Un Rocard, sinon rien...

par Sylvain Reboul
mercredi 16 janvier 2008

Dans un article donné à Libération (1), Michel Rocard se livre à un jeu de massacre généralisé contre tous les candidats potentiels au secrétariat du PS. Quelle mouche a piqué notre grand sage en socialisme moderne ?

Il assortit son pamphlet au vitriol d’une critique juste des insuffisances du PS, gangrené par une contradiction, que la direction actuelle de ce parti ne parvient ni à escamoter ni à dépasser, entre ceux qui se prononcent pour un socialisme étatique, national et/ou européen qui soumettrait le marché à sa botte et ceux qui veulent un marché régulé par un droit social ouvert sur l’Europe et qui, en première étape, acceptent le traité modificatif de Lisbonne comme une étape nécessaire de la construction d’une Europe politique, condition d’une Europe plus sociale.

Or à la question de savoir qui pourrait assurer une direction et éventuellement la candidature du parti aux élections présidentielles de 2012, il écarte dans cet article, un à un, tous les candidats potentiels sans en désigner un seul sinon en creux puisqu’il ne mentionne pas sa personne. Mais, et il faut voir là le but réel de ses propos, il réserve à Ségolène Royal un jugement sans appel le plus dur ; il affirme sans l’ombre d’une analyse que celle-ci je cite n’a, je cite, "à l’évidence pas les capacités nécessaires aux responsabilités qu’elle postule" et "qu’elle représente une certitude de défaite, au prix en plus d’une très grave crise dans le Parti". Cette évidence est telle, selon lui, qu’elle n’a pas à être justifiée à défaut d’être universellement reconnue.


Cette attaque personnelle contre Ségolène Royal n’a à l’évidence aucun caractère politique, car on ne voit pas du tout, dans son texte, ce qui distingue le projet de rénovation de celle-ci du diagnostic et des orientations de Michel Rocard quant à la lutte entre les deux lignes au sein du PS qu’il décrit si justement. De plus, cette attaque est lancée sans aucun argument et comme valant d’une manière définitive : l’incapacité de SR serait, selon lui, non seulement évidente, mais, faut-il le supposer au regard de telles évidences et si les mots ont un sens, congénitale pour ne pas dire génétique ou sexuelle. De la part d’un homme politique respectable, mais qui n’a jamais brillé par sa capacité à prévoir les événements (il affirmait dès avant le premier tour que SR n’obtiendrait pas plus de 40 % des voix au second tour !) il s’agit d’une outrecuidance tout à fait insultante qui fait verser le débat politique dans la pure rhétorique démagogique.

On doit alors se demander pourquoi Michel Rocard qui nous a toujours rappelé aux normes et à la dignité du débat démocratique sacrifie, à son tour, son image d’homme politique responsable - sur nombre de points justifiés - à de tels procédés.
Je ne vois pour ma part aucune autre explication que celle de la panique qui le prend face au fait que les adhérents et électeurs de gauche ne semblent pas spontanément partager l’ "évidence" de l’incapacité "atavique" de SR à exercer les plus hautes fonctions politiques. Elle serait, selon lui, mais au contraire de lui, "trop avenante et charismatique" pour cela, disons trop séduisante, pour être à même de faire preuve de l’esprit de décision et de l’autorité nécessaire ; à moins qu’il ne s’agisse de sa débilité intellectuelle à se saisir des grands problèmes du monde. En un mot, elle aurait les qualités d’une femme et non d’un homme.

Mais qui ne voit que, par cette manière de disqualifier l’ex et/ou la future candidate, il donne au contraire un argument de poids à tous ceux qui ne veulent voir dans ses propos qu’une simple réaction sexiste face à une personne qui remettrait en cause ses propres ambitions passées ou futures. Que faut-il de rancœur et de ressentiment pour en arriver à ce point de bassesse chez un personnage qui nous avait habitués à plus de hauteur...

Cher Michel nous ne sommes pas au café du coin, en train de siroter un verre de pastis, pendant que Madame prépare le repas !
1 : article de Libération


Lire l'article complet, et les commentaires