Insolite : un fait-divers troublant

par Desmaretz Gérard
jeudi 2 mai 2024

Début avril 2024 la presse italienne se faisait l'écho d'un crime inexpliqué sur fond de vampirisme. Le 5 avril 2024 « le corps d'une jeune femme a été découvert dans une petite église en ruine du hameau d’Equilivaz en Vallée d’Aoste (Italie). Les promeneurs qui ont découvert la dépouille ont déclaré aux enquêteurs qu'elle semblait dormir en position fœtale à l’intérieur de l’église. L’autopsie a révélé que la victime est décédée des suites de blessures au cou et à l’abdomen provoquées par des coups de couteau et qu'elle a succombé à de graves hémorragies. La mort pourrait remonter à fin mars-début avril, le froid ayant pu conserver le cadavre. Aucune trace de lutte n'a été constatée sur la scène de crime. « Celui qui l’a tuée a pris soin de lui confisquer son téléphone portable, son portefeuille et ses documents, justement pour compliquer son identification. Les carabiniers n'ont retrouvé que des restes de nourriture.

Un témoin oculaire a aperçu la femme en compagnie d’un homme : « Je les ai vus mardi matin 2 avril. Ils marchaient, elle était très belle, mais souffrante, le teint pâle et le visage émacié. Lui avec des boucles noires et un teint olive. Ils étaient habillés comme deux gothiques, tout vêtus de noir. Comme ces enfants qui vénèrent la mort. J’ai pensé à deux vampires ». La victime identifiée le mardi 9 avril par des membres de sa famille s'est révélée être une Française originaire de Saint-Priest, un petit village de la région lyonnaise.

La jeune femme âgée de 22 ans avait confié à des proches que le but de son voyage était de trouver une maison hantée... Pour se rendre sur le lieu, il faut rejoindre un parking le long de la route nationale 26 dans la Vallée d’Aoste, traverser un ruisseau, et marcher une dizaine de minutes à travers les bois avant d'atteindre la petite église. Parmi les hypothèses avancées, la piste de l’urbex (exploration de bâtiments abandonnés) a été exclue. Selon des journalistes « son voyage pourrait avoir un lien avec un défi de chasse aux fantômes populaire sur TikTok., et d'évoquer : « la possibilité que la femme se soit volontairement offerte pour une sorte de sacrifice ». Les enquêteurs recherchent une camionnette bordeaux filmée par des caméras de sécurité.

Il y a des siècles la population vivait dans la crainte et la croyance d'un retour des morts. La quête de l'immortalité et/ou la croyance en une forme d'existence éternelle se retrouve au cœur et au fondement de nombreuses religions ou philosophies. Le vampire est un mort-vivant qui ne sort de son cercueil qu'à la nuit tombée pour boire le sang de ses victimes. Le vampire dérive d'une légende populaire roumaine qui trouve son origine en Transylvanie. Selon les traditions religieuses locales, ceux qui décèdent sans recevoir la bénédiction d'un prêtre (non baptisé, excommunié, suicidé, sorciers) sont condamnés à devenir des moroi, des cadavres qui ont le pouvoir de prendre la forme d'une chauve-souris et de boire le sang des vivants jusqu'à obtenir le pardon divin.

Si les châteaux de Transylvanie, patrie du comte Dracula, sont peuplés de buveurs de sang et les castels écossais de fantômes et d'esprits frappeurs, chaque pays possède ses propres créatures. Selon une légende hébraïque, Lilith, une déesse mésopotamienne, devint l'adversaire de l'humanité et d'utiliser la semence des hommes après avoir refusé d'être soumise à Adam.

L'Europe centrale et les Balkans semblent avoir été le berceau des vampires depuis la présence otomane et de Val l'empaleur au XV° siècle. En 1725, Plogojowitz exige de sa femme que celle-ci lui apporte ses chaussures. L'épouse reste sidérée ! Son mari est mort et inhumé voilà plus d'une semaine. Les habitants du village s'en vont déterrer le corps du mort-vivant. La barbe du cadavre a poussé, ses ongles aussi, et du sang dégouline des commissures des lèvres. Cette description laisse supposer que le défunt a été victime de porphyrie, une maladie du sang qui a pu donner naissance au mythe des vampires. «  Symptômes hypersensibilité à la lumière, vie nocturne, canines et pilosité sur développées, allergie à l'ail, besoin de sang ou même pulsions violentes. L'évolution de la maladie amène également un raidissement des lèvres et des gencives du sujet atteint, le rictus découvre largement les dents.(...) Dans le temps, le traitement consistait à retirer un demi-litre de sang par saignée veineuse et par semaine, et à boire du sang animal afin de rétablir l'équilibre du système ».

Un article paru dans un périodique daté de juillet 1758 rapporte que les « vampires » seraient les victimes d’une maladie causant une défaillance ressemblant dans ses aspects à la mort, ce qui pourrait conduire à les enterrer vivants, et que les corps inhumés à faible profondeur resurgiraient à la surface. De préciser que si les corps ne sont pas enterrés suffisamment en profondeur, la chaleur conserve le sang fluide, surtout dans les pays chauds, comme la Hongrie ».

