Des Teutoniques devenus prussiens protestants... aux Reiche (1/2)
par L’apostilleur
mardi 25 février 2025
Une histoire peu dite, les annales de l'imbroglio politico-religieux du protestantisme en Europe et sa contribution à des événements marquants portée par un dogme inclément qui a influencé des consciences du Moyen-Âge au XXe siècle. On regardera ici quelques conséquences parfois oubliées ou tues avec des événements prégnants.
I - De ses colonisateurs, à la Prusse protestante devenue l’Empire allemand génocidaire.
- De ses colonisateurs à la Prusse protestante.
Au commencement, des chevaliers dits Teutoniques.
Inspiré par les Templiers et les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, l’ordre naîtra plus tard à la fin des croisades, aussi en Terre Sainte. Renégats, leur héritage culturel finalement protestant influencera leurs territoires et pèsera sur l’histoire germanique. Une courte rétrospective aidera à voir comment cette histoire politico-religieuse marquera l’Europe.
Avec une singularité exclusivement germanique, les Teutoniques se différencieront des autres ordres aux origines multinationales brassées.
Rescapés de Terre Sainte ils aspireront à créer un état, d’abord en Hongrie d'où ils seront chassés en 1225 avec la réprobation du Pape suite à leurs agissements. Ils rejoindront alors le nord-ouest de la Pologne, pour combattre les païens slaves, et même la Russie orthodoxe pour la convertir aussi, sans succès.
Ils finiront par coloniser et convertir au christianisme la Prusse au terme de leur croisade balte, les populations seront réduites par les Teutoniques à un quasi esclavagisme. Ils se plaindront auprès du Pape de ne plus avoir le droit d'être propriétaire avec interdiction de se marier pour empêcher leur postérité d'hériter légalement. Ils devront se convertir ou partir, laissant place à une colonisation de peuplement germanique autour des nombreux châteaux Teutoniques.
L'efficacité militaire Teutonique appliquée à l'organisation de l'Etat et la cruauté redoutée de leurs razzias feront le succès rapide de la nouvelle Prusse.
Hermann von Salza 4e Grand maître des Teutoniques XIIe s.
L’état fondé par les Teutoniques durera jusqu’à leur défaite de 1410 contre la Pologne et la Lituanie catholiques dont ils grignotaient les territoires. Sans qu’on sache si ses motivations étaient sincères, politiques ou la manifestation revancharde d’un ordre hégémonique humilié, en 1525 Albrecht (Albert de Prusse) Grand Maître de l'Ordre Teutonique profite du lancement du mouvement de la Réforme, se converti au luthéranisme et transforme la Prusse orientale possession Teutonique en duché héréditaire, en se reconnaissant vassal du roi polonais avec le traité de Cracovie.
La Prusse devient le premier état protestant au monde avec une « église Evangélique ».
Albert de Prusse
Devenue protestante la Prusse suprémaciste participera à la formation d’une Allemagne calviniste, impérialiste, racialiste avec des minorités religieuses sous contraintes. Avec leur doctrine de 1555 (*) les protestants prussiens obtiendront la religion unique sur leur territoire.
- Des calvinistes imposaient en Prusse ce qu’ils combattront en France.
Une rétrospective rapide retrace ici les intransigeances suprémacistes des protestants du nord de l’Europe et leurs conséquences pour les catholiques et les juifs, et éclaire différemment la décision de Louis XIV avec sa religion unique. Pouvait-il tolérer des protestants dans son royaume ce qu’ils avaient refusé aux catholiques ailleurs ?
Les protestants récolteront en France ce qu’ils avaient semé plus d’un siècle plus tôt, avec leur Privilège de Lublin qui préparait le chemin à la Révocation de l’édit de Nantes.
- 1555 paix d’Augsbourg 1555 « Cujus regio, ejus religio - tel prince tel religion » Principe protestant qui autorise le souverain à imposer sa religion pour la Prusse.
- 1569 Privilège de Lublin, les calvinistes obtiennent du roi de Pologne qu’il reconnaisse le duché de Prusse comme un territoire uniquement évangélique.
