Jusqu’où ira Valérie Hayer ?

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 29 février 2024

« Notre priorité est de donner à l'Europe les moyens de conquérir sa souveraineté géopolitique, industrielle et climatique. À cet égard, le Pacte vert a été une étape cruciale pour placer l'Europe à l'avant-garde environnementale. Soyons-en fiers ! Cette fierté européenne, il nous incombe de la valoriser et de la nourrir d'une exemplarité que chacun attend de ses élus. » (Valérie Hayer, bilan de mandat).
 

Selon une information publiée par "La Tribune Dimanche" le dimanche 25 février 2024 et confirmée par certaines sources du journal "Le Monde", la députée européenne Valérie Hayer sera la tête de la liste de la majorité présidentielle (Renaissance) aux élections européennes du 9 juin 2024. Il serait en effet temps que la liste soit constituée, il ne reste plus que trois mois avant le scrutin. En principe, c'est ce jeudi 29 février 2024 que le bureau exécutif de Renaissance devrait prendre officiellement la décision et un grand meeting d'investiture est organisé le samedi 9 mars 2024 à Lille pour lancer la campagne européenne.

En visite au Salon de l'Agriculture le 24 février 2024, le Président de la République Emmanuel Macron avait laissé entendre que la désignation officielle se ferait très prochainement : « Il y aura une tête de liste à désigner pour le bloc central et qui sera officialisée dans les prochains jours. ». Peu de suspens depuis la révélation de "La Tribune Dimanche" dans la mesure où Valérie Hayer accompagnait justement le chef de l'État à l'ouverture du Salon de l'Agriculture samedi.

Si elle est très peu connue du grand public, elle a la légitimité pour elle, son cursus présenté plus loin le prouve. Caractéristique amusante, les médias la présentent généralement d'abord comme une « fille d'agriculteurs », et même fille et petite-fille d'agriculteurs, ce qui permet de la placer dans l'actualité de la grande crise agricole en France et en Europe. Elle aura donc beaucoup à dire sur le sujet, sur la politique agricole commune (PAC). Cela fait d'ailleurs penser à la concurrence puisque la candidate numéro deux de la liste LR menée par François-Xavier Bellamy, n'est autre qu'une exploitante agricole du Tarn, syndicaliste, Céline Imart, passée quand même par l'IEP Paris et l'ESSEC (elle est passée de directrice financière à agricultrice en 2010 et vice-présidente des Jeunes agriculteurs, elle a été désignée membre du Conseil Économique, Social et Environnemental de 2010 à 2015).

Mais revenons à Valérie Hayer. Elle fait partie des "marcheurs" de la première heure. À bientôt 38 ans (elle est née le 6 avril 1986 à Château-Gontier, dans la Mayenne, département très rural), elle a déjà une bonne expérience politique et s'est révélée efficace et technicienne au Parlement Européen. Centriste de l'UDI, plus exactement du petit parti de son mentor, Jean Arthuis (ancien Ministre de l'Économie et des Finances, ancien sénateur de 1983 à 2014, ancien maire de Château-Gontier de 1971 à 2001, ancien président du conseil général de la Mayenne 1992 à 2014, et ancien député européen de 2014 à 2019), appelé Alliance centriste, elle a été élue conseillère municipale de Saint-Denis-d'Anjou (où se trouve l'exploitation de ses parents) de 2008 à 2019, conseillère départementale de la Mayenne de 2015 à 2020 et élue députée européenne sur la liste LREM en 2019.

Spécialiste des finances des collectivités territoriales, Valérie Hayer a été la collaboratrice parlementaire du sénateur Pierre Jarlier puis du député européen Jean Arthuis avant de se lancer elle-même dans l'engagement politique à l'occasion des élections européennes de 2014 (elle a soutenu la liste centriste UDI-MoDem d'où a été élu Jean Arthuis). Elle était vice-présidente du conseil départemental et a formé en 2018 un groupe LREM de sept membres au sein des élus départementaux.