Si le siècle des Lumières a permis la remise en cause des mythes, croyances et superstitions, le phénomène n'a jamais disparu. La circulation d'érudits et des croyances vont permettre au vampirisme de gagner l'Europe. Charles Nodier de retour en France après plusieurs mois passés dans des Balkans écrit, en 1812 : « le vampire n’est pas un monstre ailé mais un individu, solitaire, effrayant de pâleur, à la recherche de sang la nuit pour se nourrir ». En 1819 The New Monthly Magazine publie une nouvelle de John William Polidori, le vampire n'est plus un paysan frustre, mais un noble. L'année suivante le théâtre de la Porte Saint-Martin présente la pièce Le Vampire. L'engouement pour les vampires va se populariser au travers du livre. Le baron de Lamothe-Langon écrit en 1825 La vierge de Hongrie ; en 1827 Prosper Mérimée écrit La Guzla, et Théophile Gautier La morte amoureuse en 1836. Un jeune prêtre est amoureux d'une femme morte qui se nourrit de son sang jusqu'au jour ou il découvre que le cadavre de sa bien aimée aspergé d’eau bénite est tombé en poussières. Dans le roman de Paul Féval (1856), la Goule, la femelle du Vampire, se nourrit de cadavres et éprouve un plaisir charnel.

Le 17 juin 1886, Henri Blot dans Le Petit Parisien, différencie à propos des crimes commis par le fossoyeur du cimetière de Saint-Ouen, le vampirisme comme légende urbaine des malades mentaux, à l'occasion anthropophages, ancêtres des serial killers contemporains. Le « Vampire de Düsseldorf » (1929) adressait des courriers aux journaux et aux enquêteurs relatant ses meurtres et dans lesquels il annonçait ses prochains meutres, de préciser qu'il adorait boire le sang de ses victimes. Le roman de Mary Shelley, Frankenstein, marque les débuts de la littérature vampirique. Dracula de Bram Stoker paru en 1897 consacre le personnage du vampire suivi du film muet Nosferatu réalisé par Friedrich Murnau en 1922, puis Dracula de Tod Browning en 1931 avant de céder la place aux Gothiques immortalisés sous la forme femmes sensuelles et diaboliques.

L’homme recherché par les polices française et italienne fut interpellé à Lyon dans la soirée du mercredi 10 avril. Il s'agissait de l'ex-compagnon de la victime, un Italien d'origine égyptienne âgé de 21 ans qui vivait à Grenoble. Le couple avait passé la frontière Franco-italienne le 25 mars 2024. L'homme avait été placé sous contrôle judiciaire le 13 janvier pour violences conjugales et menaces afin que sa victime se rétracte de sa plainte.

Des faits-diversiers se sont-ils inspirés du film d'Ariane Louis-Seize « Vampire humaniste cherche suicidaire consentant » sélectionné à la Nostra de Venise de 2023 dans le cadre de la section Giornate degli autori pour augmenter les ventes ? Comme disait Staline « le papier ne refuse pas l'encre ». Un excuse, ils n'utilisaient pas de savon à base d’huile, d’ail et d’eau bénite. Après cet épisode, « foireux », gageons que les portes et fenêtres des salles de rédaction vont s'orner de tresses d'ails. S'ils avaient consulté un spirite capable de communiquer avec les défunts, peut-être auraient-ils pu lever un coin de la cape vampiriste imitant les ailes d'une chauve-souris, accessoire fétiche de tout vampire soucieux d'élégance et qui remonte au XX° siècle du théâtre britannique.

Le spiritisme contemporain correspond à un besoin, celui d'entrer en communication avec les défunts. En 1920, Thomas Edison qui ne croit pas dans les théories de la vie ni celles de la mort déclare aux journalistes du Scientific American : « Je ne prétends pas que nos personnalités survivent dans une autre existence ou dans un autre monde. Mais je prétends qu'il est possible de construire un appareil (NdA le Nécrophone) si sensible que s'il existe des personnalités dans une autre existence ou dans un autre monde qui veulent entrer en rapport avec nous, cet appareil leur donnera au moins une meilleur possibilité que les méthodes grossières dont on prétend aujourd'hui qu'elles sont les seules possibles ».

Arnaque ou phénomène réel ? Des photographes vont figer des silhouettes invisibles sur des plaques photographiques. Ces images de spectres qui apparaissent au développement ne sont-elles pas la preuve que fantômes et revenants ont une vie réelle ? Des photographes vont berner des familles en livrant des surimpressions... En 1959 un cinéaste suédois qui tourne un documentaire sur les chants d'oiseaux enregistre les voix d'amis et de parents décédés. Richard Sheargold écrit le 2 septembre 1972 dans le magazine Psychic News : «  Il n'est plus possible de douter aujourd'hui que la science de la métaphysique a fait enfin sa première grande découverte ». Des chercheurs méfiants pensent qu'il s'agirait d'un phénomène de psychokinésie (perception extrasensorielle) ou d'hallucinations auditives. Comme disait le magicien Harry Houdini «  il y a un truc ».

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