Plus complot que moi, rumeur

par Gonzague
mercredi 12 mars 2008

Le paradoxe de la théorie du complot est qu’elle sous-entend une énorme débauche d’énergie et la participation active directe de nombreuses personnes. La thèse conspirationniste suppose en outre que l’administration américaine seule est en mesure de réaliser un tel plan, qu’Al-Qaïda ne pourrait jamais parvenir à réaliser un attentat si parfait.

Depuis quelques mois, internet regorge de perles absurdes traitant de soi-disant complots du 11-Septembre fomentés par le gouvernement américain. La Maison-Blanche serait la perfide instigatrice des attaques de 2001. Pourquoi en serait-il ainsi ? La raison en est très simple : il fallait aux Américains une excuse pour attaquer et - surtout - envahir l’Afghanistan et l’Irak, énormes producteurs de gaz et de pétrole. Une attaque terroriste de grande ampleur serait le détonateur idéal.

Des films comme Loose Change ou encore Zeitgeist font fureur, on nous parle d’explosifs « installés » dans le World Trade Center quelques jours ou semaines avant les attentats, on nous raconte l’annonce de l’effondrement du WTC7 avant que cela ne se passe réellement, on nous dit que le trou dans le mur du Pentagone ne peut pas être le produit d’une collision entre le mur rugueux de la bâtisse et le nez aquilin d’un Boeing 757, etc.

Dans un premier temps, il est intéressant de remarquer que ce qui a poussé certaines gens à se poser des questions est une photo. De mauvaise qualité. Où l’on voit cependant un trou dans le mur enfumé du Pentagone. Le trou est petit. L’avion est gros. Quelque chose cloche. Ce n’était probablement pas un avion. Alors quoi ? Un artichaut ? Un missile ? Une table de chevet ? Un drone ?

Il a été prouvé que le trou pouvait tout à fait avoir été fait par un Boeing 757[1], et ce quelle que soit la compagnie aérienne le possédant. Car l’erreur (peut-être naïve, peut-être orientée) était de penser qu’un avion était en pierre, ou en marbre, et que lorsqu’on le lançait à pleine vitesse sur un mur en béton armé, il faisait comme les personnages de Tex Avery transperçant une porte : il laissait derrière lui une silhouette correspondant parfaitement à ses courbes.

La machine conspirationniste fut véritablement mise en marche à l’instant précis où Thierry Meyssan a regardé cette photo. Dès lors qu’un attentat sur quatre est suspect, les autres le sont, logiquement, également.

Et c’est là que Meyssan a oublié qu’il était journaliste ; au lieu de faire appel à un ou plusieurs spécialistes pour lui ou leur demander si le trou pouvait correspondre à l’impact d’un Boeing, Meyssan a écrit un livre. Ses recherches étaient orientées. Il voulait avoir des réponses espérées.

Nous arrivons ici à un point fortement négligé par les sympathisants du complot : la fabuleuse arrogance mâtinée de mépris diffus véhiculée par ces théories. Car soudain, TOUT S’EXPLIQUE !

Oui, tout. Pourquoi la NORAD (North American Aerospace Defense Command- Défense de l’espace aérien nord-américain) a-t-elle mis tant de temps à réagir ? Elle est complice. Ou, du moins, si elle n’est pas complice, on lui a mis des bâtons dans les roues de la fortune (les fameux exercices qui avaient lieu au même moment et auraient pu de fait monopoliser des appareils d’« interception »).

Ce raisonnement est extrêmement pervers. Les Américains, dans un premier temps, sont rassurés de voir que leur système de défense est bel et bien le meilleur du monde, qu’il ne s’agissait finalement pas d’une erreur, d’une défaillance. Dans un second temps, on est rassuré de voir que 19 Arabes ne sont pas capables, avec l’appui financier d’un entrepreneur immobilier croupissant vaguement dans une grotte afghane, de réaliser un tel coup. Autrement dit, pour échafauder un plan aussi parfait que celui du 11-Septembre, il faut être Blanc, chrétien et, si possible, Américain.

Dès lors, on cherche. Le World Trade Center ? Un témoin (il est le seul) a affirmé que l’on avait coupé le courant pendant une journée peu avant les attentats, qu’il y avait eu beaucoup d’activité, que ce remue-ménage était inhabituel. Des témoins racontent des explosions, avant et pendant la chute des tours. C’est évident : cette dernière était programmée et a été minutieusement préparée par un flot de conspirateurs (les ouvriers qui ont installé les charges), témoins potentiels de cette vérité qu’on nous cache. Mais ils se taisent, tous, aujourd’hui, car ils font partie de cette élite avide de pétrole irakien et de gaz afghan. Au même titre, d’ailleurs, que tous les employés du WTC.

Le WTC7, qui n’avait été touché par aucun avion, ni artichaut ni drone ni table de chevet, s’effondre mystérieusement, et surtout, surtout, la BBC annonce la chute du bâtiment, alors que, sur les images, la journaliste fait front à la bâtisse, toujours debout. Cette vidéo de la BBC est intéressante et c’est probablement celle-ci qui montre le mieux l’extraordinaire propension à la non-réflexion de ceux qui ne voient que ce qu’ils veulent bien voir. Combien, après avoir découvert ces images, se sont dit : « C’est clair, pas besoin de chercher midi à 17 h 20. Les médias sont aussi dans le coup  » et ont éteint leur cerveau. L’explication est pourtant toute simple.

Le pré-enregistrement est une technique classique. Les images derrière la journaliste dataient déjà un peu, même si elle-même était effectivement en direct. C’est d’ailleurs vraisemblablement la raison pour laquelle le reportage coupe à la fin. Certains reporters se sont aperçus de l’erreur. Quant à l’heure, on ne la voit nulle part, c’est la personne qui a mis la vidéo en ligne qui l’a grossièrement rajoutée.

En ce qui concerne ces trois points (NORAD, WTC, WTC7) ce qui est intéressant, selon la théorie du complot, c’est le nombre de personnes complices. Des ouvriers installant les charges explosives dans un bâtiment de 110 étages (de même que tous ceux qui les auraient observés) aux employés de la NORAD (selon certaines « sources » conspirationnistes, ils seraient, sans mauvais jeu de mots, de mèche), en passant par les journalistes de la BBC, ça fait beaucoup. Or, n’est-ce pas le principe du complot que de garder le secret, d’avoir le moins de participants possibles ? Un complice de plus, c’est du secret en moins.

Alors oui, effectivement, il y a eu complot. Un complot terroriste. 19 pirates de l’air ont détourné 4 avions de ligne et les ont joyeusement envoyés sur des bâtiments américains hautement symboliques. Comment cela a été possible ? Le secret absolu, le silence total. Très peu de gens étaient au courant. Un éditorialiste du Monde, quelques semaines après les attentats, avait d’ailleurs avancé qu’il ne serait pas impossible qu’Oussama Ben Laden n’ait pas eu connaissance du plan. En effet, c’est tout à fait imaginable. Moins il y a de fous, moins il y a de risques.



[1] Voir : http://pagesperso-orange.fr/jpdesm/pentagon/francais.html


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