Une épargne qui nous désolidarise

par Michel Monette
vendredi 6 mai 2005

Les taux de rendement peuvent-ils vraiment tout justifier ?

Ne serait-il pas temps de cesser le petit jeu de cache-cache avec la vérité : la seule raison pour laquelle il n’y a pas une meilleure redistribution de la richesse est notre rapport à l’argent, objet de réussite et de convoitise individuelles avant d’être objet de réussite et de partage sociaux. Un bel exemple où la solidarité en prend pour son rhume est le placement de l’épargne de la classe moyenne.

Naviguant sur les flots d’une épargne de plus en plus financière, le capitalisme est devenu, au fil des années, tel un immense paquebot menant la classe moyenne vers son destin, pardon vers son déclin.

À la barre de ce capitalisme, les investisseurs institutionnels défient les mers les plus risquées d’où ils se retirent prestement à la moindre alerte météo.

Institutionnels que j’ai écrit, pas criminels. Je ne faisais pas référence à la Banque du Vatican. Ni à une quelconque banque d’ailleurs.

Ils ont beau être veston cravate ou robe bon chic bon genre, ce sont des activistes, nos zinzins ! Activistes du rendement je veux dire.

L’investissement institutionnel en plein essor

Un zinzin, pardon investisseur institutionnel, c’est un organisme financier qui gère collectivement l’épargne des agents économiques (épargnants, futurs retraités, investisseurs à la recherche de rendements élevés, etc.). Cette gestion collective se ramène trop souvent, dans les faits, à des décisions d’administrateurs. Pourvu que ça rapporte.

Bas de laine de la classe moyenne, les fonds de pension sont une des composantes majeures de la famille des zinzins.

Pour vous donner une idée, les fonds de pension représentaient à eux-seuls 27 % du produit intérieur brut et 39 % des marchés des capitaux dans les pays de l’OCDE en 2002.

Ajoutez les fonds de placement collectifs, les compagies d’assurance, et vous avez le portrait de ces investisseurs qui canalisent une large part de la précieuse épargne de la classe moyenne. Canalisent vers quoi au juste ?

L’assise d’une économie virtuelle grandissante

Les investisseurs institutionnels pompent à un bout des milliards de dollars d’épargne qu’ils déversent à l’autre bout dans les pipelines d’une économie de plus en plus virtuelle.

Branchés sur les divers marchés financiers, les gestionnaires des institutionnels ne cherchent qu’une chose : augmenter les rendements.

Leur philosophie, c’est le now nowisme, le très court terme, dans un système financier mondialisé où la logique de fructification rapide d’un patrimoine financier l’emporte.

Résultat : des capitaux qui fuient au moindre signe de danger, tels des bancs automnaux d’oiseaux effarouchés par une feuille tombant d’un arbre, mais aussi des impératifs de rentabilité immédiate qui forcent les entreprises à rationaliser leurs opérations au détriment - ô ironie - des salariés mêmes qui alimentent les fonds de pension.

Ne soyez pas trop découragés tout de même devant la montée en puissance des zinzins. Il y a des alternatives du côté des investissements socialement responsables et de l’épargne solidaire.

Pour une fois, bien que farouchement indépendantiste et 100% libre de commandites, je peux dire que je suis fier du Canada.

Pouvez-vous en dire autant de votre pays ?


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