- 1598 L’Edit de Nantes autorise des droits aux protestants en France
NB ; Précédemment Catherine de Médicis avait pris acte de l'existence de la nouvelle religion et admettait au nom de la paix dans le royaume, que le roi doive s'occuper de ses sujets quelle que soit leur religion, une forme préliminaire de la séparation des pouvoirs, une « laïcité catholique ». Elle proposait la liberté de conscience aux protestants et avait fait signer à Charles IX l’Edit de janvier en 1562 qui demandait aussi aux protestants de rendre les lieux de cultes usurpés et reconnaissait leur droit à s’assembler à l’extérieur des villes pour leur culte. Les protestants refuseront cet accommodement (qui n'a pas été proposé aux catholiques de Prusse) et provoqueront l’intervention du duc de Guise qui constatait le non respect de l'édit sur ces terres et son intervention brutale. Représentants 5 à 10% de la population, ils déclencheront les guerres de religion avec la participation de princes germaniques et de mercenaires suisses dans le royaume de France.
- 1685 révocation de l’Edit de Nantes, un pendant aux intolérances protestantes en Prusse.
Ce calendrier met en perspective la décision de Louis XIV qui ne voulait pour la France ni de l’exorbitance de l’arc protestant du sud de la France avec « des villes autonomes » au motif d’une liberté de conscience, ni d’un territoire germanique mité avec ses royaumes, principautés, évêchés, catholiques et protestants, avec ses sept Grands Electeurs qui se vendaient à l’empereur le plus offrant. Ils provoquèrent la guerre de Trente ans la plus meurtrière d’Europe, avec la défenestration des catholiques à Prague.
Territoire germanique mité XVIIIe s.
Les protestants intolérants marchaient dans les pas de Calvin qui avait voulu convertir le royaume de France et le Roi.
Dominée par le roi de Pologne et l’Electeur de Brandebourg la Prusse devra accepter sous contrainte le retour de catholiques, malgré le Privilège de Lublin et sa Prusse « territoire évangélique ». Des minorités obligées à la discrétion, avec des catholiques « sans tours ni sonneries de cloches » subsistaient, et des juifs tolérés qui avaient été interdits de séjour en Prusse depuis les Teutoniques. Les migrants huguenots n’étaient pas très appréciés non plus. Le protestantisme avait contaminé le nord de l’Europe avec l’Électeur Jean Sigismond qui se déclarera calviniste à Noël 1613.
Les protestants persistaient, en 1701 le roi de Prusse obtiendra d’imposer sa religion contre son allégeance à l’empereur chrétien du Saint empire romain germanique élu par des princes puissants dont certains réformés qu'il n'était plus sûr de pouvoir dominer par les armes. Dans ces états, le prince local est duc, grand-duc ou roi, comme le roi de Prusse également chef de son « Eglise ».
- Le protestantisme absolutiste et la gouvernance.
Quelques décennies plus tard avec Frédéric-Guillaume III, l’Eglise réformée intégrée à l’appareil gouvernemental, annonce la Kulturkampf et son éthique protestante pour le second Reich. Certains y ont vu les germes d’une démocratie et ses droits de l’homme, et chez Luther un précurseur des Lumières (H. Heine - De l’Allemagne), voire un facteur de progrès. Des révolutionnaires socialistes français exilés au XIXe s. (2) diront même leur attirance pour ces sécessionnistes calvinistes.
Luther sera célébré en tant qu’il « proclamait les droits de la raison et de la conscience », une conception « foi et raison » ancrée dans le christianisme des origines (3) différenciée par les thèses de Gomarus à Leyde qui imposera la prédestination calviniste (4).
Frédéric-Guillaume III aussi évêque suprême des églises protestantes, les avait restructurées avec une autorité centrale au sein des ministères de la Justice et de l’Intérieur, avec un ministère des affaires religieuses. On retrouve ici l’inspiration du juriste Calvin qui n'était pas théologien.
