter de rembourser les victimes. Avant la fin du procès, il y a eu 8 848 plaintes associées à 3 565 comptes gérés par Madoff.



65 milliards de dollars auraient manqué dans les comptes du système Madoff mais les pertes réels pour ses clients auraient été de 18 milliards de dollars de capitaux, dont seulement une dizaine de milliards auraient été retrouvés et remboursés.

Le 29 juin 2009, Bernard Madoff a été condamné à 150 ans de prison ferme et il n'a pas fait appel. Il a été transféré à la prison fédéral de Butner en Caroline du Nord. Il était très populaire parmi ses codétenus et les gens ont toujours du mal à comprendre comment il a pu autant frauder alors que le système l'aidait (et réciproquement). Dernier soubresaut du financier filou, Madoff est parvenu en 2017 à racheter l'ensemble du chocolat chaud suisse Swiss Miss à la prison pour en avoir le monopole et le revendre plus cher à ses codétenus.

La première victime corporelle de Madoff a été le financier français Thierry Magon de La Villehuchet qui s'est suicidé dans son bureau de New York le 22 décembre 2008 après avoir compris qu'il venait de perdre 1,4 milliard de dollars avec le fonds Madoff. Le fils même de l'escroc, Mark Madoff, qui aurait profité des largesses de son père, a été retrouvé pendu dans son appartement de New York le 11 décembre 2010 et l'enquête a conclu à un suicide probable. L'autre fils Andrew Madoff est mort d'un cancer le 3 septembre 2014.

Atteint d'une maladie rénale avant son arrestation, Bernard Madoff est mort le 14 avril 2021 quelques jours avant ses 83 ans, dans sa prison de Butner. Il a laissé une famille ruinée et surendettée, et une question en suspens : comment l'escroquerie a-t-elle pu durer si longtemps ? L'administrateur judiciaire chargé de liquider les avoirs Madoff a estimé qu'environ 2 000 personnes physiques ou morales auraient bénéficié du système Madoff, dont 1 000 qui en aurait bénéficié de manière illégale et ont été l'objet d'une instruction judiciaire.

Mais il y a une autre raison plus générale : la cupidité de certains humains.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 décembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bernard Madoff.
La crise financière mondiale de 2008.
La boîte quantique.
Maria Callas.
Henry Kissinger.
Alexander Haig.
Katalin Kariko et Drew Weissman.
Rosalynn Carter.
Walter Mondale.
Marathonman.
Bob Kennedy.



 


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