Brèves de Métro - Paris ligne 2

par Paul ORIOL
samedi 10 février 2024

La ligne 2 du métro parisien, Nation-Porte Dauphine, de blanc en blanc, traverse toutes les couleurs, les langues, les tenues vestimentaires de la population, parisiens et touristes mêlés. Un moment aérien, au dessus du bassin de La Villette, de la garde du Nord, des quartiers populaires de Barbès… Ligne très fréquentée en fonction du quartier, des jours, des heures, du marché local.
Quelques anecdotes…

Brèves de Métro
 Paris ligne 2

 

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Rencontres

Elle est assise, jeune, fragile, occupe quatre places avec ses affaires étalées… Qu'elle range, libérant deux sièges, avec un petit sourire, timide, d’excuse quand deux voyageurs veulent s’asseoir.

Et libère le dernier siège quand son ami arrive. Je ne le vois que de dos. Mais le sourire de la jeune fille a changé. Totalement. Son regard se concentre. Ses yeux chantent. Son sourire devient accueil, ouverture, offre, don, confiance... Le monde a disparu.

Ils échangent quelques mots. Elle ouvre son sac, en sort un en-cas, le partage en deux. Chacun croque dans sa part. Comme une vie partagée. Et ses yeux ne voient qu'un seul regard, ne sourient plus timidement mais éclatent d'un rire silencieux et généreux. Qui abolit le temps inépuisable. Le métro semble immobile et silencieux. Le temps s'est arrêté.

Le sait-elle ?

Cet instant restera-t-il en elle, en eux, comme un moment parfait ? Lumineux ? Hors monde ?
Ou n'est-il que l'instant imaginaire d'un voyeur sénile ?

 

***

Elle a la soixantaine, entre deux beautés, confortablement habillée. Le sac sur les genoux. Il est plus âgé, à mi-wagon, feuilletant distraitement un magazine. Leurs regards se croisent. Ils se sourient. Des passagers montent, descendent. De mon journal, je peux les voir tous le deux. A quelques mètres l'un de l'autre. Quand il lève les yeux du magazine dont il tourne une page. Leurs regards se croisent à nouveau, leurs sourires s'échangent. De connivence. A plusieurs reprises. Les pages du magazine sont vite parcourues. Peut-être pour revenir au regard. Au sourire. Ils sont trop loin pour pouvoir se parler.

Le désirent-ils ?
Un téléphone sonne. Ils lèvent la tête. Un passager se met à parler, à voix forte, dans une langue étrangère. Comme moi, ils ne doivent rien comprendre, à cette voix énervée. Les sourires reprennent, avec une autre force, une autre signification entre personnes du même monde qui savent utiliser, discrètement, leur portable. A chaque nouvel éclat de voix au téléphone, la complicité se renforce.

A la station suivante, le «  téléphone  » s'en va. Toujours «  téléphonant  ». La dame aussi descend après un dernier sourire et disparaît dans l'anonymat, sur le quai.

Sans un regard. Sans un sourire.

***

Trois jeunes montent dans le wagon, un peu bruyants, discutent de tout, de rien... Un monsieur, probablement d'origine maghrébine, s’assied à coté d'eux. La conversation des jeunes continue, toujours aussi animée, Indifférents à l'entourage.


Un des jeunes sort un paquet de chewing-gum, en offre à ses copains et au «  quatrième  » passager tout surpris qui refuse, poliment, avec un sourire.

Deux stations plus loin, la conversation semble un peu s'apaiser. Le monsieur se lève, salue chaleureusement les jeunes et les remercie. Un sourire heureux sur le visage.

C'est probablement la première fois que quelqu’un, des jeunes lui offrent quelque chose dans le métro.

 

***

Toutes les places assises sont occupées. Il y a même des personnes debout. Appuyé à la porte, un homme, la quarantaine, brun, aux cheveux noirs, la barbe naissante. Le regard vif. Fixe. Semble fixer, sans broncher, derrière moi un groupe qui parle une langue étrangère que je ne comprends pas.
Je n'ose pas me retourner pour voir ce groupe. Est-il avec eux ? Je ne sais. Je l'observe. Il ne me voit pas. Il est tout entier dans son regard. De temps en temps, un sourire s'ébauche sur son visage et anime son œil qui ne bouge pas, devient plus vif. Tranchant. Sur de lui. Dominateur. Ce regard, ce sourire s'adressent-ils à quelqu'un ? Communique-t-il ? S'affirme-t-il sur quelqu'un ? Ou seulement sur lui-même ?
Quelques stations plus loin quand je descends, l'homme n'a pas changé de place. Ni de regard. Ni de sourire. Intérieur ? A quelqu'un ?