En 1810 le monarque marquera son aversion envers les juifs en leurs imposant des prénoms chrétiens et envers l’Eglise catholique en confisquant leurs biens, comme les calvinistes français précédemment lors des guerres et des massacres qu’ils avaient perpétrés en France. Plus intransigeants que Luther ils adresseront des pamphlets insultants et mensongers aux chrétiens dont le cardinal de Lorraine François Hautmann. Suivant leurs interdits dogmatiques des images et des statues, ils les détruiront dans les églises et sur les façades des cathédrales comme on peut le voir aujourd’hui encore sur celle de Lyon.
Sac de Lyon, pillages… par les calvinistes iconoclastes en 1565. A leur tête, le capitaine baron des Adrets jetait ses victimes du haut d’une tour, comme Le seigneur de Pravieux à Montbrison. Jean Perrin écrit : « Des enfants écrasés contre les murs, des vieillards assommés sans défense, des femmes violées, éventrées… »
En 1850 luthériens et calvinistes seront réunis avec la création d’une autorité administrative, le « Conseil supérieur de l’Eglise protestante prussienne ».
- « Coloniser c’est évangéliser ».
Ce trait de l’église protestante intégrée dans les rouages de l’administration allemande, exprime l’opinion de Bama Bapio Rosaire avec son livre « La Namibie sous la domination de l’Église protestante et de l’Allemagne coloniale (1842-1915) ». Une permanence expansionniste, héritage teutonique qui provoquera des génocides avec une singularité protestante exposée par une historienne antillaise.
« A la fin du XVIIe s. aux Antilles les relations des protestants anglais et des français catholiques avec leurs esclaves étaient différentes. Les premiers les considèrent en tant que païens avec leurs différences avec les européens. Les français catholiques insistent sur l'esclave création de Dieu avec une âme qui peut être sauvée et donc "respectable" au moins dans les prêches »
Une opinion partagée par Emmanuel Todd qui associe « le protestantisme américain avec le racisme le plus dur… un des racismes les plus durs du monde avec son idée de damnation d’une partie de l’humanité ». L’opinion de Todd trouve son origine avec l'idée calviniste de la prédestination.
Quand l'Église catholique prône l'accumulation des mérites pour sauver son âme, pour Luther seule la foi sauve et pour le juriste Calvin Dieu avait déjà choisi ceux qui seront sauvés avant de créer le monde avec sa « double prédestination ; non seulement Dieu en choisit certains pour être sauvés mais il crée aussi des personnes qui seront damnées ». Une porte ouverte aux génocides.
En Namibie, cette spiritualité aura de lourdes conséquences avec la colonisation des suprémacistes racialistes du nouvel Empire allemand protestant qui conduira aux expériences humaines sur des esclaves Namas et Hereros dans les camps de concentration de Shark Island
En Namibie, premier génocide du XXe s. (5), prélude au second un peu plus tard.
Au même moment, l’opinion d’une historienne antillaise trouvera une illustration avec Camille Mortenol. Fils d’esclaves affranchis à Pointe-à-Pitre, il deviendra un brillant polytechnicien noir dont l’histoire est affichée fièrement au musée de la Marine à Paris.
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- Révocation de l’édit de Nantes. L'enrayement du protestantisme, un exemple à suivre.
- VERMEER, les républicains socialistes et le marché de l'art.
- L'Ecole d’Athènes. Foi et raison au Vatican, modèle pour l’Assemblée Nationale, maillon entre l’Egypte, la Grèce et les romains –
- La prédestination de Calvin (Institution de la religion chrétienne) ; " Nous appelons prédestination, le conseil éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu'il voulait faire de chaque homme. Car il ne les crée pas tous pareille en condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à l'éternelle damnation. Ainsi selon la fin pour laquelle est crée l'homme, nous disons qu'il est prédestiné à la mort ou à la vie"
- Restitution de crânes d’un autre génocide moins connu mais lourd de sens pour l’Allemagne.
A suivre.
II - De l’Empire allemand protestant à l’Allemagne au deux tiers protestante et son 2e génocide.