Nous allons revoter pour les présidentielles

par Imhotep
vendredi 20 juin 2008

Oh, cela paraissait anodin au tout début. Une bonne idée sortie de derrière les fagots. Cela se passait lors d’une réunion transparente, de quelques encagoulés, masqués, chapeautés, avec mots de passe et habit gris muraille. Ils étaient tous là. Oui tous, lesquels ? Les durs, les fidèles les cracheurs croix de bois, croix de fer si je mens je vais en Enfer. Les réservistes, les tatoués, les durs à cuire et à faire cuire, les plus belles langues de bois et les plus affûtées langues de vipère, les meilleurs manipulateurs de slogans, les vifs, les forts en gueule.

Voilà mes amis, ils étaient tous réunis un mercredi dans les caves enfumées et secrètes du château. Il y avait le chef, la chanteuse folklorique, le pince-fesse, le teigneux, l’agent d’assurance, le calculateur. Enfin tous. Sauf... oui sauf le PM, non le pistolet mitrailleur 45 révisé 68, non le Premier ministre. Lui, il est là-bas à Matignon, pour repeindre les murs, parfois faire un tour en aéroplane, dire quelques bêtises, et retourner en Sarthe en attendant les prochaines 24 Heures du Mans. Parfois il se lamente auprès de son frère qui lui joue une ballade au piano. Evidemment à la maison cela ne va pas fort, et oui son épouse est Galloise. Le chef n’étant pas doué en géographie il confond avec l’Irlande.


Dans les caves du château, on a compris. Le PM a concocté pour se venger du poste de serpillière que le big chief lui avait réservé de couler le bateau Europe aidé par sa moitié. Et on avait même la preuve, la preuve absolue de sa duplicité : il portait orgueilleusement le même prénom que Mitterrand ! Il fallait contre-attaquer. Alors les idées fusent. Ce ne sont que cris de poules et de coqs. La basse-cour s’échauffe et le chef donne du gourdin. Une pagaille indescriptible. Soudain, une voix s’élève. Un chant à percer les tympans, même les églises s’affolent. Et au travers des mains qui bouchent les pavillons auditifs et empêchent de se mettre le doigt dans le tuyau, le fameux auriculaire, le son adouci du chant guerrier fait tilt. L’idée n’est pas si mauvaise. Et même si ces damnés irlandais nous ont battus au rugby, la démocratie vue d’en haut veut que si le peuple n’est pas d’accord, il faut le contraindre à être d’accord. Les Irlandais revoteront ! Le Chef a tranché.

Et le silence de se faire, et les sourires de s’élargir, et la panse de se dilater, et le coq de se dresser sur ses ergots. Cocorico ! Voilà une idée quelle est bonne ! Et chacun y va de son compliment, de sa flatterie, de son baiser dans le cou (non celle-là c’est dans le noir entre l’agent et la Castafiore. Pardon, on avait dit pas de nom, pas de signes distinctifs.) Alors tous les communicants s’y mettent. L’un dit : on ne peut laisser passer cette idée géniale et révolutionnante sans en donner l’écho et l’éclat nécessaire. Cette idée est l’idée, le point d’orgue, l’alpha et l’oméga, l’essence de toute chose, l’origine non du monde car Courbet est mort, mais du Cosmos. Hurrah ! Vive le prince et Machiavel ! Une idée qui résume la philosophie des biens-pensants, des démocrates, des élus de la nation et du peuple. Allons et faisons revoter. Et l’un de dire, ces salauds m’ont battu aux municipales, revotons ! Et Paillé (non je ne l’ai pas dit) - de se récrier, ces cochons-là m’ont battu aussi ! Revotons ! Et chacun d’y aller de son couplet : et moi et moi et moi entend-on résonner sous les voûtes. Et ce fut l’euphorie. Le chant de guerre, la danse des sioux autour du feu de l’autodafé de la démocratie, en file indienne, sur l’air de la Carmagnole, et pour d’autres dans un vacarme assourdissant sur celui de la danse des canards, tous hurlaient de plus belle : Revotons ! Revotons ! Et c’est à cet instant d’intense folie joyeuse que dans l’esprit d’un des brillants proches conseillers du Grand Sachem, celui dont l’initiale du nom est un G, alors que les uns virevoltaient comme des soufis, et d’autres deux par deux faisaient des pas de menuet, et que l’assureur et la Castafiore se lançaient dans un paso doble endiablé, germa cette idée sur le terreau de la jalousie et de la haine envers un certain DDV qui avait eu en son temps l’illuminante idée de dissoudre l’Assemblée nationale avec le résultat escompté, cette idée qui allait révolutionner la politique, se disant que tous les électeurs des bureaux de vote qui avaient placé la Madone du Poitou en premier se trouvaient, suivant cette nouvelle règle du : revotons, dans le juste de droit de dire : et si nous revotions pour la présidence de la République dans les seuls bureaux de vote qui l’ont placé en tête ! Ce fut le grand blanc. Au château, on en a quelques-unes en réserve des comme cela, mais qui ne franchissent pas toutes le portail de l’Elysée. Las, le soupirail était ouvert, l’exclamation enregistrée, les bons servants ont pris cela pour un ordre et tout ordre sorti des cerveaux multiples du guide est un ordre pour la France à exécuter dans l’heure et, la semaine suivante, la France revotait comme l’exige la nouvelle donne démocratique mise au goût du jour par Sarkozy : quand le vote ne vous plaît pas, revotons.

Depuis le 18 juin 2008, la légitimité de Nicolas Sarkozy est équivalente à celle qu’il a conférée au Non irlandais.


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