 

***

Belle femme, blanche, la cinquantaine, élégante, bien droite sur son siège, elle est souriante. Femme épanouie. Discrètement, je suis son regard. Au bout de son regard, un homme, noir, plus jeune, beau, fort, dont je ne peux voir le visage et les yeux.

Je ne sais pas s'il y a échange et depuis quand.

Le beau noir se prépare à descendre, une discrète invite de la main. Le regard de la femme s'éclaire d'un sourire ravi.

Qu'exprime-t-il ?

Seulement la satisfaction d'avoir été vue ? D'avoir retenu l'attention ? D’un fugace désir partagé, irréalisable ? Remerciement heureux pour l'instant donné.
Mais enfin, pas ici, pas comme cela ? Dans d'autres circonstances peut-être ? Mais enfin, vous n'y pensez-pas ?

Y repenseront-ils encore dans quelques minutes ? Rêveront-ils des hasards de la vie ? Des folies impossibles ? Des sourires qui se frôlent ? De mondes si proches, si lointains ? De tout ce qui sépare ?

 

***

La rencontre de la chance De nombreuses places sont libres. Une dame arrive, s'assied, regarde celle qui est en face d'elle... Vous savez que vous avez 3 signes de chance sur vous ? Bien sûr…
Et les voilà parties sur les bijoux et la chance…

***

La chance d’une rencontre… Un jeune femme monte à Barbés, elle est grande fine, assez belle, robe longue avec ceinture de tissu qui s'élargit sur le devant en un motif brodé.
Un peu plus loin dans la travée, un homme avec chapeau, pantalon rayé, gilet, d’une quarantaine d'années.
La jeune femme le regarde longuement... Vous faites de la danse ? Oui... Moi aussi à titre de distraction.... et la discussion s'engage.

***

 

 

Attentions

Il n’est pas rare que des personnes nous cèdent leur place. De tous âges, de tous sexes, de toutes couleurs. Les plus réfractaires sont les personnes qui sont enfouies dans leur téléphone. Inattention… alibi… Et le principal, la fatigue de la journée alors que nous...

Avec notre âge apparent, il est de plus plus fréquent que des personnes nous proposent avec un sourire ou, sans rien dire, se lèvent pour nous céder leur place.
Souvent, hélas, c’est au plus vieux que la place est ouverte. Je la cède à Anne et il n’est pas rare qu’une autre personne se lève alors pour que je puisse aussi m’asseoir, à côté.

***

Avant les congés de fin d’année, un ami, depuis la sixième au lycée, est à Paris pour quelques jours.
Comme nous entrons dans un compartiment avec beaucoup de monde, debout, une dame se lève pour me laisser sa place, je la cède à mon ami qui souffre depuis quelques jours d’une jambe et de quelques balades parisiennes. La dame ayant vu le geste, sans voir l’ami : c’est votre père…, votre frère..., non c’est seulement un vieil ami…, une amitié de 75 ans.
Réponse qui entraîne une brève conversation, trop longue cependant… La dame a oublié de descendre…

***

Une dame passe, un foulard sur la tête, un enfant dans les bras, un gobelet à la main espérant une pièce. Je suis le seul à donner, discrètement. Je croise le regard d’une voyageuse.
Le dame à l’enfant continue son chemin. Elle voit un siège libre. Le regard tourné vers nous, elle fait signe qu’une place est libre. Nous remercions sans bouger. La dame du regard, debout à côté de nous, sollicite un trentenaire pour qu’il nous cède son strapontin. Anne prend sa place et, spontanément, son voisin enfoui dans son portable, se lève pour m’offrir la sienne.

***

Dans le métro, les masques sont désormais très rares. À tort à mes yeux. Quand le masque était obligatoire à cause la covid19, une baisse significative des cas… de grippe a été constatée. La leçon n’en a pas été tirée.
Mais le masque ne gênerait-il pas ces regards silencieux, complices...

Par contre, le téléphone règne en maître. La moitié des voyageurs sont plongés dans leur portable : communication quelquefois très bruyante, consultation des courriels ou des nouvelles, jeux, liseuses et même quelquefois…
Selfie-miroir de maquillage pour quelque jeune femme victime d’une panne d’oreiller...

***

Toutes les places sont occupées. Une femme âgée, aux traits marqués, les cheveux enveloppés par un foulard traditionnel, monte avec deux sacs. Au bout des bras. C'est mardi, jour de marché. Un homme d'un certain âge se lève sans rien dire et lui cède sa place. Elle ne semble pas comprendre. Elle hésite, refuse, finit pas s'asseoir, lasse.

Quand une autre place se libère. Elle se précipite. Pour rendre la place – usurpée, pense-t-elle ? - à la personne qui la lui avait cédée.

Quand, trois arrêts plus loin, le passager descend, elle remercie à plusieurs reprises, se confond en sourires. Elle a fait si souvent ce trajet debout, avec ses sacs.

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