Théâtre : La locandiera, de Goldoni

par Turquois
vendredi 4 novembre 2005

Depuis maintenant de très nombreux mois, le Théâtre Antoine accueille Cristiana Reali, Pierre Cassignard, José Paul et Alexandre Brasseur, notamment, qui jouent - et pour une fois, ce mot est parfaitement approprié - La locandiera de Goldoni. Cette comédie aux décors clairs rappelle les opérettes ou les pièces en costume que nous regardions à la télévision en famille, à l’âge où nous ne pouvions pas encore choisir le programme. Peu nous importait d’ailleurs, puisque honnêtement, nous y prenions du plaisir. Nous ne comprenions pas grand-chose au départ, mais peu à peu, devant ces spectacles, nous avons appris ce qu’était un personnage. Nous avons vu qu’il était possible de faire rire avec un seul regard ou grâce à une simple intonation. Ces soirées de théâtre filmé mettaient nos parents en joie ; l’adaptation de Goldoni, effectuée par Paola Dussoubs, et mise en scène par Alain Sachs, nous comble également.

La locandiera est l’histoire d’une jeune femme brune dont le charme est tel que tous les hommes qui passent dans l’auberge qu’elle dirige tombent immédiatement amoureux d’elle. Elle le sait, elle en joue, elle en profite, et pense qu’elle n’aura jamais rien à y perdre. Parmi ces hommes, José Paul est un petit marquis fauché ET radin irrésistible, confirmant le vrai pouvoir comique dont il dispose. Pour sa part, Alexandre Brasseur joue efficacement les riches gentilshommes, tout en puissance et en voix. Pierre Cassignard incarne de façon débridée le troisième de ces hôtes, qui a la particularité de prétendre n’être jamais tombé amoureux et de jurer que, Dieu merci, cela ne lui arrivera jamais. Evidemment, la piquante aubergiste va tout faire pour lui faire comprendre qu’il sous-estime largement le pouvoir des femmes.

Cristiana Reali glisse sur la scène comme un poisson dans l’eau fraîche, virevolte d’un soupirant à l’autre comme un jeune colibri. Elle interpelle les femmes du public, sans attendre de réponse bien sûr, pour les faire rire aux dépens des hommes, sans pour autant figer le sourire de ces derniers, tellement il leur est impossible d’en vouloir une seule seconde à une Brésilienne qui joue aussi bien les Italiennes... Le comique de La locandiera emporte donc les spectateurs tout au long de cette adaptation très moderne de ce texte écrit à la moitié du 18e siècle. Pourtant, comme pour nous faciliter le retour à la réalité, pour nous préparer à retrouver notre propre vie, qui nous attend toujours patiemment sur les trottoirs des grands boulevards, la fin de la pièce laisse un petit goût d’amertume, montrant que derrière des victoires de façade, peuvent se cacher parfois des défaites plus profondes et durablement douloureuses.


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