Car elle a été séduite par la démarche résolument anti-clivage gauche/droite d'Emmanuel Macron. En juin 2017, initialement investie par LREM pour être candidate aux élections législatives, elle y a finalement renoncé en laissant la circonscription à une candidate du MoDem, Géraldine Bannier, qui fut élue. Valérie Hayer s'est présentée alors aux élections sénatoriales de septembre 2017, avec l'étiquette LREM, elle a obtenu 22% des voix, mais n'est pas parvenue à se faire élire au second tour.

La troisième tentative pour être parlementaire fut la bonne : candidate à la dix-neuvième place sur la liste LREM menée par Nathalie Loiseau aux élections européennes du 26 mai 2019, elle fut élue députée européenne avec vingt-deux autres colistiers. Alors que son colistier (et proche du Président) Stéphane Séjourné a été élu le 19 octobre 2021 président du groupe Renew Europe au Parlement Européen (ancien groupe des démocrates libéraux ADLE, groupe centriste), Valérie Hayer est devenue la coprésidante de la délégation française (Renaissance) en novembre 2021 avec la députée européenne MoDem Marie-Pierre Védrenne.
 

Après la démission de Stéphane Séjourné le 11 janvier 2024 car nommé Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères du gouvernement de Gabriel Attal, Valérie Hayer lui a succédé, élue le 25 janvier 2024 présidente du groupe Renew Europe représentant 101 sièges sur 705 au Parlement Européen (le troisième groupe le plus important). Cette présidence est une fonction très politique qui a été assumée souvent par des hautes personnalités, notamment des anciens Premiers Ministres comme Dacian Ciolos (2019-2021), le prédécesseur de Stéphane Séjourné, ancien Premier Ministre de Roumanie, Guy Verhofstadt (2009-2019), lorsque le groupe s'appelait ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe), ancien Premier Ministre de Belgique, et même René Pleven (1957-1968), ancien Président du Conseil français, sans oublier (mais ils n'ont pas été chefs de gouvernement) Simone Veil (1984-1989) et Valéry Giscard d'Estaing (1989-1991).

Pendant ces cinq années au Parlement Européen, Valérie Hayer a surtout travaillé des sujets financiers très ardus, siégeant à la commission des budgets comme coordinatrice de son groupe, négociant le cadre financier pluriannuel pour la période entre 2021 et 2027, et aussi le plan de relance européen de 750 milliards d'euros en juillet 2020. Elle a par ailleurs régulièrement fait la promotion de doter l'Union Européenne de ressources propres, ce qui serait le passage à une étape supplémentaire dans l'intégration (en d'autres termes, avoir une taxe ou un impôt purement européens pour financer l'Europe sans passer par les États).

À l'origine, Stéphane Séjourné aurait dû prendre la tête de liste de la majorité présidentielle, mais nommé au gouvernement, il a dû y renoncer. D'autres personnalités très connues avaient été envisagées pour conduire la majorité aux européennes, en particulier Bruno Le Maire, Julien Denormandie, Richard Ferrand et même Jean-Yves Le Drian.

La désignation de Valérie Hayer sera sans doute un avantage pour la majorité, jeune, femme, porteuse de renouveau, les pieds sur terre, connaissant bien les méandres de la politique agricole commune tout autant que les détails compliqués des finances européennes, tout montre dans son parcours qu'elle est une grande femme politique (je n'ose pas parler d'animal politique pour une femme !).

Ce qu'il y a de nouveau également, c'est la réunification des centristes, ceux de la majorité mais aussi ceux en dehors de la majorité. La liste de Valérie Hayer devrait être composée de candidats de Renaissance, mais aussi du MoDem, de Horizons, du parti radical et de l'UDI. En effet, l'UDI avait abandonné l'idée de faire liste commune avec LR en raison des idées peu euro-optimistes de François-Xavier Bellamy. Après l'échec d'une liste UDI autonome (menée par Jean-Christophe Lagarde) en 2019, l'idée de faire train commun a un sens. Valérie Hayer n'est d'ailleurs pas une inconnue pour l'UDI puisqu'elle a été d'abord une élue de ce parti avant de rejoindre Emmanuel Macron. Cette réunion politique pourrait préfigurer aussi une unité plus forte des forces centrales de l'échiquier politique en vue de l'élection présidentielle de 2027.


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Sylvain Rakotoarison (25 février 2024)
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