Vers un salaire maximum ?

par olivier cabanel
vendredi 17 novembre 2023

Tout le monde connaît le Smic, anciennement Smig, mais n’est-ce pas étonnant qu’il n’y ait pas grand monde pour s’interroger sur la possibilité d’un salaire maximum ?

Rappelons la signification du sigle SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance, et celle de l’ancien SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti... ces sigles faisant régulièrement l’objet de critiques, nombreux étant ceux qui voudraient le voir augmenter, le trouvant bien trop bas, se plaignant qu’il ne suive même pas l’influence de l’inflation.

On peut aussi s’interroger sur le fait que le mot « Garanti » ait été remplacé par celui de « Croissance  »...signifiant donc que la croissance serait plus importante que la garanti du niveau d’un salaire, quid de sa revalorisation à 1,81 % au 1er janvier 2023, alors que l’inflation est officiellement de 5,22 % selon l’Insee en 2022. lien

passons…

Partager plus équitablement le gâteau de la richesse n’est-il pas la meilleure solution ?

C’est la question que se pose, entre autres, Myriam Jézéquel, dans le site quebecquois « Gestion »...s’inspirant d’un récent ouvrage « Split the Pie », signé Barry Nalebuff, professeur à la Yale School of Management. lien

Décrivant les erreurs possibles dans les négociation, l’auteur affirme « la partie la plus difficile de la négociation est de mesurer correctement le gâteau » ajoutant : « la meilleure négociation est celle qui débouche sur une association donnant accès à un plus gros gâteau, de façon à tirer le meilleur profit de cette alliance ». lien

Sauf que le livre de Nalebuff ne s’en tient qu’à des conseils pour améliorer la négociation...et non au partage équitable du gâteau...

Car, tout comme la planète, le gâteau de la richesse n’est pas extensible ?

En 2021, la masse salariale en France était de 612 milliards d’euros pour 18,6 millions de salariés (lien), et d’après les services administratifs, le salaire brut moyen des français était cette année là de 3321 € par mois, soit 2 524 € net, et on comprend bien que si un salaire maximum était fixé, cela ferait évoluer à la hausse le salaire moyen des plus pauvres...lien

Si certains sont convaincus que « plus on partage les parts de gâteau, plus il y en a » (lien), la réalité est probablement différente, et il faudra bien un jour ou l’autre sortir de cette théorie libérale, qui finalement tout en favorisant les inégalités, plombe la croissance.

Et ne parlons pas des inégalités dans le domaine des impôts…

Car finalement, pour en finir avec la pauvreté, il faudrait probablement repenser le partage des richesses, et l’ensemble des politiques sociales afin de concilier efficacité et solidarité.

C’est le sujet abordé par le site « regards croisés sur l’économie », dans un ouvrage intitulé « pour en finir avec la pauvreté ». lien

Comme l’écrit l’hebdo « syndicalisme hebdo » au sujet de ce livre, depuis les années 70 les inégalités ne cessent d’augmenter (…) cette précarité s’accentue à mesure que les voyants économiques s’affolent : persistance du chômage de masse, fragilisation des parcours professionnels. Elle favorise le développement du temps partiel et des emplois peu qualifiés… »

La question fait débat, comme on a pu le constater dans différents médias, comme par exemple chez « France Culture » qui en a fait l’objet de sa chronique « le pourquoi du comment » en janvier 2022. lien

En effet, le cabinet Proxinvest révélait fin 2019 que la rémunération des patrons du CAC 40 avaient atteint en moyenne 5,77 millions d’euros en 2018, soit 277 fois le Smic…

La situation a empiré en 2021, puisqu’il a augmenté de 52 % car les patrons du CAC 40 gagnent donc 369 fois le Smic.

Précisons que cette hausse vient surtout de la hausse des bonus annuels (33,6 % dans le CAC 40).

Ainsi un patron du CAC 40 a touché un bonus annuel de 1,864 million...lien

Ainsi Carlos Tavares, DG de Stellantis a atteint le record absolu de 66,7 millions d’euros sur l’année, plus les 32,1 millions d’euros en action, et le bonus de 7,4 millions d’euros.

Alors pourquoi ne pas envisager la création d’un salaire maximum ?

Hervé Kempf a son idée sur la question, et il est l’un de ceux qui défendent le concept du RMA (Revenu Maximal Admissible), et sur le thème de « consommer moins pour répartir mieux », et, se basant sur la théorie de l’économiste Thorstein Veblen, il explique que : «  une société très inégalitaire génère un gaspillage énorme, parce que la dilapidation matérielle de l’oligarchie (…) sert d’exemple à toute la société ». continuant « qui va réduire sa consommation matérielle ? Les 20 à 30 % de la population mondiale qui consomme près de 70 % des ressources tirées chaque année de la biosphère. C’est donc de ces 20 à 30 % que le changement doit venir …

et Kempf voit comme solution le RMA : « pour transformer le modèle culturel dominant nos société ; pour que les classes moyennes puissent accepter une réduction de la consommation matérielle et énergétique ; pour récupérer la part de la richesse collective pillée par l’oligarchie afin d’une part améliorer le sort des plus pauvres, et d’autre partde financer la reconversion d’une part de l’économie vers des activités créatrices d’emplois et fournissant des biens sociaux utiles et à faible impact écologique  ». lien

ce concept du RMA est porté par les écologistes depuis 2009, et il est aussi soutenu par le parti de gauche, lequel à déposé une proposition de loi, le 16 octobre 2009, défendue aussi par le pôle écologique du PS, mais sans avoir convaincu son parti.

Le mouvement Utopia propose une fourchette de 1 à 10 entre le Smic et le RMA ; le parti de gauche évoque un écart de 1 à 20, et le collectif « sauvons les riches » préconise de 1 à 30…et l’écologiste européenne Karima Delli va jusqu’à un écart de 1 à 40

Or un écart de 1 à 10 limiterait à 15 000 € un salaire mensuel, alors que celui de Delli permettrait celui de 60 000 € mensuels...chiffre très proche du seuil de revenu (57 000 €) à partir duquel fait partie les 0,1 % des personnes les plus riches en France d’après l’Insee. Lien

Ce qui reste bien loin de près 5,6 millions mensuels du grand patron de Stellantis…

Ce RMA qui limiterait le salaire mensuel des plus riches auraient probablement un effet propice à la consommation, relançant ainsi la croissance, et la productivité...ce qui, comme on l’a vu, n’est pas la priorité d’Hervé Kempf...lequel conclut tout de même que cette mesure, d’une évidente justice, pourrait être l’étendard le plus visible de cette indispensable réforme fiscale...ce que décrit très bien le média « Reporterre » dans un dossier publié le 22 octobre 2014. lien

Mettre en place un RMA ambitieux permettrait de réduire donc les inégalités, tout en augmentant le pouvoir d’achat des français...mais la droite...et bien sur l’extrême droite, n’en veulent pas, cette extrême droite qui s’oppose d’ailleurs régulièrement à la simple augmentation du SMIC... tout en se prétendant du côté des travailleurs, avec des arguments plus que discutables. lien

comme dit mon vieil ami africain : « quand la franchise sert de tremplin à la bêtise, on se surprend à regretter l’hypocrisie ».

Le dessin illustrant l’article est de Mike Luckovich

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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