Affaire Jean-Marie Kuhn/Albert Frère : lettre ouverte à Nicolas Sarkozy
par Daniel RIOT
vendredi 29 février 2008
Face à l’évidente inertie des plus hautes sphères politiques et médiatiques, Jean-Marie Kuhn a rédigé une seconde lettre ouverte au président de la République. Pourquoi une seconde lettre ouverte ? Force est de constater que c’est le seul mode de communication qui lui garantisse que le président de la République Nicolas SARKOZY est assurément et suffisamment averti et alerté de sa démarche.
C’est l’ultime
recours dont il bénéficie pour transmettre son message de la plus haute
importance alors que des filtres gouvernementaux semblent si efficaces
et si préjudiciables à la fois à M. Sarkozy. M. Kuhn s’exprime en
toute transparence. Chacun de ses gestes est transmis aux cabinets
ministériels et aux proches de Nicolas Sarkozy (avocats, conseillers et
parlementaires). Le président est encerclé de personnes concernées,
impliquées. Comment pourrait-il encore se prévaloir d’ignorer qu’il est
de la sorte interpellé publiquement ? Comment peut-il accepter ces
propos, qui au minimum exigeraient des commentaires, éclairages ou
indignations de sa part. Ce silence irrespectueux qui enveloppe le
préjudice de Jean-Marie Kuhn, est d’autant plus scandaleux que M.
Albert Frère, à l’instar de M. Desmarais, vient d’être gratifié d’une
récompense hautement honorifique, en toute discrétion. Pourquoi ?
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 PARIS
« Si je suis aujourd’hui président, je le dois en partie aux conseils, à l’amitié et à la fidélité de Paul Desmarais. En 1995... il me disait : il faut que tu t’accroches, tu vas y arriver, il faut que nous bâtissions une stratégie pour toi. »
Nicolas Sarkozy (extrait du discours prononcé le 16 février 2008 lors de la remise de la Grand-Croix de la Légion d’honneur à Paul Desmarais).
Monsieur le président de la République,
De votre propre aveu, vous devez donc - en partie - votre élection à M. Paul Desmarais. Or, la devoir « en partie » c’est la devoir en totalité.
Etant donné la personnalité de Paul Desmarais et celle de son associé Albert Frère, on imagine que dans la stratégie qui a été bâtie pour vous rien n’a été laissé au hasard et rien n’aura été hors de prix...
Vous dites devoir votre élection... ce devoir a-t-il un prix ? Et ce prix ne serait-il pas celui que je vais décrire ci-après ?
I. 1,25 milliard € d’argent public donné par l’Etat au Groupe Albert Frère :
Décembre 2006 : le Groupe Albert Frère a réussi à faire débourser à la Caisse des Dépôts et Consignations 1,25 milliard € au travers d’opérations troublantes concernant Eiffage et Quick.
Vous étiez le n° 2 du gouvernement, président du parti majoritaire, et votre influence était telle qu’évidemment ces opérations n’auraient jamais pu se faire sans votre assentiment.
II. 20 milliards € de gains pour le Groupe Desmarais-Frère dans Suez-GDF :
Janvier 2007 : le Groupe Desmarais-Frère est en mesure de payer 798 millions € pour se renforcer dans Suez au point d’être incontournable en détenant 13,4% des droits de vote. Les grands gagnants de la fusion Suez-GDF sont MM. Desmarais et Frère ; j’estime en effet à plus de 20 milliards € leurs gains à l’horizon de cinq années.
2004 : ministre de l’Economie et des Finances, vous ouvrez le capital de GDF tout en vous engageant à ce que l’Etat ne descende jamais en dessous de 70%.
2006 : président de l’UMP, vous faites mine de ne pas soutenir la fusion puis effectuez un revirement spectaculaire en la faisant finalement voter.
2006 : vous portez opportunément plainte dans Clearstream ce qui, on le verra plus tard, s’avérera un élément déterminant dans votre stratégie gagnante...
2007 : chef de l’Etat, vous arbitrez en faveur du Groupe Desmarais-Frère, en présentant les conditions comme avantageuses pour l’Etat grâce à la sortie du pôle Environnement dont on apprendra plus tard qu’il a été promis à... Albert Frère.
III. Deux Grand-Croix de la Légion d’honneur : l’une remise le 16 février 2008 à Paul Desmarais, l’autre remise le 26 février 2008 à Albert Frère en présence du Premier ministre et du Garde des sceaux.
Dans le cadre du préjudice que j’ai subi suite aux agissements d’une société du Groupe Albert Frère, des faits gravissimes m’ont été révélés et je vous en ai tenu informé - ainsi que vos proches collaborateurs et vos avocats - sans que vous agissiez. La seule incidence est d’avoir remis en catimini, loin des fastes que vous aimez, les deux décorations à vos amis. Peut-être ces amitiés deviennent-elles trop lourdes à porter, en ces temps difficiles ?
Mais, et vous le savez, ces faits qui impliquent le Groupe Desmarais-Frère et qui concernent la Caisse des Dépôts et Consignations, Eiffage, Quick, Suez et GDF, ont amené le ministère de l’Economie et des Finances - après quatre mois d’enquête de sa direction juridique et financière - à m’inciter à porter plainte, avec cette mention : « Ce n’est pas le haut niveau des personnes politiques impliquées qui doit vous faire reculer ; il s’agit d’une circonstance aggravante et non atténuante. »
Ma plainte - qui vise un pacte de corruption - a été classée en quatre jours à peine !
Chaque Français est en droit de s’interroger : seriez-vous aujourd’hui notre président, sans la stratégie bâtie pour vous par Paul Desmarais ? Cette stratégie bâtie pour vous n’a-t-elle consisté qu’en des actes moraux, légaux et légitimes ? Pourquoi persistez-vous à œuvrer dans l’intérêt de MM. Desmarais et Frère avec d’incessants arbitrages en leur faveur ? Et pourquoi ces décorations réservées aux héros de notre pays ? Le montant de 1,25 milliard € donné par la Caisse des Dépôts au groupe Albert Frère aurait pu servir à tant de choses, ne serait-ce qu’à renforcer la participation de l’Etat dans Suez.
Cela dit, je reste convaincu que la moralisation du capitalisme et la défense des victimes ne sont pas que des vains mots dans votre bouche. Aussi il vous sera facile de convaincre Albert Frère de réparer mon préjudice. C’est certainement au prix de telles actions qu’une popularité remonte car les Français ont besoin de constater que les actes sont en accord avec les discours.
Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération.
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