La propagation du virus H5N1 de la grippe aviaire génère un état d’alerte

par Valériane Cariou
mardi 29 novembre 2005

La grippe aviaire est une infection due à un virus de la famille des orthomyxoviridae qui comprend plusieurs types, dont Influenzavirus A. Celui-ci est divisé en sous-types, parmi lesquels les sous-types H5 et H7. Cette infection, appelée aussi grippe du poulet, est très contagieuse, et peut toucher presque toutes les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques. Elle peut être fortement contagieuse surtout chez les poulets et les dindes, et être susceptible d’entraîner une mortalité extrêmement élevée dans ces espèces. Le virus Influenza aviaire peut éventuellement infecter d’autres espèces animales, comme le porc et/ou d’autres mammifères.

Le virus de la grippe aviaire, lorsque la souche est hautement pathogène, peut se transmettre exceptionnellement à l’homme. La transmission s’effectue lors de contacts fréquents et intensifs avec des sécrétions respiratoires ou des déjections d’animaux infectés.

Une transmission du virus aviaire à l’homme risque de favoriser des échanges de matériel génétique entre les deux virus chez une personne déjà contaminée par le virus de la grippe humaine. Un tel réassortiment génétique entre ces deux virus pourrait engendrer l’apparition d’un nouveau type de virus, susceptible de s’adapter plus facilement à l’homme. Ce mécanisme faciliterait ainsi la transmission inter-humaine de ce nouveau type de virus.

Cantonné à l’Asie du Sud-est depuis l’épisode mortel de 1997, le virus est depuis cet été aux portes de l’Europe. L’Organisation mondiale de la santé admet aujourd’hui qu’une pandémie à l’échelle mondiale semble inévitable ; pas de catastrophisme, nul ne peut ,en effet, prévoir ni la date ni la portée de cette pandémie, l’heure est donc à la prise de conscience !

Face au risque, une conférence s’est tenue à Malte, du 10 au 14 septembre 2005, sous l’égide de l’OMS, afin de faire, notamment, le point sur l’avancée de la production de vaccins, aujourd’hui insuffisante et totalement inappropriée à une menace pandémique. L’OMS a exprimé le besoin, pour l’humanité, d’une mobilisation la plus large possible. Les groupes pharmaceutiques doivent tenir un rôle prépondérant dans cette lutte contre l’infection virale qui menace : assurer l’augmentation des productions vaccinales dans le monde, et le faire en temps limité.

Les responsables pharmaceutiques doivent, à l’évidence, s’associer aux responsables gouvernementaux et sanitaires de chaque pays, afin d’élaborer des plans nationaux visant à prévenir au mieux les principales conséquences médicales, sociales et économiques d’une telle épidémie. La constitution de stocks de vaccins efficaces contre la nouvelle souche du virus humanisé doit être au cœur de ces plans.

La question de l’utilité d’un vaccin mis au point contre la souche actuelle, qui n’est pas humanisée, se pose néanmoins ; doit-on décemment préparer aujourd’hui diverses souches vaccinales contre le virus actuel, ou attendre sa mutation ?

Plusieurs groupes pharmaceutiques semblent concentrer désormais l’essentiel de leurs activités de recherche en vaccinologie sur les connaissances actuelles ; il semble qu’il soit urgent d’être en mesure de faire le premier une annonce publique en rapport avec ce vaccin.

Cette course contre la montre se justifie fort bien, les groupes pharmaceutiques gagneraient, avec ce vaccin, à la fois une manne financière et une image positive au sein de l’opinion publique. Les vaccins ne représentent que 2% du chiffre d’affaires mondial du secteur pharmaceutique, mais les professionnels parient sur un triplement du marché d’ici six ans ! L’industrie pharmaceutique trouve donc, avec cette menace épidémique, une dynamique monétaire inédite. Aujourd’hui, la probabilité d’une pandémie induit une prise de conscience des bénéfices à tirer d’un vaccin efficace contre ce virus terriblement contagieux.

Ainsi, Sanofi-Pasteur, filiale du numéro 3 mondial Sanofi-Aventis, vient d’empocher 100 millions de dollars grâce à un contrat avec le gouvernement américain pour produire des doses de vaccin "pré-pandémique", visant la souche actuelle du virus de la grippe aviaire ("H5N1"), afin d’anticiper un futur vaccin pour l’homme. Le groupe français va, de plus, investir 150 millions de dollars pour doubler les capacités de production de son usine américaine de Pennsylvanie pour 2008/2009. Le britannique GlaxoSmithKline, fabricant du médicament antiviral Relenza et du vaccin antigrippal Fluarix, a racheté début septembre le canadien ID Biomedical, spécialisé dans les vaccins antigrippaux, pour plus d’un milliard d’euros. Enfin, le suisse Novartis envisage d’acquérir en totalité le californien Chiron, numéro 2 mondial des vaccins, dont il détient déjà 42,2%, pour 4,5 milliards de dollars.

Une campagne d’essais de vaccins a démarré en Australie, début octobre. Cette campagne est effectuée sur 400 volontaires qui recevront une dose d’un vaccin prototype contre la grippe aviaire. Le fabricant du vaccin est la firme CSL.

Les volontaires sont tous des adultes, en bonne santé, qui recevront chacun deux doses du vaccin, à plusieurs semaines d’écart. Ils seront alors examinés pour voir si leurs systèmes immunitaires ont identifié la présence des éléments viraux, et si leur organisme a répondu en créant des anticorps adaptés. Les résultats seront communiqués en décembre 2005 : si ces derniers sont positifs, une seconde phase de recherche sera alors effectuée, et axée sur la composition exacte, et le dosage adapté aux enfants et aux personnes âgées.

Là encore, les résultats obtenus ne seront que des éléments scientifiques se rapportant à une souche ayant infecté un homme au Vietnam. La souche concernant l’éventuelle pandémie n’existant pas encore, le vaccin spécifique ne peut être mis au point. Cette souche provenant de ce cas humain est employée pour la recherche et le développement du vaccin par les services de santé du monde entier.

L’élaboration du vaccin semble délicate, il faut s’appuyer sur le dosage des antigènes viraux, leur dose habituelle est d’environ 15 microgrammes, les essais cliniques américains de Sanofi ont été menés avec 90 microgrammes ! Ceci ajouterait à la difficulté de fabriquer ce vaccin, si ces dosages étaient confirmés par les autres essais cliniques effectués dans le monde.

Par ailleurs, l’américain Chiron suit la piste des adjuvants au sein du vaccin, de manière à stimuler les réactions immunitaires de l’organisme et ainsi, à réduire les doses d’antigènes.

L’aspect positif de toute cette agitation dans le milieu est la dynamique de recherche lancée pour le bien de l’humanité ; les craintes, quant à elles, concernant l’accès au vaccin bienfaiteur pour les populations les plus pauvres d’Asie du Sud-est, la réalité de la mise sur le marché de ce vaccin peu de temps après la mutation du virus, ou encore le réel dénombrement des cas avérés, en Chine notamment, restent entiers et doivent tous nous maintenir en éveil. Cette épidémie constitue à l’heure actuelle LA menace sanitaire ; une pandémie engendrerait, selon les scénarios les plus optimistes, entre 2 et 7,4 millions de morts dans le monde.


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