La modernité, c’est ici

par Mathias Delfe
lundi 10 novembre 2008

On nous rebat les oreilles avec l’audace électorale de ces Américains qui n’hésitent pas à élire un semi-Noir à la tête de l’Etat alors que nous Français ferions encore une fixation sur un profil de présidentiable correspondant exactement à la silhouette bonhomme et à la fiche signalétique de Georges Pompidou, estampillé pur produit du terroir ancestral, enfant de la France éternelle plus que lui, tu meurs.

Procès d’intention, bien sûr, et de la pire mauvaise foi.
Car, enfin, jusqu’au 4 novembre dernier, les Amerloques représentaient l’illustration même de la plouquerie high-tech, c’est-à-dire une nation qui, pour avoir marié le top de la technologie avec un gardien de bœufs maqué par des affairistes sans scrupules, en payait les conséquences économiques et militaires.
Avant cela, nous avons démontré que nous pouvions opposer en final d’une élection présidentielle une femme pas encore désexualisée et un descendant d’immigré d’Europe de l’Est, ce qui, il y a encore une génération eût été impensable, la place des Polacks et autres Magyars se trouvant à la mine ou à l’usine, celle des femmes à la cuisine.
Quant à montrer des divorcés le visage pas même flouté à la télé aux heures où les enfants regardent, n’en parlons pas, l’Eglise nous aurait excommuniés aussi sec et en bloc.
 
Un peu Hongrois, un peu Juif, vaguement Grec, hyper Franchouille, élégance de gérant de casino et gouaille d’avocat parigot, homme à femmes comme tous ceux qui, en plus du goût, en ont les moyens sociaux et financiers, Nicolas Sarkozy est notre Obama à nous, origines mêlées et pourtant si délicieusement Français, le matin à la messe, le soir à la...
Avec toutes ces qualités de base pour faire du neuf, il aurait ressemblé à Denzel Washington plutôt qu’à Ben Stiller, c’eût été incontestablement un plus, mais la nature est ainsi faite que, du côté de Budapest, il pousse plus de radis blancs que de cocotiers dorés.
Et pour ce qui en est de Ségolène, on peut bien renauder, faire la moue et se demander si le costard n’était pas un peu trop grand pour elle, il faut bien admettre qu’à côté d’elle Mamie Clinton possède à peu près le même charisme que Ol’John McCain auprès de Barack Obama. Ou, si vous aimez mieux, on jurerait une star de Broadway follement classe accompagnée de sa gouvernante irlando-mexicaine, grande gueule et rase-motte.
 
Vous ai-je convaincus que nos amis d’Amérique, loin de nous devancer, sont une fois de plus à la traîne, tout leur art consistant en fait à faire fructifier nos idées grâce à de bons scénaristes mieux rétribués qu’ici et à la manne de leurs dollars, apparemment inépuisable malgré la crise ?
 
Et puisque à toute fable il faut une morale, elle serait qu’avec Barack on cesse enfin de prêter quelque importance à la nature d’un genre, à la couleur d’une peau comme aux sources d’un sang.

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